PIB et croissance, de quoi parle t-on exactement.
Le PIB, cet
indicateur qui cumule beaucoup d’espoirs, et de nombreux défauts.
Tribune
libre de Bruno Lemaire, club Idées Nation
L’augmentation du PIB est attendue,
tel Godot, depuis des années, et plus particulièrement depuis que F. Hollande
s’est engagé à « inverser » la courbe du chômage. Il suffit sans
doute d’attendre assez longtemps pour que cela se fasse, certes, mais nos chômeurs
actuels et futurs auront-ils la patience d’attendre, ce n’est pas si sûr.
Cela étant, nos experts ont décrété
que le chômage commencerait à se réduire dès lors que la croissance du PIB
dépasserait 1.5%. Je ne vais pas ici
contester ou approuver cette affirmation, mais je vais plutôt m’intéresser à ce
fameux PIB, source de toutes les sollicitudes actuelles.
Une fois n’est pas coutume, je vais
commencer par un petit jeu, qui débouchera sur une série de 2 questions, pour
tenter de cerner ce fameux PIB, Produit Intérieur Brut, dont la valeur
actuelle, telle que déterminée par l’INSEE, est légèrement inférieure à 2100 milliards d’euros, (est. fin
juillet). Nous prendrons cette valeur pour notre ‘jeu’.
Entrons donc dans ce jeu, si le lecteur le veut bien, avant de répondre à deux "simples" questions.
Un été pluvieux relance la vente d’imperméables, de chandails et de
vêtements de pluie, qui bondit de 10 milliards d’euros.
Une catastrophe écologique se produit au large de la Bretagne, on
prévoit des dégâts de l’ordre de 10 milliards d’euros.
Une réforme de l’Education nationale impose un recrutement massif de
professeurs, de personnel d’encadrement, de personnel de service, pour une
dépense budgétaire supplémentaire de 10 milliards d’euros.
Une réforme du code de la route restreint la vitesse dans les agglomérations à
30Km/h, sur les nationales à 60 km/h, sur les autoroutes à 80 km/h. Le temps
perdu dans les transports, et non disponible comme temps de travail effectif,
est évalué à 10 milliards d’euros.
Sous la pression de la
« communauté internationale », les trafics illicites ou à la limite de la légalité (drogue,
prostitution) sont intégrés au PIB, pour une valeur estimée de 10 milliards
d’euros.
Une centrale nucléaire, d’un coût de 10 milliards d’euros, est enfin
achevée, mais sous la pression des écologistes, ne sera pas mise en service.
Deux questions. Pour chacun de ces exemples, précisez de combien le PIB a augmenté – toutes
choses égales par ailleurs comme disent les économistes – et comment cette éventuelle
croissance a pu être financée (impôts
nouveaux, création monétaire, autres moyens)?
Sans déflorer le sujet, ces
exemples, qui ne sont caricaturaux que par leur montant, car ce sont des
exemples à la fois concrets et réalistes, montrent que l’augmentation
éventuelle du PIB peut prendre diverses formes. Et que ce qui peut apparaitre
un accroissement de richesses pour certains, peut correspondre à des déchets ou
à des encombrements pour d’autres. Sur ce dernier point, si des constructeurs
automobiles produisent des milliers de voitures invendables, certains diront
que c’est bon pour le PIB – ce qui est exact – d’autres diront que les stocks d’invendus
n’augmentent pas vraiment la richesse des constructeurs automobiles, non plus que
la richesse du pays concerné, d’ailleurs.
Pour montrer à quelles aberrations peut conduire l’idolâtrie du PIB, et de la « croissance »
qui lui serait associée, je vais reprendre un autre exemple très concret lui
aussi, celui de chaussures de sport.
Fabriquée en Asie, le coût de
production d’une paire de chaussures de bonne qualité est de 5 euros, fabriquée
en France, elle coûterait 30 euros.
C’est donc de cette somme que devrait s’acquitter un sportif de base, disons
que c’est sa valeur intrinsèque.
Il suffit pourtant que cette même
paire, de la même qualité, soit labellisée
« grande marque », Nile, Asics, Adidas ou autre, pour qu’on se l’arrache
à 100 euros. Pour cela, on a ajouté à
son coût de revient les salaires de ‘communicants’, internes à l’entreprise ou
externes (presse, médias divers), de sportifs (payés une fortune pour servir d’hommes
sandwiches) plus une marge conséquente – pensons dans un autre domaine à Apple
- pour que le PIB relatif soit multiplié par plus de 3.
Y a-t-on réellement gagné ? Je
laisse le lecteur seul juge.
Le chômage a-t-il régressé ? Celui
des communicants, sans doute, celui des sportifs, peut être.
Mais au détriment sans doute de
certains consommateurs, qui n’ont sans doute pas la possibilité de mettre 100
euros dans une paire de chaussures, ou qui dépenseront cette somme à leur insu
de leur plein gré, plutôt que d’acheter d’autres produits plus ‘primaires’,
mais peut être aussi plus utiles. Les hommes de marketing auront bien mérité de
leur entreprise, mais de la société en général, pas vraiment.
De plus, d’où va sortir l’argent nécessaire à ce passage de 30 euros à 100
euros. De privations sur d’autres produits ? Cela n’augmenterait pas le sacro-saint
PIB, et cela aurait simplement enrichi Nike, ou Asics, ou …, au détriment de
vendeurs d’autres produits. Cet argent supplémentaire viendra plus fréquemment
d’un surcroit d’endettement des consommateurs – peut être aussi des sociétés
qui voudront eux aussi faire de la publicité sur leurs propres produits –
souvent déjà fort endettés.
Une croissance du PIB, correspondant à de fausses richesses, obtenue majoritairement
par de nouvelles dettes, est-ce cela que nos compatriotes attendent ? Dans
ce cas ce n’est plus l’Etat qui va payer – c’est-à-dire les contribuables
imposables – mais les générations
futures. Il faudra bien rembourser les créanciers, à moins d’avoir recours
au jubilé de nos ancêtres, ou d’une restructuration de nos dettes, à la grecque
…
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