Une monnaie gagée sur des manques, sur un trou du PIB

Bruno Lemaire, avril 2020 lesamoureuxdelafrance2020

La Monnaie selon Aristote.
Monnaie que n’a-t-on dit sur ton compte ! Depuis Aristote et les trois caractéristiques qu’il accordait à ce concept, unité de compte, moyen d’échange et réserve de valeur, il semble que la notion même d’argent n’a jamais été réellement approfondie, même si l’argent semble de tout temps avoir été considéré comme le nerf de la guerre et le support de tout pouvoir, temporel et parfois spirituel.
La monnaie, à la fois lubrifiant et voile ?
Une quatrième « qualité » a parfois été associée à la monnaie, à savoir comme le déclarait le philosophe économiste David Hume, celle de « lubrifier » les échanges : « l’argent monnayé n’est pas, à proprement parler, un des sujets du commerce, mais seulement l’instrument que les hommes sont convenus d’employer afin de faciliter l’échange d’une marchandise pour une autre. Ce n’est pas une des roues du commerce : c’est l’huile qui rend le mouvement des roues plus doux et plus aisé »
D’autres économistes, sinon les plus orthodoxes d’entre eux du moins les plus suivis, ont froidement déclaré que la monnaie n’était qu’un voile, ce qui a scellé le sort de générations entières d’étudiants qui n’ont jamais tenté, du moins ceux qui voulaient faire carrière, d’approcher cet éventuel mystère, puisque déclaré sans intérêt par la plupart des sommités universitaires.
Confusion entre monnaie et richesse.
Mais les demi-vérités, sinon les insuffisances voire les erreurs énoncées plus haut ne seraient que péché véniel si elles n’avaient pas conduit à un oubli crucial, celui de s’interroger sur la véritable monnaie de la monnaie, et à une confusion monstrueuse : celle de confondre argent-monnaie et richesse. Il ne s’agit pas ici de condamner les Harpagon ou ceux qui, tels Midas, voudraient transformer en or tout ce qu’ils touchent, mais de critiquer ceux qui confondent l’essence et l’apparence des choses, même si c’est sur cette confusion que repose le pouvoir actuel des financiers et des banquiers.
La monnaie est une créance sur quelque chose, pas la chose elle-même.
La confusion monnaie vs richesse, un des plus grands bobards inventés par les 'experts', a en effet permis d’oublier, volontairement ou non, ce que représentait réellement la monnaie, à savoir « un titre de créance, fonction du travail déjà réalisé, sur n’importe quel membre du groupe qui l’utilise ».
Titre de créance, c'est dire que seul le travail (humain) est susceptible de créer une nouvelle richesse évaluée éventuellement en monnaie. Il ne peut, ou il ne devrait pas, y avoir de vraie monnaie qu’en tant que constat d’une richesse existante, c’est-à-dire d’un travail déjà effectué et reconnu comme utile.
La véritable monnaie devrait être une créance sur l’existant, pas sur le futur.
Que la création monétaire, comme le rappelle, entre autres, Jacques Sapir repose sur une créance devrait être une évidence. Mais ce qui est moins trivial, et d’autant plus important, est que cette créance doit correspondre à du travail déjà effectué, et non en devenir. Dit autrement, toute dette devrait être gagée sur de l’épargne, du travail « stocké », et non sur du travail en anticipation.
Lorsque la BCE émet des centaines de milliards en les gageant sur des dettes publiques, on est bien loin de ce processus. Lorsque les banques commerciales prêtent de l’argent, qu’elles n’ont pas, en fonction de reconnaissances de dettes liées à une croissance future, elles participent elles aussi à cette création d’une fausse monnaie qui ne représente évidemment pas, contrairement peut être à la monnaie émise par les banques centrales, le bien public mais des intérêts privés.
Faire des dettes gagées sur des anticipations, est-ce si grave ?
Les dettes ont toujours existé, et semblent faire partie de la vie économique depuis des siècles voire des millénaires. Pourquoi donc cette frénésie moderne à la critiquer pourrait on nous objecter ? De fait, il y a dettes et dettes et plus exactement crédits et crédits. Quand un boulanger fait crédit à un client garagiste, ou à un coiffeur en attendant la fin du mois pour être payé, il y a simple relation de confiance. Deux artisans se font crédit, sans nécessairement passer un contrat pour cela : la confiance est là.
Une monnaie nouvelle gagée sur des manques, sur une non-production.
En revanche, quand la Banque de France est prête à émettre 300 milliards pour que l’Etat puisse dire qu’il va compenser la perte d’activités due à l’épidémie actuelle, cette nouvelle monnaie, ou ces dettes publiques, ne sont évidemment pas gagées sur de l’existant, mais sur un manque : le trou prévisionnel du PIB, évalué suivant les sources entre 10 et 14% du PIB anticipé pour 2020.
C’est sur ces données factuelles que l’on peut affirmer que confondre la monnaie (nouvelle) avec une richesse (inexistante) , c’est-à-dire une émission de monnaie avec un manque d’activités est une sinistre plaisanterie, qui ne peut avoir que de tragiques conséquences pour l’économie réelle, et plus précisément pour ceux qui croient encore que l’argent qu’il possède est une véritable créance gagée sur leur travail passé et reconnu utile.
Une monnaie de singe qui va dévaloriser la monnaie AUTHENTIQUE.
Certains pourraient dire que de l’argent, nouvellement émis ou déjà existant, reste de l’argent, et qu’il est impossible de distinguer fausse monnaie (celle gagée sur des manques, sur le trou du PIB ou du budget) et la monnaie issue de l’énergie des travailleurs, manuels ou intellectuels.
C’est évidemment un fait, rien ne permet de distinguer une monnaie émise en surnombre et une monnaie durement gagnée. Mais c’est justement là tout le problème, que nos experts, souvent surdiplômés, ont tendance à négliger, ou même à mépriser.
Toute émission monétaire diminue le pouvoir d’achat, le pouvoir de vivre, de ceux qui n’ont compté que sur leur travail pour gagner cet argent.
De nouvelles dettes qui vont pénaliser essentiellement les vrais « travailleurs »
Bien entendu, tous ceux qui vont bénéficier, sans travailler, de cette nouvelle manne, financiers, banquiers, et autres parasites vivant aux crochets de l’économie réelle, celle des premiers gilets jaunes des ronds-points, celle des soignants dévoués corps et âmes à leurs malades, ne peuvent que se réjouir de cette manne, aussi virtuelle soit-elle.
Mais quid des autres, les véritables acteurs de l’économie réelle, à qui leur simple bon sens leur crie que les dettes accumulées ainsi, non seulement ne leur profiteront point, mais qu’elles les pénaliseront, eux et leurs enfants et petits-enfants. Ce peuple va-t-il accepter de continuer ainsi à souffrir, voire à acclamer les mesures prises par le pouvoir, pendant que l’élite se gave de cette fausse monnaie (indétectable de la vraie, la monnaie 'authentique', hélas)?

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