Dépréciation salariale ou dévaluation monétaire: avons nous encore le choix?
Le pragmatisme n’exclut
pas la fermeté sur le recouvrement de souverainetés en grand danger
Par Bruno Lemaire,
club Idées Nation
Dans son premier engagement
présidentiel, Marine Le Pen parlait de 4 souverainetés en danger, sinon déjà en
perdition. Nous ne parlerons ici que deux d’entre elles, les souverainetés monétaires et budgétaires, que l’on
peut ranger sous un même chapeau, celui de la souveraineté économique, même si
la souveraineté budgétaire va un peu au-delà.
Comme je l’ai écrit dans un
précédent billet, l’un des plus gros problèmes économiques de la France est
constitué par ses déficits commerciaux,
que ce soit à l’intérieur de la zone euro ou vis-à-vis de pays qui n’en font
pas partie, qu’ils soient ou non européens.
Les « experts », sérieux
ou auto-proclamés, utilisent un mot savant pour décrire ce phénomène, le mot de
« compétitivité », ou plutôt de manque de compétitivité, de la France
par rapport aux pays qui vendent à la France plus, et parfois beaucoup plus,
que ce qu’ils nous achètent, ces ventes ou ces achats étant libellés en prix.
Dit autrement, lorsque la France a
un déficit commercial vis-à-vis de l’Allemagne, ce défaut de compétitivité
signifie que, pour un produit donné, s’il peut être fabriqué indifféremment
dans les deux pays, le prix français est trop élevé par rapport au prix
allemand. Ce différentiel de compétitivité a été évalué par différentes instances internationales à 20 à 21%, ce qui
ne peut se réduire à court-moyen terme que d’une façon, baisser les prix
français ou faire en sorte que les prix allemands soient plus importants.
La méthode la plus simple, si nous
n’avions pas la même monnaie que l’Allemagne, serait de déprécier la monnaie française de 21% vis-à-vis de
la monnaie allemande, dépréciation ou dévaluation à laquelle avait eu
recours A. Pinay en 1959.
Comme cela est impossible, si nous
conservons l’euro comme monnaie nationale, deux autres solutions viennent à l’esprit
et sont théoriquement envisageables.
La première serait de demander aux
entreprises allemandes d’augmenter leurs prix de 21%, ce qui semble assez
utopique, la seconde serait
de mettre une taxe sur les produits allemands de 21%, ce qui est interdit
par l’Union européenne, mais ce que le système Target2 permettrait techniquement de faire, et
ceci très aisément.
En fait, le président Macron et l’U.E.
proposent une toute autre méthode, qui consisterait à abaisser les coûts de
fabrication des entreprises françaises, en diminuant les salaires ou en
diminuant les coûts que notre système de protection sociale impose aux entreprises
françaises, ou encore en développant l’emploi des travailleurs détachés.
C’est en
grande partie pour cela que le président nouvellement élu veut s’en prendre à
notre souveraineté budgétaire, en l’alignant sur les demandes de Bruxelles et
de Francfort. Dire que nous abandonnons cette souveraineté, c'est dire que la France ne serait plus maître(sse) de définir ses dépenses, et bientôt ses recettes, c'est à dire en fait que m^me sa politique fiscale, pas toujours claire il est vrai, serait définie par Bruxelles ou par le FMI, comme cela a pu être le cas pour d'autres pays dans d'autres régions du monde, et comme c'est le cas pour l'infortunée Grèce, là encore quelles que soient ses erreurs passées.
Si rien de tout cela n’est fait, l’économie
française continuera inexorablement à perdre du terrain vis-à-vis de l’économie
allemande, et l’Union européenne actuelle à apparaître de plus en plus comme le
quatrième Reich. C’est peut-être ce que nos "grands amis" américains souhaitent,
mais il est peut-être encore temps de le refuser.
Ainsi, entre la dépréciation monétaire, ou la dévaluation salariale, c’est
encore à la France de choisir. Il semble que, pour le moment, les Français,
sans doute mal informés, aient choisi la dévaluation salariale ou son
corollaire, la baisse de leur pouvoir d’achat liée au chômage et aux déficits
commerciaux récurrents depuis 15 ans, depuis l’instauration de l’euro.
On peut toujours espérer un
miracle, à savoir que les allemands acceptent de continuer à financer nos
dettes, celles que l’on consent à un client ou à un cousin éloigné mal en
point. On peut aussi chercher à reprendre en mains notre destin. Mais ceci ne
dépend que des électeurs.
Commentaires
Enregistrer un commentaire