Le programme économique du Front National serait incohérent ? Creusons un peu
Par Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC, club Idées Nation
Olivier Passet, du Xerfi, sans
doute missionné par le système pour faire oublier combien ce même système s’est
montré calamiteux pendant les dernières décennies, pense avoir trouvé un angle
d’attaque original contre le FN, la cohérence de son programme. Pour cela, il a mis en ligne une vidéo
assez didactique que nous allons décortiquer.
Après 45 secondes d’attaques peu
originales par ses sous-entendus un peu lourds, du genre reductio ad hitlerum , comme si le « populisme » était potentiellement
plus dangereux et condamnable que le marxisme-léninisme en URSS, en Chine, en Corée
du Nord ou au Cambodge, que l’impérialisme américain au Chili ou ailleurs, ou
encore que l’islamisme fanatique sur un bon quart du globe, Olivier Passet en Il
montre assez justement que le programme ‘économique’ de marine n’est pas
seulement économiste, il cite à ce sujet trois pôles, social, protectionniste
et interventionniste.
En mélangeant ainsi moyens et
objectifs, O. Passet n’apparaît pas extrêmement rigoureux, mais passons lui ce
petit défaut de méthode, nous ne sommes pas là pour juger de la forme de sa
rhétorique, mais du fond.
O. Passet va retenir 4 clefs de
lecture des 144 propositions de Marine Le Pen, a) retour de 4 souverainetés, b) retour
à la retraite à 60 ans c) taxe sur les travailleurs
étrangers d) contribution sociale
sur les importations.
C’est son choix, après tout il y en
a de pires même si, là encore, ce choix ne place pas ces clefs de lecture au même
niveau, puisque sans la clef du « retour aux
souverainetés », tout le reste est impossible, l’Union européenne
nous l’interdirait (en dehors de la question de la retraite)
L’originalité d’O. Passet est
ailleurs. Il ne va critiquer aucune de ces 4 mesures, en particulier celle du choix
d’une monnaie nationale, en laissant entendre que chacune, séparément, peut
se comprendre, sinon se justifier, dans l’optique, qui là encore sonne juste,
de venir en aide aux « perdants de la mondialisation »
Mais là où O. Passet fait complètement
fausse route, c’est qu’il voit le programme de Marine Le Pen comme un programme
d’assistance, du genre : on va prendre l’argent ou il est, sans autre
mesure d’accompagnement. Presque un programme à la Hamon/Mélenchon, en quelque
sorte.
Quel contre-sens total, ou quelle myopie « à
son insu de son plein gré ». S’il s’agit évidemment de regarder du côté de
la demande et du pouvoir d’achat, il s’agit aussi
de se placer du côté de l’Offre, en particulier de celle concernant les
artisans, les TPE et PME, submergés le plus souvent par une concurrence
étrangère déloyale.
Pour justifier cette myopie, ou
cette « borgnerie », qui consiste à ne voir que les « chèques
sociaux » donnés aux oubliés ou aux meurtris de la mondialisation, O.
Passet affirme que la seule arme, la seule mesure de Marine Le Pen serait de
vouloir démolir les traités internationaux.
Tout d’abord, bien sûr, pénaliser
de 10% les travailleurs étrangers, a tout d’abord pour but d’instaurer une
concurrence moins déloyale entre travailleurs français et travailleurs
étrangers, et favoriser ainsi l’emploi de nos nationaux. La cotisation sociale
aux importations a un but analogue, même si cette fois cela a pour but de
financer la prime de pouvoir d’achat que n’ose critiquer directement Olivier
Passet.
Enfin, O. Passet affirme que la France
de Marine Le Pen veut rompre tous ses engagements avec l’Europe, alors qu’il s’agit de renégocier certains d’entre
eux, et que Marine Le Pen se donne 6 mois pour arriver à un accord, qui
sera soumis à référendum.
Que cette négociation soit rude,
personne ne le conteste, mais que le coût en soit nécessairement élevé est un
argument d’autorité peu recevable. Notre participation à l’U.E. nous coûte 9
milliards par an, auxquels il faut ajouter 12 milliards de soutien de l’euro. La relance de la production nationale et du
« consommer français » en raccourcissant les circuits de distribution
ne semble pas non plus devoir être nécessairement coûteuse, surtout si cette
relance s’accompagne du million de création d’emplois, au minimum, que nous
prédisent certains experts non frontistes mais non encartés contre nous.
Contrairement aux affirmations d’Olivier
Passet, les mesures qu’il a pointées sont tout à fait cohérentes, et c’est
cette cohérence qui empêchera justement
la cure d’austérité qu’il nous prédit, et qui est hélas en filigrane dans
les programmes de certains des candidats qu’il défend.
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