Monnaie_de_singe_et_PIB
Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC
Monnaie de singe et PIB, ou comment aggraver la catastrophe.
La covid19, ou le coronavirus, en dehors d’une querelle
sémantique sur le genre du fléau correspondant, vont révéler la faiblesse de
notre économie, et l’aveuglement de nos experts, ces mêmes experts qui
dénoncent une chute historique, %, 10%
plus encore, du PIB français pour 2020
Le PIB, indicateur de la richesse d’un pays et des dépenses
de ses résidents.
Quelles que soient les critiques que l’on puisse émettre sur
le concept du PIB (Production Intérieure Brute) et sur le fait qu’il sert d’indicateur
universel pour mesurer la richesse d’un pays, sa définition est acceptée par
tous, à savoir :
PIB
= CF + FBCF + (X-M), avec CF la consommation finale, FBCF la formation brute de
capital fixe (l'investissement), X les exportations et M les importations.
Cette formulation arithmétique ne doit pas faire oublier que
le PIB n’est autre que la somme des dépenses réalisées au cours d’un exercice
annuel.
Un déluge monétaire pour tenter de compenser la baisse annoncée
du PIB.
On nous annonce un véritable déluge de création monétaire
venu de la BCE (Banque Centrale Européenne) qui pourrait se monter à plus de
300 milliards d’euros pour la seule France, er rares sont ceux qui s’inquiètent
de la conséquence de cette nouvelle manne monétaire, même Zemmour, pourtant
plus avisé habituellement, trouve cette apparente générosité extraordinaire, il
le répète d’ailleurs tous les soirs.
L’expérience nous a pourtant appris que le « quantitative
easing », même à l’Européenne, profitait rarement à l’économie réelle,
puisqu’il profitait essentiellement aux marchés financiers et à la spéculation
boursière, tout en faisant flamber le prix de l’immobilier.
Mais cette nouvelle injection d’héroïne monétaire, ces centaines de milliards de monnaie gagée, sinon sur du vide, du moins sur des
créances qui ne seront jamais remboursées, puisqu’elles correspondent à un
manque d’activités, à un « trou » du PIB, risque d’être plus grave
encore.
Localisme ou importation?
Supposons en effet que cette manne aille pour partie, par
exemple pour moitié (au lieu des 5% habituels) aux acteurs économiques les plus fragiles,
ouvriers, paysans, petits commerçants ou artisans, disons à tous ceux dont le
revenu du travail est inférieur à deux SMIC, et parfois bien plus faible.
S’ils utilisent ces 150 milliards pour acheter, comme très
souvent, des produits étrangers, le PIB ne bougera pas d’un pouce, puisque même
si leurs dépenses augmenteront bien de 150 milliards, les importations
augmenteront d’autant: le PIB n’aura donc pas augmenté d’un iota.
La seule conséquence serait que le déficit commercial,
soutenu par cette nouvelle drogue, l’héroïne monétaire, aura lui-même augmenté
de 150 milliards, permettant aux vendeurs étrangers d’utiliser éventuellement
cet argent pour nous racheter, avec cette monnaie dépréciée, des vignobles dans
le Bordelais ou des châteaux sur la Loire, ou encore des aéroports
Héroïne ou bons d’achat spécifiques.
Il y aurait bien sûr une solution : que tout ce nouvel
argent ne serve qu’à relancer la production française, à faire vraiment du
localisme, à acheter français. Il faudrait, en fait, que cette nouvelle monnaie
prenne la forme de bons d’achat réservés à des produits ou à des services « produits
en France ». Ce n’est que dans ce cas que le déluge monétaire annoncé
ne conduirait pas à la catastrophe.
Mais tout cela, bien sûr, est interdit par
les traités de l’U.E. On attend encore le dirigeant qui aura le courage de
préférer sauver son pays que sauver un traité.
Dans le cas contraire, on n’aura peut-être pas à la fois le
déshonneur et la guerre, comme en 1938, mais à la fois l’inflation et la
misère, et la France continuera à dégringoler dans le concerts des nations dont
elle sera de plus en plus absente.
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