DeLaValeurD'uneMonnaie


Euro trop cher, euro trop fort… De quoi parle t-on vraiment ?

extraits de "Une Monnaie pour la France" pages67-69

(Monnaie) - Entretien


Avril-mai 2014


L’opacité voulue (? ) des questions monétaires.




Préambule : à l’occasion d’un débat avec des militants et sympathisants du FN - débat organisé par Julien Leonardelli, Secrétaire départemental de la Haute Garonne concernant les futures élections européennes - de nombreuses questions ont été posées au sujet de l’Euro et du rôle d’une monnaie, unique, commune ou nationale. Ce sont ces questions et ces réponses qui sont reprises ici, pas nécessairement dans l’ordre dans lequel elles ont été posées.

Q. On parle parfois d’un Euro trop cher, ou trop fort. « Trop » par rapport à quoi ?

C’est une très bonne question, et la réponse est délicate. Ce « trop », effectivement, est un terme relatif. Il n’y a pas d’étalon de mesure « monétaire », comme en physique. On sait ce qu’est un mètre, de façon absolue, et ce parce que l’on a pu rattacher la longueur à un phénomène jugé absolu, la vitesse de la lumière. Même chose pour l’unité de temps, ou de poids. En économie, aucune mesure n’est absolue.

Q. Si je comprends bien, on ne sait même pas définir un euro.

Effectivement, la définition d’un euro n’existe pas, du moins dans l’absolu. Cela ne signifie pas, évidemment qu’un euro n’a pas de « valeur », mais cette valeur est relative et, de plus, variable dans le temps.

Je vais quand même essayer de préciser cela, autrement que par une simple référence circulaire, ou tautologie, du genre « un euro est ce qui permet d’acheter ce qui coûte un euro » par exemple un peu plus qu’une bonne baguette ‘artisanale’, en avril 2014, en France.

Je suis bien conscient que cette première définition, ou approche, est un peu courte, un peu comme si je me contentais de dire que la tuberculose est la maladie des tuberculeux.

Q. Mais c’est un début, puisque cela permet éventuellement de définir la tuberculose par un certain nombre de symptômes.

Effectivement. Mais revenons au domaine monétaire. L’important est de relier cet « euro » à ce qu’il permet d’acheter, en ne nous limitant pas à une baguette de pain, ou à un sac de bonbons, ou à telle ou telle emplette particulière. Si nous voulons avoir une approche concrète de la valeur d’une monnaie, le mieux est d’élargir notre « étalon monétaire », l’euro, à un panier de marchandises, voire de biens et services.

Ainsi, si on part du fait que le PIB français, en 2011, se montait à 2000 milliards d’euros –en prenant un chiffre arrondi, pour simplifier – on peut dire que la valeur d’un euro, ou euro « courant » représentait la 1/2 000 milliards partie de la production totale française, en y intégrant le solde commercial, négatif, de l’ordre de 70 milliards d’euros.

Dit autrement, 2 000 milliards d’euros auraient permis d’acheter un « gros panier », celui de la production totale de l’année 2012.

Q. Vous avez parlé d’un euro « courant ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Si les prix de chaque bien ou service étaient restés stables entre 2011 et 2012, on pourrait déduire de l’évolution du PIB que la France avait produit davantage.

Dans ce cas, avec un PIB 2011 de 2001,4 milliards d’euros, un PIB 2012 de 2032,3 milliards et un PIB 2013 de 2059,9 milliards, une simple règle de trois aurait permis d’affirmer qu’il y avait eu une croissance de 1.51 % entre 2011 et 2012, et une croissance de 1.36 % entre 2012 et 2013.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. Cette croissance apparente, ou « nominale » n’est pas réelle, car ces chiffres ne tiennent pas compte de la hausse des prix, appelée couramment « inflation ».

Q. Si je comprends bien, l’euro courant ne tient pas compte de la hausse des prix ?

Effectivement, si l’on voulait tenir compte de la hausse des prix, il faudrait parler d’euro « constant », c’est-à-dire à tenir compte de l’inflation dans notre « pseudo étalon monétaire», l’euro.

Ce qui montre bien que la valeur de l’euro – et c’est vrai de toute monnaie - n’est pas absolue, même si pour un pays, ou une région donnée, ses fluctuations peuvent être relativement faibles au cours d’une période de temps relativement courte.

La variabilité de l’euro au cours du temps, une mesure de l’inflation.


Q. Ainsi l’euro 2012 vaudrait moins, ou aurait moins de valeur, qu’un euro 2011.

Oui, il faudrait enlever, d’après l’INSEE, environ 1.5 % à l’euro 2012 pour le comparer à l’Euro 2011, et l’on retrouverait ainsi que la croissance réelle a été à peu près nulle entre 2011 et 2012, et donc que le pouvoir d’achat du « français moyen » a diminué de 0.4 %, puisque la population française a augmenté d’environ 0.4 %.

Q. Si la taille du « gâteau » est stable, et s’il y a plus de convives…

Il faut cependant remarquer que nous parlons ici d’un pouvoir d’achat moyen. Il est possible que certaines catégories de français aient vu leur pouvoir d’achat augmenter, mais ce n’est évidemment pas le cas général.

Q. Vous avez parlé du pouvoir d’achat de l’euro pour la France, ou pour le marché français, ce que l’on consomme ou investit en France, ou ce que l’on produit en France. Mais vis-à-vis de l’extérieur, la valeur de l’euro peut aussi changer, non ?

Effectivement. Si l’euro augmente de valeur par rapport aux monnaies étrangères, le dollar, la livre anglaise, le yen japonais, le yuan chinois, le « pouvoir d’achat » de l’euro vis-à-vis des marchandises fabriquées dans l’un de ces quatre pays va augmenter.

Cela étant, si l’euro augmente « trop » de valeur, les exportations seront rendues plus difficiles, puisque leur prix unitaire va augmenter (nos exportations étant les importations d’un autre pays) alors que les importations, elles, auront tendance à augmenter (puisque leur prix unitaire, lui, va diminuer, du point de vue des européens de l’Eurozone.

D’où cette notion d’un euro « trop cher », au moins pour certains des 18 pays de la zone euro, dont la France avec ses 65 milliards de déficit commercial. Mais pas pour l’Allemagne, et ses 200 milliards d’excédents.

De façon plus générale, il faut donc toujours relativiser la valeur d’une monnaie, qui n’est qu’une construction économique, voire politique.

La valeur d’une monnaie repose sur la confiance en un contexte économique particulier.


Q. Ce qui montre aussi qu’élever une monnaie au niveau d’un dogme n’a aucun sens.

Vous avez raison. Et imaginer que l’instauration d’une monnaie « unique » allait contraindre les différents pays à une convergence économique était à la fois stupide et malhonnête, ou les deux. La seule « convergence » que cela a favorisé, c’était sans doute l’objectif caché d’une telle manœuvre, favorisait, c’était une convergence financière, les flux de capitaux n’ayant évidemment aucune nationalité.

Q. Vous avez parlé d’étalon monétaire, en disant que cela ne peut être aussi précis qu’un étalon de longueur, de temps ou de température. J’ai compris que ce n’était pas possible pour l’euro, mais pourquoi, alors, ne pas revenir à ce qui existait il y a des années, je veux parler de l’étalon-or ?

À mon tour de vous poser une question. Pourquoi pensez-vous qu’une référence à une marchandise donnée, même si c’est une marchandise « précieuse », serait plus stable que la référence à toute autre marchandise, ou à un panier de marchandises ?

Q. Un gramme d’or, on sait ce que c’est. Le dollar a bien longtemps été relié à un poids d’or, non ?

Effectivement, dans les accords de Bretton Woods, contrairement aux souhaits de Keynes, il a été décidé, ou imposé, que la monnaie de référence serait le dollar, indexé de façon prétendument fixe à l’or, une once d’or valant 35 dollars. Cette fiction a explosé en 1971, après 25 ans de bons et loyaux services, au moins pour les USA.

Mais cela ne pouvait évidemment pas durer, et sans la puissance financière, et militaire, des USA cela n’aurait même pas pu durer plus que quelques années.

Q. Pourquoi ?

Une monnaie, quelle qu’elle soit, doit correspondre à une réalité économique, pas à une fiction. La fiction d’un étalon-or est aussi nuisible que celle de l’euro, étalon monétaire qui devait conduire, d’après ses promoteurs, à la prospérité de la zone Euro, voire même à celle du monde entier.

Lorsqu’une monnaie, quelle qu’elle soit, ne correspond plus à la confiance que l’on peut avoir en la puissance économique sous-jacente, elle perd de plus en plus de sa valeur, et elle ne joue donc plus son rôle d’étalon, même d’un étalon approché, ou de pseudo étalon.

Pour en revenir à l’étalon or, même si un gramme d’or pèsera toujours un gramme, la valeur de l’or, en tant que marchandise n’a aucune raison d’avoir une valeur constante par rapport à d’autres biens ou services dont les conditions de production peuvent évoluer, en fonction éventuelle des progrès technologiques ou de la raréfaction de telle ou telle matière première.

Q. La recherche d’un étalon monétaire n’aurait donc pas de sens ?

Oui et non. Pour nos échanges économiques, à la fois internes et externes, nous avons besoin de pouvoir tabler sur une monnaie aussi stable que possible, sur une unité de compte qui ne soit pas trop « élastique ». Pour cela cette monnaie doit correspondre au plus près aux conditions économiques du moment.

Q. Et ce n’est pas le cas de l’Euro ?

Cela aurait pu être le cas si les onze ou douze pays constituant l’eurozone initiale, puis les 6 autres pays qui l’ont rejoint, avaient eu une croissance identique, ou si leurs économies avaient fini par converger vers une économie qui aurait pu être considérée comme un modèle réduit de l’économie européenne en général.

Une monnaie commune plutôt qu’une monnaie unique.


Q. En fait, si l’unité monétaire, l’euro, avait pu correspondre à une partie ou à une portion stable, hors inflation, du PIB global de l’ensemble de l’eurozone.

Effectivement, on peut dire cela. C’est une autre façon de dire qu’un euro « allemand » devrait avoir concrètement le même poids qu’un euro français ou qu’un euro espagnol, ainsi que celui d’un euro grec, et ce n’est manifestement pas le cas.

Q. Pourtant, c’est bien le même billet, on peut bien acheter la même chose en eurozone avec un billet de 5, de 10 ou de 50 euros ?

Ce serait vrai si les taux d’intérêts étaient les mêmes, ce serait vrai si les investisseurs étrangers avaient la même « propension » à investir dans chacun des 18 pays de la zone euro, ce serait vrai si le solde commercial était le même en Allemagne ou en France, au Luxembourg ou en Espagne, aux Pays Bas ou en Italie.

C’est bien pour cela que, pour dans le contexte actuel, un étalon monétaire international est encore moins atteignable qu’un étalon national, étalon qui pourrait, lui, être plus proche de, sinon représenter entièrement, la véritable valeur ou puissance économique d’un pays donné.

Cet étalon correspondrait à une partie relativement fixe – le taux de croissance d’un pays variant peu d’une année sur l’autre – du PIB, comme ce que nous avons dit en comparant la valeur d’un euro et celle du PIB de la France en 2011 ou 2012.

Q. Et pour les échanges internationaux ?

Une monnaie commune, et non « unique », constituée d’une pondération de diverses monnaies nationales, pourrait faire l’affaire, dès lors que les règles d’ajustement, c’est-à-dire les diverses pondérations, ou « parités », seraient définies à l’avance, en fonction de critères objectifs d’ordre économique et financier.

Bien entendu, cet ajustement devrait faire l’objet d’accords internationaux, de façon périodique, par exemple tous les deux ou trois ans, afin de stabiliser le plus possible la valeur relative de cette monnaie « commune ».

Ce serait, en quelque sorte, un « euro nouveau » à composantes ajustables permettant de tenir compte de l’évolution des différentes monnaies nationales, et donc de l’évolution des économies des pays ayant participé à la construction de cette monnaie commune.

Q. Et quels seraient ces critères d’ajustement automatique ?

Un critère de base me semble indispensable. Il devrait intégrer le solde commercial, interne et externe, des différents pays constituant cette zone monétaire de « monnaie commune ».

Q. C’était, en fait, l’esprit de la charte de La Havane des débuts de l’ONU.

Tout à fait. A charge pour un pays trop exportateur de faire en sorte que les pays importateurs nets puissent le « rattraper » - en jouant soit sur sa consommation intérieure, soit en diminuant ses exportations, soit en augmentant ses importations afin que sa propre monnaie nationale n’ait pas à être réévaluée.

Un autre critère éventuel pourrait prendre en compte les différentiels de taux d’intérêt entre les différents pays de la zone monétaire considérée, sachant que pour une bonne stabilité monétaire, c’est-à-dire pour une modification aussi réduite du poids relatif des différentes monnaies dans la monnaie commune, il serait souhaitable que ces taux d’intérêt soient très semblables.

Ce qui n’est pas le cas, rappelons-le, dans la zone euro actuelle.

Q. Vous avez dit que la valeur d’une monnaie, pour un pays donné, dépendait du taux de hausse des prix, c’est-à-dire du taux d’inflation ?

Effectivement. S’il n’y avait pas d’inflation, la question de l’étalon monétaire se poserait avec moins d’acuité. Toute unité de compte, aussi arbitraire soit-elle, ferait l’affaire. Un euro, ou un franc, ou une peseta, aurait toujours la même valeur.

Les principales causes de l’inflation


Q. Mais qu’est ce qui cause cette inflation ?

Les causes de l’inflation sont multiples, mais les trois principales sont les suivantes : inflation monétaire, inflation importée, inflation de production.

Q. Hum. Cela mérite quelques explications…

L’inflation monétaire, c’est lorsque il y a « trop » de monnaie par rapport aux échanges. Ainsi, si la masse monétaire, l’argent disponible pour les échanges, croît plus vite que les biens et services disponibles, il y aura hausse des prix. On aura mis « trop d’huile » dans les rouages de l’économie.

Q. Et pour les autres inflations ?

L’inflation importée peut être liée à une hausse des matières premières venant de l’étranger, par exemple, pour la France, pétrole ou gaz. Plus généralement, une hausse des produits importés peut conduire, s’il n’y a pas de produits « internes » de substitution, à une hausse des prix.

Enfin, l’inflation de production est la plus intéressante, car elle est souvent mal comprise.

Q. C’est-à-dire ?

Si une entreprise donnée travaille à pleine capacité, du moins dans des conditions normales de production, toute production supplémentaire – due à une demande supplémentaire – peut augmenter ses coûts de production unitaires.

Q. Hum, je ne suis pas sûr de comprendre…

Prenons un exemple. Supposons qu’une entreprise de construction de panneaux solaires travaille à pleine capacité, sans heures supplémentaires, et peut ainsi fabriquer mensuellement 1000 panneaux solaires d’une capacité donnée à un prix de vente unitaire de 1000 euros, avec une marge unitaire de 100 euros.

Supposons maintenant qu’une demande supplémentaire de 100 panneaux parvienne à cette entreprise. Si l’entreprise accepte cette demande, il faudra, au moins à court terme, utiliser des ressources supplémentaires non optimales, par exemple des machines moins performantes, ou faire appel à des travailleurs intérimaires, ou payer des heures supplémentaires. Le prix de revient unitaire sera plus important, et si l’entreprise veut conserver la même marge, elle devra augmenter ses prix.

Dit autrement, une inflation de production se produit quand une entreprise, ou un ensemble d’entreprise, est dans une zone de rendements décroissants, quand la zone de production optimale a été dépassée, quand ses capacités de production sont pleinement utilisées.

Au contraire, lorsqu’une entreprise ne travaille pas à pleine capacité, ce qui est le cas en France pour la plupart d’entre elles, elle est dans une zone à rendements croissants, et toute augmentation de la demande lui permettrait d’améliorer ses marges, et/ou de diminuer ses prix, donc de contribuer à une baisse de l’inflation.

C’est bien pour cela que la dépréciation proposée par le Front National consistant à passer du niveau actuel de l’Euro, qui vaut 1.38 dollar, à un niveau plus bas pour le franc nouveau, à 1.10 dollar (dépréciation de 20 %) ou à 1.20 (dépréciation de 12 %) ne conduirait pas à une inflation du même ordre, puisque l’inflation importée n’aurait un impact que sur 25 % des biens, et serait assez fortement compensée par une augmentation de la production intérieure dans des zones de rendements constants, permettant aussi une augmentation des exportations.

Les calculs d’économistes indépendants, classés « à gauche » comme J. Sapir ou Ph. Murer, vont dans le même sens que les nôtres, à savoir qu’une telle dépréciation conduirait à une inflation inférieure à 3 %, et à une croissance supérieure à 2 %,  d’où une résorption non négligeable du chômage, et à une diminution quasiment complète de notre déficit commercial.

L’inflation importée serait ainsi presque complètement contrebalancée par une déflation de production, due à une augmentation de la demande s’adressant à des demandes ayant des excès de capacité de production, c’est-à-dire étant dans une zone de rendements croissants.

Q. Est-ce pour cela que vous considérez que la politique d’offre envisagée dans son « pacte de confiance » par le gouvernement se révèlera inefficace, voire contre-productive ?

Tout à fait. Une politique dite d’offre sans mesures associées de relance de la demande est suicidaire. Il est vrai que dans le cadre de l’Europe actuelle, il est presque impossible de procéder autrement.

Un euro trop cher pour nos échanges commerciaux


Q. Pouvons-nous revenir sur la question de l’Euro. Je pense avoir compris qu’il était effectivement trop cher, mais pourquoi alors le garder ?

Effectivement, il commence à être relativement commun de dire que l’Euro est « trop cher », mais même ceux qui disent cela veulent le conserver. C’est aussi un des « éléments de langage » préférés de M. Montebourg, ci-devant ministre du redressement productif et nouvellement nommé ministre de l’Économie – sans les Finances confiées à M. Sapin, l’Energie, confiée à Mme Royal, ni le Commerce Extérieur confié à M. Fabius.

Q. M. Montebourg s’est effectivement fait une spécialité de dénoncer un « euro trop cher ».

SI M. Mario Draghi, le président de la BCE, le dit aussi, c’est sans doute que cela ne gêne pas les banquiers, centraux ou non, de le dire, et ce d’autant plus qu’ils n’ont nullement l’intention de modifier cet état de fait, qui ne dépend d’ailleurs pas d’eux.

Par ailleurs, si l’Euro est « trop cher » pour la plupart des pays de la zone Euro, ce n’est évidemment pas le cas pour le leader incontestable de la zone Euro, l’Allemagne, pays qui, d’un point de vue économique a tout intérêt à garder un haut niveau de l’Euro, tant que ses exportations trouvent preneur à un prix élevé.

Q. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour la France

Hélas non. Rappelons à ce sujet que lorsqu’un pays a des difficultés à exporter, ces difficultés sont encore plus grandes si sa monnaie, ou la monnaie qu’on lui impose, voit sa parité augmenter vis-à-vis des monnaies des pays auprès desquels elle cherche à commercer.

Par rapport à une situation donnée, un euro « trop cher », ou qui deviendrait « plus cher », rend de plus en plus difficiles nos exportations, c’est-à-dire nos ventes à l’étranger, tout en facilitant nos importations, et donc pousse à la hausse notre déficit commercial : déficit qui, dans le cas de la France, n’existait pas avant l’instauration de l’Euro.

Si le niveau de l’Euro – contre les autres monnaies - est trop élevé dirait le sieur de la Palice, c’est que la situation irait mieux si son niveau était plus bas.

Q. La solution est donc évidente : il suffit de baisser la parité de l’Euro…

Effectivement. Mais comme la France ne peut le faire directement pour l’euro, qui concerne 18 pays, la seule solution est de recréer une monnaie, qui au lieu d’être appelée « euro faible » serait appelée « franc nouveau », cet "euro faible" pouvant être déprécié, par exemple, de 10 % par rapport au niveau actuel de "l'euro cher"…

Q. Pourquoi ne pas le faire ?

Vous n’y songez pas, une telle décision serait stupide nous affirment – sans aucune argumentation sérieuse - les chantres et les thuriféraires d’un système qui gouverne la France depuis 40 ans, et qui nous a conduit dans la situation calamiteuse dans laquelle nous sommes. Ces mêmes experts nous disent d’ailleurs qu’une sortie de l’Euro est impossible, à la fois techniquement, politiquement, voire moralement et même éthiquement. Il y a une véritable « religion » de l’Euro, qui est devenu un véritable dogme, un tabou absolu.

Difficile de trouver une explication rationnelle à ce refus de pousser la logique anti cherté de l’Euro jusqu’au bout. Serions-nous tous lobotomisés par la pensée unique qu’on nous serine depuis 20 ans - depuis Maastricht, en fait - qui nous répète encore et encore : « en dehors de l’Euro, point de salut »

Faudra-t-il que nos compatriotes aient perdu, comme les espagnols, 10 % de leur pouvoir d’achat, 15 % comme les portugais, voire, comme les grecs, 25 %, pour qu’ils se disent majoritairement : si l’euro est trop cher, recréons une monnaie plus conforme à notre situation économique.

Il ne suffit pas que de nombreux Prix Nobel nous le disent, il faut encore que nous puissions aller au bout de cette logique, et dire à ceux qui nous ont dans cette situation : non à cet euro trop cher, qui nous interdit d’espérer équilibrer notre commerce extérieur, et qui réduit à la misère de plus en plus de nos compatriotes. Oui, il faut sortir de l’Euro (cher).

La réaction des marchés financiers en cas de sortie de la France de la zone Euro.


Q. Mais comment réagiront les « marchés financiers », ne vont-ils pas nous condamner, si nous sortons de l’Euro, à ne plus pouvoir emprunter à des taux raisonnables ?

C’est effectivement l’un des arguments que nos adversaires nous opposent, et cela fait partie de l’intoxication habituelle.

Avant d’y répondre plus précisément, je voudrais faire une distinction entre deux types de d’endettement, public et privé, ou plus précisément entre deux catégories d’emprunteurs, ou de débiteurs, d’un côté l’Etat (au sens large) et de l’autre la sphère « privée », les banques, les SNF (entreprises non financières) et les ménages.

Q. Effectivement, les ménages et les petites entreprises, celles du moins qui n’ont pas une envergure internationale, ne sont pas concernés par ce type d’emprunts.

De fait, dans la sphère privée, il n’y a guère que 70 ou 80 grandes entreprises qui cherchent à emprunter, plus ou moins fréquemment, sur les marchés internationaux. Pout 99% des entreprises, et donc pour 90% de l’emploi, la réaction des marchés financiers ne représente pas grand-chose, tout au plus une abstraction.

Q. Et pour les banques, et les très grandes entreprises…

Il peut effectivement y avoir un impact, et ces banques et grandes entreprises peuvent avoir parfois du mal à se refinancer sur les marchés internationaux, même s’il existe une parade, ainsi qu’un contre-argument, à cet éventuel problème.

La parade, au moins pour les banques, est liée à la conséquence directe de la renaissance de notre monnaie nationale, et plus précisément à celle de notre souveraineté monétaire. La Banque de France aura toute possibilité de refinancer les banques dont le bilan lui apparaîtrait affaibli, dès lors bien sûr que ces banques jouent correctement leur rôle économique fondamental, et qui devrait être prioritaire, à savoir accompagner et favoriser le développement de l’économie réelle, en finançant les entreprises leur demandant un tel accompagnement.

Q. Et le contre-argument ?

Celui-là s’applique à la fois aux banques et aux très grandes entreprises et, dans une certaine mesure aux dettes de l’Eta elle-même.

Je ne nie pas, évidemment, que certains de nos « amis » extérieurs ne voient pas d’un très bon œil le fait que nous puissions retrouver un positionnement économique, en particulier industriel, plus digne de notre histoire, et en particulier des XIX et XX ème siècle.

Mais si l’on dit que l’argent n’a pas d’odeur, si nos créanciers potentiels pensent que la France est en train de se redresser, nous n’aurons pas de mal à les convaincre qu’il vaut mieux nous prêter de l’argent à 2%, 3%, voire 4% plutôt qu’à des pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne dont la situation ne risque pas de s’améliorer s’ils restent dans la zone Euro.

Alors oui, il y aura peut-être une légère surcote de 1 ou 2% par rapport à la situation actuelle, mais si notre croissance y gagne un ou deux pour cent, au moins, grâce à notre sortie de l’Euro, je pense que ce différentiel « de mauvaise humeur » sera vite oublié : je pense même qu’il diminuera rapidement, si les fiances de nos grandes entreprises et de nos banques redeviennent plus saines.

Par ailleurs, la sortie de la zone Euro ayant pour objectif, et pour conséquence à peu près certaine, une forte diminution de notre déficit commercial, le besoin d’emprunter à l’étranger pour financer nos importations sera réduit dans de fortes  proportions.

Q. Et pour les besoins de financement de l’Etat ?

Là encore, en sus du précédent argumentaire - qui doit aussi tenir compte que si la situation économique de la France s’améliore, le budget de l’Etat sera moins déficitaire (avec des rentrées  fiscales plus fortes et des allocations sociales, dont celles liées au chômage, moins importantes) – impliquant une nécessité moins grande pour le trésor public de se refinancer, il y a toujours l’arme ultime …

Q. A savoir ?

L’abandon de la loi de 1973 – voire une réforme « Allaisienne » plus importante encore – ce qui donnerait à l’Etat la possibilité de se refinancer directement auprès de la Banque de France, ce qui résoudrait par là-même la question du « financement extérieur » soulevée plus haut.

Q. Il faudra quand même rembourser les dettes actuelles …

Certes, mais nous avons vu précédemment que ces dettes, libellées en euro suivant le droit français, pèseraient d’autant moins que la dépréciation du franc nouveau vis-à-vis de l’euro actuel serait importante et que l’économie de la France retrouverait, au moins pour partie, sa puissance ancienne.

En restant dans le contexte actuel, celui du carcan de l’euro, il faudrait plusieurs générations – certains analystes parlent même d’un siècle – avant d’espérer pouvoir rembourser une partie notable de notre dette. Au contraire, en sortant de la zone Euro, cette difficulté sera bien moins grande à assumer.

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