Le Cent pour cent monnaie d'Allais


extrait de "quelle monnaie pour la France" (pages 113-115)

Une réforme monétaire anti-spéculation : le « cent pour cent monnaie »


Revenons, si vous le voulez bien aux positions de M. Allais sur la monnaie ?
Très bien. Mais nous ne sous sommes pas vraiment écartés du sujet. De la même façon que M. Allais a souvent traité les banquiers de faux-monnayeurs, il aurait aussi pu traiter certaines banques d’affaires d’escrocs, comme la banque, rivale de Lehmann Brothers, qui a aidé la Grèce à trafiquer ses comptes publics tout en misant sur sa faillite future.
Venons-en donc au « 100 % monnaie », qui n’est qu’une façon lapidaire de dire qu’il faut redonner aux autorités publiques le pouvoir régalien qu’elles n’auraient jamais dû abandonner, à savoir le droit et le devoir d’être les seuls à « battre monnaie ».
Oui, pouvez-vous préciser ce « 100 % monnaie », qui passe un peu pour l’arlésienne, depuis le temps qu’on en parle … ? 
Il est vrai que I. Fisher, en 1935 en parlait déjà, et que cette idée a été développée et enrichie par M. Allais dès 1975 : « L’essence du plan « 100 % money » est de rendre la monnaie indépendante des prêts, c’est-à-dire de séparer le processus de création et de destruction de monnaie du processus de prêt aux affaires. Un sous-produit tout à fait incident serait de rendre l’activité bancaire plus sûre et plus profitable ; mais de loin le résultat le plus important serait de prévenir les grands « booms » des affaires et les profondes dépressions en mettant fin aux inflations et aux déflations chroniques qui ont toujours constitué la grande calamité de l’évolution économique de l’humanité et qui ont été généralement suscitées par le système bancaire… »
Et vous pensez que cette position serait encore valable 35 ans plus tard ?
Non seulement je pense que ce serait encore la position de M. Allais – qui en a reparlé en 2009, peu de temps donc avant sa mort - mais je suis sûr que la meilleure façon de réguler les flux monétaires actuels serait effectivement d’interdire aux banques de pratiquer deux métiers qui auraient dû rester complètement différents : le métier de gestionnaire de monnaie (banques de dépôts), et celui de gérant ou de transformateur d’épargne.
Pouvez-vous préciser ?
Les banques de dépôts ne devraient être autorisées qu’à gérer la monnaie émise par la banque centrale, et qui transiterait par les comptes courants de leurs clients.
Ces banquiers de dépôts seraient, en quelque sorte, de simples comptables de l’argent de leurs clients ?
Disons que ce serait des comptables et des gardiens, mais sans aucun pouvoir de faire circuler plus d’argent qu’ils n’ont dans leurs coffres : d’où l’expression « 100 % monnaie ».
Et ce n’est pas le cas actuellement ?
Nous en sommes loin. On considère généralement que les prêts accordés aux clients des banques sont dans un rapport de 5 ou 6 à 1 avec la monnaie de base, la monnaie "centrale", la « vraie monnaie » que la banque centrale a réellement émise. Ce rapport est aussi appelé « multiplicateur monétaire ».

Les prêts dans l’environnement monétaire du « cent pour cent monnaie ».

En fait, cela semble signifier qu’il serait interdit à ce type de banques d’accorder des prêts. M. Allais serait-il contre les prêts ? Il me semble pourtant qu’ils sont utiles au développement économique.
M. Allais n’est évidemment pas contre les prêts. Certains prêts sont utiles, lorsqu’ils correspondent à des anticipations de croissance, dans le domaine de l’économie réelle, dans le cadre d’une extension de la production de richesses, pour favoriser la production de biens et services. En revanche, ils sont non seulement inutiles, mais nuisibles lorsqu’ils sont essentiellement utilisés pour spéculer sur les marchés boursiers, ou sur les marchés dérivés.
Comment alors financer les prêts "utiles" ?
M. Allais propose une deuxième catégorie de banques, des banques dites d’affaires, dont le métier sera de ‘transformer’ l’épargne en possibilités de financement. Mais cette transformation ne doit pas se faire n’importe comment.
Que voulez-vous dire ?
Il est essentiel que les opérations de prêt soient assurées par ces banques de prêt ou d’affaires sous la condition essentielle que ces banques empruntent à terme (par exemple à 10 ans) pour prêter à plus court terme (par exemple à 8 ans). L’assurance vie pourrait être un bon exemple de ce type de transformation.
Je comprends la possibilité de "transformer" l’épargne, les économies existantes, pour financer de nouveaux investissements. Mais si cette épargne est insuffisante ?
Ce n’est que dans ce cas, très précis et limité, qu’il faudra créer de la monnaie supplémentaire. Et cette création monétaire sera du seul ressort des autorités publiques, par exemple de la Banque de France remise en situation de le faire.
Mais la France a-t-elle le droit de procéder ainsi, indépendamment des décisions et des traités internationaux ?
Non, mais la France étant un état souverain, peut décider - et se faire accompagner pour cela par d’autres pays européens – de changer les dispositions actuelles pour redonner aux pays qui le souhaiteraient cette possibilité de souveraineté monétaire. Mais, j’en conviens aisément, ce ne sera pas facile, alors même que cela apparaît indispensable.

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