Necessite et simplicite d'une reforme monetaire

Remarque préliminaire : on peut s’étonner que tant d’économistes ou d’experts plus ou moins auto-proclamés de la chose monétaire semblent redécouvrir M. Allais, presque totalement ignoré de son vivant, et cette redécouverte semble toucher, plus ou moins fortement, l’ensemble de l’échiquier politique.

Certes, les thèses de M. Allais sur l’imposition du capital pouvaient déplaire à ceux que l’on range habituellement parmi les électeurs de droite – à savoir les ‘rentiers’ et les ‘capitalistes’. Et ses thèses ‘libérales’ sur l’importance des entrepreneurs et des « revenus gagnés » pouvaient, elles, déplaire fortement aux tenants d’une assistance tous azimuts – censés incarner la gauche.

Il n’empêche, depuis sa disparition il y a quelques mois, ses thèses n(ont jamais été autant d’actualité : rendre à l’Etat sa puissance régalienne de « création monétaire », permettre aux entreprises d’exercer leurs capacités de création de richesses, et confiner les banques dans un simple rôle de « comptables » ou d’intermédiaires financiers, en séparant soigneusement les banques de dépôts des banques « de prêt » ou de « transformation ».

Ce que devrait être la monnaie : un bien public au service de la collectivité.

Depuis 1973, et cette situation s’est aggravée après la signature du traité de Maastricht, puis de Lisbonne, nos concitoyens en sont réduits à demander l’autorisation de produire et de consommer au système bancaire. C’est en effet ‘la banque’ qui, selon qu'elle accorde le crédit ou pas, décide en fin de compte de ce qui a le droit de se faire ou non.

De fait, si une banque prête de l’argent – on appelle cela des crédits (à l’économie) - cela est qualifié de « bonne gestion », même si la banque octroie des crédits qu’elle ne possède pourtant pas : c’est tout le mécanisme de la « création monétaire » (bancaire, et de la confusion entre banques de dépôts et banques d’investissements.

Si l’Etat, au contraire, utilise de l’argent qu’il ne possède pas, cela s’appelle du déficit budgétaire, qu’il devra financer en augmentant sa dette publique : démarche ‘évidemment’ malsaine nous répète t’on à l’envie.

Ainsi les banques commerciales (dites aussi banques de second rang) s’enrichissent en prêtant (contre intérêts) de l’argent, et en créant ainsi une monnaie-dette. Si l’état s’avisait de passer outre aux traités internationaux et d’émettre de la monnaie, dite encore monnaie de base, il serait accusé de « faire tourner » la planche à billets, et de contribuer ainsi à la perte de compétitivité de l’économie française.

Le regretté Maurice Allais - ultra-libéral par ailleurs - s’étonnait déjà de cette place faite aux intérêts privés:« la république démocratique a abandonné pour une grande part ce droit [de battre monnaie …]et ce privilège à des intérêts privés … », et pour citer l’un de ses condisciples disparu lui aussi, Marcel Macaire : « la création monétaire par la Banque Centrale est par nature une dette sans créancier puisque l’Etat se prête à lui-même. C’est parce qu’il se croit obligé d’en avoir, que l’Etat emprunte à d’autres que lui-même et crée de ce fait un déficit budgétaire. C’est cette méprise - et elle seule - qui crée la dramatique situation du chômage dans laquelle nous nous débattons aujourd’hui " »

Il serait pourtant assez simple – cela ne dépend que d’une volonté politique (contre laquelle, bien sûr, s’arcbouteront les marchés – financiers et monétaires – et les banquiers) de redonner à la puissance publique le pouvoir régalien de « battre monnaie ».
Il suffirait pour cela d’interdire aux banques de prêter plus qu’elles n’ont en dépôts ou en fonds propres (c’est ce que certains appellent le « 100% monnaie »). Pour cela, la séparation effective et absolue entre banques de dépôts et banques de financement apparaît indispensable (cf. C.Gomez).

On estime qu’actuellement les banques françaises ont en disponibilité de l’ordre de 15% de leurs prêts – c’est une évaluation du « multiplicateur monétaire ».
Dit autrement, les prêts que le système bancaire a consenti est 6 fois plus important que ses réserves monétaires – ce calcul, d’ordre statistique, est obtenu en notant que la monnaie scripturale ‘bancaire’ en circulation représente 6 à 7 fois la monnaie de base (monnaie ‘centrale’).

En dehors du problème de liquidités que cela représente, cela signifie que ces prêts ont nécessairement été octroyés sur des anticipations de remboursement, anticipations liées soit au contexte économique permettant de rembourser ces emprunts, soit à des spéculations n’ayant qu’un lointain rapport avec la réalité économique.

Ce simple constat nous conduit aux propositions suivantes, afin de passer au « 100% monnaie » seul principe susceptible de redonner à la puissance publique son pouvoir régalien d’émettre une monnaie qui soit réellement en faveur du plus grand nombre :
a)transmettre à l’état – par l’intermédiaire du Trésor ou de la Banque de France – tous les encours de dettes – correspondant réellement à des crédits à l’économie - qui ne seraient pas exactement contrebalancés par les dépôts. L’Etat deviendrait alors le véritable créancier, quitte à ce que les banques de second rang lui servent de comptables, en sus de ses établissements propres. Une émission de monnaie centrale (essentiellement sous forme de monnaie scripturale) serait alors émise pour équilibrer l’ensemble de ces dettes – d’où le « 100% monnaie » - les intérêts des créances étant par ailleurs supprimés (même si l’on peut accepter que les services rendus par les banques soient rémunérés, en tant que services, pas en tant qu’intérêts cumulatifs). M. Allais estimait que ce passage de dettes pouvait s’opérer en moins de deux ans.

b)les encours de dettes qui correspondraient à des actions spéculatives seraient purement et simplement effacés (l’idée de créer une institution bancaire avec toutes les créances « pourries » ou « toxiques » ne semblant ni réaliste, ni morale) : comme ce serait une perte sèche pour les banques, on peut imaginer de procéder à cet effacement – sans ‘indemnités’ - sur deux ou trois ans.

Notons que si l’émission d’une telle quantité de monnaie par la banque centrale redevenue autonome de la tutelle européenne – ou par un office national de crédit nouvellement créé - peut paraître démesurée, et donc infaisable, il s’agit en fait d’un simple jeu d’écritures.
La monnaie ‘bancaire’ étant remplacée par une monnaie ‘centrale’, ce remplacement n’a évidemment nul besoin de se concrétiser par l’émission de billets supplémentaires. « 100% monnaie » ne signifie évidemment pas qu’il faille revenir à une monnaie « billets ».

M. Allais – ou I. Fisher, ou Robertson – apporte évidemment de nombreuses précisions à ce renouveau de la puissance régalienne monétaire de l’Etat.

Mais l’essentiel figure dans cette meure d’une simplicité extrême rappelée ci-dessus : « la banque centrale émettrait autant de monnaie de base que nécessaire à destination des banques d’origine, ces banques (de second rang) étant tenues dès lors à respecter un taux de couverture à 100% de leurs prêts » mesure accompagnée d’une séparation stricte entre banques ‘gestionnaires’ (dites de dépôts) et banques ‘intermédiaires’ (ou de ‘transformation financière’)

Commentaires

  1. @Bruno
    1. La monnaie n'a pas toujours été un monopole public, une tâche régalienne. Le free-banking propose la privatisation de la monnaie. L’État ne ferait pas mieux que les banques pour financer les entreprises. La seule manière de définir un "bien public" est ce qui est le monopole de l’État. Aucune autre définition ne serait cohérente. La monnaie n'est pas, par nature, un "bien public". C'est un choix politique.

    2. Le prêt à une entreprise est de la "bonne gestion" si le ratio d'endettement de cette entreprise est correct. Sinon, c'est de la mauvaise gestion. De même un endettement excessif de l’État, un "déficit budgétaire excessif" est de la mauvaise gestion de l’État.

    3. Vous citez Macaire qui disait que la monnaie centrale est une "monnaie sans créancier". La monnaie est un OJNI, un "Objet Juridique Non Identifié" puisqu'elle n'est pas définie par la loi. Ce jugement de Macaire n'est donc pas faux. Mais il est incomplet. L’État respecte la promesse politique que la monnaie conserve son pouvoir d'achat. Chaque unité monétaire, chaque euro, est une promesse de l’État de ce pouvoir d'achat.

    4. La théorie du 100% money demande la suppression des monnaies secondaires. Chaque unité monétaire de monnaie secondaire est une promesse de verser un euro de monnaie centrale. Je ne vois aucune raison économique valable pour interdire à la BNP de faire une telle promesse à HSBC, de faire une telle promesse aux Ciments Lafarge. La loi serait inique si elle interdisait la vente de promesse financières.

    5. Vous parlez des "encours de dette provenant de la spéculation". Il est impossible de trouver un critère objectif pour dire la différence a priori, entre un investissement et une spéculation. Comment envisagez vous de résoudre cette apparente contradiction?

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  2. @ gdm (rst?)
    Votre commentaire est intéressant, et nous lance sur une piste intéressante, celle de la notion de "bien" (ou service?) public.

    La monnaie est-elle un bien public, pour la seule raison qu'elle doit, ou devrait, être au service du plus grand nombre?

    Ma fibre libérale s'interroge, ma fibre sociale un peu moins.

    Nul ne peut interdire des "prêts entre adultes consentants", et des échanges de billets marqués BNP et CreditAgricole, tant que ces billets sont clairement marqués.

    Le danger, sinon la supercherie, commence lorsque l'on oublie que ces billets sont "marqués", et qu'ils prétendent tous offrir la m^me promesse de remboursement (en comptant sur l'état en dernier ressort, en cas de problèmes d'illiquidité ou d'insolvabilité).

    De fait, vous écrivez aussi que nul ne peut être son propre créancier. Peut être, mais c'est pourtant ce que font les banques lorsqu'elles créent de la monnaie pour acheter des actifs fianciers. Ou, plus subtilement peut être, lorsqu'elles s'échangent des créances entre banques amis: je te prête, tu me prête, et l'état nous sauvera en cas de soucis.

    Je ne suis pas sûr que l'état soit le meilleur garant de la monnaie, mais ce dont je suis persuadé, c'est que le manque de transparence actuelle est un énorme fardeau posant sur l'économie française, et que ce sont les banques qui, dans la situation actuelle, tireront toujours leurs épingle du jeu, au détriment des entreprises et des ménages 'normaux'.

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  3. @Bruno
    [RST est un de mes agréables contradicteurs]
    1. La monnaie secondaire est clairement "marquée", puisqu'elle est marquée par le nom de son émetteur. Il serait plus rigoureux, plus juridique de remplacer "euro" par "euro-BNP". Cette omission est certainement une erreur et peut induire en erreur. je partage votre remarque sur ce point là. Mais cette erreur n'a pas de conséquences juridiques en terme de dommages et intérêts que pourrait prononcer un tribunal.

    2. Un euro-BNP est une promesse de la BNP de verser un euro de monnaie centrale. L'émission d'un euro-BNP est donc l'émission d'un titre financier, l'émission d'une promesse financière. Entre les mains de la BNP, ce titre financier n'a évidement aucune valeur. La BNP qui se promet à elle-même ne veut rien dire. Mais lorsque la BNP remet ce titre financier à un tiers, cette promesse de la BNP a de la valeur. La BNP n'est donc pas son propre créancier dans cette émission d'euro-BNP.

    3. La BC prêtera autant de monnaie centrale que la BNP a émis de monnaie secondaire. Si un bénéficiaire de la promesse de la BNP demande de la monnaie centrale, la BC en prête aussitôt à la BNP. Ou alors, la BNP en emprunte à une autre banque secondaire pour une journée. C'est moins cher que le taux de la BC. La Banque Centrale joue ainsi quotidiennement son rôle de prêteur en dernier ressort.

    4. Une partie du travail d'une banque est de trouver des liquidités. Soit de l'or, soit qq chose qui a de la valeur. Grâce au système monétaire actuel, la banque facture des intérêts sans se fatiguer du tout. La BNP profite d'une rente légale. C'est un cadeau fait chaque jour par la banque centrale à la BNP. Merci la BC! Mais cette émission de monnaie secondaire par la BNP n'a rien de frauduleux. Et les intérêts perçus n'ont rien de frauduleux non plus.

    5. Pour réduire cette rente un peu facile de la BNP, il suffirait que la BC modifie un seul taux. Et la BNP paierait plus cher sa monnaie. Quel est, selon vous, le nombre de milliards la BC gagnerait en facturant davantage les banques secondaires pour leur émission de monnaie secondaire? ce nombre de milliards est calculable facilement. Ce nombre est très exactement le poids du "fardeau" dont vous parlez.

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