L’Euro, un échec inéluctable ? Une micro-synthèse
Tribune
libre de Bruno Lemaire, Professeur Emérite HEC, co-animateur du colloque
organisé par la FENL et par le club Idées Nation
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Bruno Lemaire présentant le colloque du 21 novembre |
Je n’ai pas la prétention de
vouloir synthétiser en quelques lignes les interventions des professeurs Bagnaï,
Sapir, Rosa et Werrenbrouck, et de MM Gérard et Holbecq, ni d’en faire un « best
of ».
Disons que cette « tribune »
va simplement évoquer ce qui m’a particulièrement marqué. Ce sera donc une
vision partielle et sans nul doute partiale traduisant ce que j’ai retenu du
colloque du 21/11, dont l’enregistrement complet figure sur le site du club
Idées Nation, sa présentation en ayant été faite précédemment.
Les intervenants faisant tous parti
du « Front anti-euro » appelé de ses vœux par le professeur Jacques
Sapir, il n’est pas très étonnant qu’ils soient tous tombés d’accord pour
déclarer que l’Euro était un échec,
même si les arguments pour le dire ont été fort différents.
Plusieurs interventions m’ont
spécialement marqué. Le professeur Bagnaï (cf. aussi) a pris l’exemple de l’Italie pour
montrer à quel point une union monétaire était déjà très difficile dans un même
pays, dès lors que le poids économique des différentes régions, ainsi que leur
sociologie, étaient très différents de l’une à l’autre. Alors, pour une zone de
11, 12, 18 pays différents par la culture, par la langue, par leurs traditions,
par leur industrie, l’échec était quasiment inévitable.
Un autre intervenant, tout en
constatant l’échec de l’Euro, a voulu adoucir le trait, en affirmant que l’Euro
aurait pu marcher, en s’y prenant tout autrement, mais que sa disparition était
devenue maintenant inévitable.
Le professeur Rosa, en digne
libéral, s’est élevé contre le principe des taux de change fixes. Pour lui tout
pays devrait avoir sa propre monnaie, pour permettre aux ajustements
économiques, et en particulier ceux des échanges de biens et services, de se
faire librement, sans contraintes.
En tant qu’animateur je me suis
permis de suggérer que pour permettre ces ajustements, jouer sur les prix n’était
pas la seule solution, puisque l’on pouvait aussi atteindre ces équilibres en
jouant sur les quantités. C’était d’ailleurs ce qu’avait suggéré l’ONU, dans sa
charte de la Havane, au moment de la création de l’OIC (Organisation
Internationale du commerce), l’ancêtre de l’OMC.
L’esprit de cette charte était d’inciter
chaque pays exportateur net à importer davantage, et/ou à diminuer ses
exportations, afin d’équilibrer les échanges respectifs entre nations, la
variable d’ajustement n’étant pas prioritairement les prix, mais les quantités
échangées.
Le professeur Sapir, quant à lui, a
pris un autre angle d’attaque. Pour lui, l’euro n’a pas vraiment servi à lutter
contre la prédominance du dollar US, même si cela pouvait être l’un des
objectifs initiaux de sa création. Bien au contraire, son existence est plutôt
une aide pour le dollar, et c’est l’une des deux raisons qui expliquent le
soutien de Washington à la zone euro et aux mesures prises par Draghi.
La deuxième raison va au-delà du
rôle particulier de l’euro, et concerne le système monétaire mondial, deuxième
sujet important du colloque.
Pour Jacques Sapir, il faut
refondre entièrement le système monétaire international, moribond depuis près
de 45 ans, et qui continue à profiter aux USA. Mais, pour cela, il faudrait que
l’euro disparaisse.
C’est au niveau de ce dernier
point, nouveau système monétaire international, que les avis des divers
intervenants sont les plus divergents, même si beaucoup souhaitent une banque
de France libérée de la BCE mais plus docile, voire aux ordres de l’Etat
français. C’est ainsi que le professeur Warrebrouck souhaite que la Banque de France
puisse émettre des euros français, sans consultation et indépendamment d’éventuelles
directives de la BCE.
André Jacques Holbecq, pour sa
part, réclame que l’on supprime le droit de « battre monnaie »
accordé aux banques commerciales, aux banques de second rang, et que la Banque
de France puisse émettre chaque année l’équivalent de 100 milliards d’euros –
sous la forme de francs nouveaux – à la fois pour aider l’économie française et
pour rembourser les intérêts de la dette publique. Cette position, qui pourrait faire l’objet d’un
nouveau colloque sur ce que certains appellent le « cent pour cent monnaie »
est assez loin des positions du professeur Rosa qui, pour sa part, souhaite
simplement pouvoir disposer d’une monnaie libérée de toutes entraves et donc
fluctuer hors de toute régulation contraignante.
Autre
divergence remarquée : la façon de sortir de l’Euro, de façon ordonnée ou
brutale, reste un point délicat, qui n’a pas vraiment été abordé à fond, même
si chaque intervenant est d’accord sur son bien fondé. Sujet trop politique
peut être ?
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