MauriceAllaisSurLaMonnaie
(extrait de "Quelle Monnaie Pour La France" page 111)
Les positions monétaires hétérodoxes de Maurice Allais
Pourrions-nous maintenant aborder la piste monétaire, ce qui nous permettra
d’aborder ensuite le fameux « 100 % monnaie » dont on parle
périodiquement ?
Bien volontiers, d’autant plus que M. Allais, depuis bientôt
20 ou 30 ans, a toujours pensé que, sans quatre réformes majeures de
l’environnement international, les crises économiques – dont la crise actuelle
dont nous sommes très loin d’être sortis – ne pourront que se reproduire, sinon
s’aggraver. Il a ainsi écrit, fin 1999, à propos de la crise japonaise, en
condamnant en particulier la contradiction fondamentale entre une libération totale
des mouvements de capitaux à court terme et l'autonomie des politiques
monétaires nationales : « La presque totalité des difficultés
actuelles résulte d'une part d'une méconnaissance totale des conditions
monétaires et financières d'un fonctionnement efficace et équitable d'une
économie de marchés, et d'autre part d'une structure inappropriée des
institutions bancaires et des marchés financiers. »
Quelles seraient ces quatre réformes ?
Elles concernent la réforme du système monétaire et
financier, celle de l'indexation, celle des marchés boursiers, et enfin du
système monétaire international. Mais, faute de temps et de place, nous ne
parlerons ici que du système monétaire international et du système monétaire et
financier, deuxième point qui sera abordé à propos du « 100 %
monnaie ».
Et quid du système monétaire international ?
Maurice Allais souhaitait l’instauration d’un nouveau
« Bretton Woods », et en particulier :
1) l'abandon total du système des changes flottants ;
2) la fusion en un même organisme de l'Organisation mondiale
du commerce et du Fonds monétaire international ;
3) des taux de change assurant un équilibre effectif des
balances des paiements ;
4) l'interdiction de toute dévaluation compétitive ;
5) l'abandon total du dollar comme monnaie de compte, comme
monnaie d'échange, et comme monnaie de réserve sur le plan international ;
6) la création d'organisations régionales ;
7) l'interdiction pour les grandes banques de spéculer pour
leur propre compte sur les changes, les actions, et les produits dérivés ;
8) et finalement l'établissement progressif d'une unité de
compte commune sur le plan international, par un système approprié
d'indexation.
Vaste programme…
Permettez-moi de détailler particulièrement deux de ces mesures,
les mesures 3 et 7. La mesure 3 me permettant de revenir sur la question des
équilibres entre nations, et la mesure 7 étant aussi relative au rôle des
banques et au « 100 % monnaie » que nous aborderons un peu plus
tard.
De fait, les déséquilibres commerciaux peuvent être abordés
de plusieurs façons, mais correspondent toujours à un problème de
compétitivité, relatif ou absolu, artificiel ou réel.
Pouvez-vous préciser ?
Supposons que le monde se réduise à deux seuls pays, dont
les échanges commerciaux seraient déséquilibrés, disons la France et la Chine , la France exportant en euros,
et important en yuans (ou en « renminbi », pour les puristes), la Chine exportant en yuans et
important en euros.
Comment peuvent-ils faire, sans monnaie commune ?
C’est l’un des points de réforme que soulevait M. Allais.
Mais supposons, pour simplifier, que l’on décide que le taux de change entre
l’euro et le yuan soit fixé d’un commun accord entre la France et la Chine (ce n’est hélas
jamais le cas, et cela se complique encore quand il y a plusieurs pays, mais
laissons là ce point, pour le moment), et que un euro soit considéré comme
valant 10 yuans.
Parité monétaire et échanges commerciaux.
Supposons maintenant que les exportations françaises vers la
Chine soient de 50 milliards d’euros, et que les importations françaises
soient de 600 milliards de yuans, soit 60 milliards d’euros – à la
valeur acceptée par les deux pays. Que va-t-il se passer ?
Hum. La France va sans doute s’endetter pour couvrir ce déficit ?
En fait, ce n’est pas directement la France qui va avoir un
problème financio-monétaire, ce sont ses entreprises. Mais c’est l’idée. En
tout cas le déficit commercial français va être de 10 milliards d’euros.
Si c’est un déficit passager, cela n’est pas trop grave, mais si ce déficit
persiste, il n’y a pas beaucoup de solutions.
Quelles sont-elles ?
Il n’y en a guère que trois, d’un point de vue financier ou
monétaire, et un quatrième, en termes purement "commerciaux".
a) Les importateurs français, qui achètent en yuans, vont
exercer une forte demande sur cette devise, qui devrait donc s’apprécier par
rapport à l’euro, la monnaie « locale » des importateurs français.
Mais la Chine
peut fort bien ne pas accepter cette réévaluation de fait de 20 % du yuan,
même si, théoriquement, en système de change flexible, cela devrait se faire
automatiquement. Rappelons que M. Allais est contre ce régime de changes
flottants (mesure n°1 d’un nouveau Bretton Woods)
Si nous considérons maintenant que la France et la Chine sont deux grosses
entreprises « nationalisées », le raisonnement est plus simple
encore, et il ne va plus rester que deux solutions (en dehors de l’ajustement
monétaire éventuel)
b) La France
va demander et obtenir un prêt de 10 milliards d’euros à la Chine.
c) La France
va vendre une partie de son patrimoine (Tour Eiffel, usines,) à la Chine (on a bien imaginé
que la Grèce
pouvait vendre l’Acropole à des financiers étrangers pour tenter d’éponger
quelque peu sa dette publique…)
d) Une dernière solution – difficile à imaginer en situation
de libre-échange, mais possible dans le cadre d’un certain protectionnisme –
serait de limiter autoritairement les importations – par exemple en les taxant
très fortement. Ce qui serait une méthode « moderne » de revenir au
troc entre nations.
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