Pourquoi cacher ce qui est si simple, le rôle des banques dans la création monétaire

Banques et monnaie, est-ce si compliqué de comprendre cette relation ?

Comment aborder de façon à la fois simple, précise, concrète un tel sujet en quelques pages. Peut-on décrypter l’apparent mystère qui entoure la monnaie, et le rôle des banques, commerciales ou nationales, dans la gestion et la création de cette monnaie : c’est le défi que je me suis fixé il y a plus de 10 ans et que je vais tenter maintenant d’aborder, en espérant le remporter.

Nous allons d’abord nous interroger sur le rôle que joue la monnaie dans toute économie moderne, et donc les raisons de son existence, quels sont les avantages, ou pas, de l’utiliser, avant de voir comment, et par qui, cette monnaie est gérée et créée, tout en reportant à un autre billet, la tâche délicate d’estimer la valeur, relative ou absolue, d’une monnaie donnée.

J’aborderai la première partie par un ensemble de questions-réponses, sous la forme d’un entretien fictif mais qui correspond plus ou moins aux questions qui, au cours de ma courte carrière politique au FN (à peine 7 ans), m’ont été posées, et que je me suis moi-même parfois posé.

Dans une deuxième partie, dans une forme plus classique, nous analyserons à partir de données d’abord fictives, puis réelles, les mécanismes de gestion monétaire par le système bancaire, les exemples réels étant issus des données les plus récentes de la banque de France et de l’Eurosystème.

Partie 1

Dans cette première partie nous irons pas à pas, sans tenter de refaire l’histoire plus ou moins romancée de la monnaie, mais en l’abordant presque uniquement d’un point de vue logique, en partant du plus simple avant de compliquer (raisonnablement) la démarche afin de nous rapprocher au plus près de la situation actuelle

Dans notre deuxième partie, davantage chiffrée,  nous utiliserons les dernières données disponibles, celles de la fin 2020, en étudiant plus particulièrement la situation des banques commerciales françaises « contrôlées » par la Banque de France, ainsi que les problèmes de flux financiers internationaux dont l’ampleur et l’asymétrie peuvent remettre en cause le fonctionnement interne à la zone Euro, sachant que la question du commerce international et des dettes, privées ou publiques, est traitée par ailleurs.

L’objectif premier de ce papier est tout d’abord de montrer que les questions monétaires ne sont pas si compliquées, comme l’avait fort bien vu J.K. Galbraith Le procédé par lequel les banques créent de l’argent est tellement simple que l’esprit en est dégoûté.” Il est vrai qu’il est tentant pour les gouvernants et les experts qui les conseillent de dissimuler la simplicité du processus, comme l’avait bien anticipé Henry Ford lui-même Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire, car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin.” Henry Ford (1863-1947).

Mais son but essentiel, en dehors de cet objectif didactique, est de montrer que les tenants d’une souveraineté française, les « souverainistes » ou les « patriotes », ont quelques arguments à faire valoir pour soutenir l’idée d’une souveraineté monétaire, vu les décisions prises depuis des années par le SEBC, le Système Européen de Banques Centrales d’inonder les pays de l’eurozone d’une monnaie centrale qui ne profite guère à l’économie réelle des pays qui la composent, inondation qui a pour principal but de venir au secours de banques privées potentiellement défaillantes…

Mais commençons.

Q. Peut-on se passer de monnaie ?

Théoriquement, peut-être, mais dans un monde réel, concret, dès lors qu’il s’agit d’échanger avec d’autres, le plus souvent anonymes ou inconnus, des biens ou des services, une monnaie, ou du moins une unité de compte, est nécessaire.

Q. Qu’appelez-vous unité de compte ?

Prenons 3 agents économiques, un boulanger, une maraîchère et un garagiste. La voiture que le boulanger veut acheter, quitte à la partager avec sa cousine maraîchère, vaut 10 000 unités « de compte » [on précisera ensuite]. Une baguette vaut une unité de compte, une salade deux unités.

Q. Que va-t-il se passer ?

Une fois que les valeurs en unités de compte ont été acceptées, il va encore falloir passer un contrat. Bruno Boulanger, Gilles Garagiste, Monique Maraîchère vont s’entendre, d’abord sur la valeur de leurs produits respectifs (exprimée en unités de compte, appelons des UC), 1 UC pour la baguette, 2 UC pour la salade, 10000 UC pour la voiture. Bien entendu le temps de fabrication d’une voiture n’est pas le même que celui d’une baguette, ou que le temps de pousse d’une salade. L’accord sur la transaction (achat de la voiture) s’il a lieu, devra fixer un délai de paiement.

Q. Gilles, le garagiste, va devoir faire crédit ?

C’est effectivement une possibilité. Tout dépend de la façon dont on va conclure, on dit aussi, dénouer la transaction. De fait deux conditions doivent être réunies : un accord sur l’évaluation de la voiture que Bruno Boulanger (avec l’aide éventuelle de Monique Maraîchère) souhaite acheter, et un accord sur son paiement. Il va y avoir un échange entre Bruno et Gilles Garagiste. Cet échange peut avoir lieu en une seule fois, ou bien s’étaler sur une certaine durée

Q. Comment cela ?

Si l’échange se fait en une seule fois, à un seul moment, Bruno doit avoir accumulé, « épargné », l’équivalent de 10000 UC, et les échanger contre la voiture, Gilles, en acceptant ces 10000 UC, se « débarrasse » de la voiture, et la transaction est alors achevée.

Si la transaction n’est pas dénouée en une seule fois, Bruno signera une reconnaissance de dette de 10000 UC, Gilles l’acceptera (provisoirement) en délivrant en échange la voiture, mais la transaction ne sera vraiment dénouée que lorsque la reconnaissance de dettes sera remplacée par un véritable moyen de paiement.

Q. Mais quel est donc ce moyen de paiement ?

Pour que ce type de transactions fonctionne à grande échelle, il faut que « quelque chose » représente de façon aussi générale que possible ces UC, ces unités de compte. D’où un deuxième rôle indispensable pour la monnaie, en sus de l’unité de compte. Ce « quelque chose » doit être un moyen de paiement reconnu par l’ensemble, ou du moins un grand nombre, des agents économiques, bien au-delà bien sûr de Bruno, Gilles et Monique. Ce « moyen de paiement », on l’appelle aussi intermédiaire des échanges, joue un rôle fondamental pour valider totalement, pour dénouer, une transaction.

Pour revenir à notre exemple d’achat d’une voiture à Gilles, garagiste, par Bruno, boulanger, Bruno aura conclu la transaction avec Gilles lorsqu’il lui aura livré un moyen de paiement représentant 10000 UC contre sa voiture. L’échange de ces 10000 UC contre la voiture aura terminé la transaction, chacun se sera enrichi, qui de 10000 UC, qui d’une voiture, et appauvri, qui d’une voiture, qui de 10000 UC

Q. Ce moyen de paiement universel, ou intermédiaire des échanges, est-il indispensable ?

Sur le plan théorique, non, sur un plan concret, quasiment.

De fait, on pourrait imaginer qu’il y ait un grand tableau sur lequel toutes les transactions espérées, et toutes les fabrications et récoltes soient inscrites, et que tout cela finisse par être compensé au bout d’un certain temps, dès lors qu’il y aura un accord sur les valeurs en UC de chaque production, de chaque service (un peu comme ce qu’avait tenté de faire l’Union soviétique au 20ème siècle).

Mais en dehors de cette vision extrêmement jacobine, hypercentralisée, étatisée, qui n’a pas vraiment montré son efficacité, la méthode la plus simple est d’avoir recours à un moyen d’échange à la fois individualisé et universel ; son côté universel signifiant que son utilisation permet de dénouer effectivement une transaction entre un acheteur, muni de ce moyen de paiement, et un vendeur, acceptant effectivement la validité de ce moyen de paiement.

C’est donc la deuxième caractéristique indispensable d’une monnaie. En plus d’être une unité de compte, elle doit aussi être un moyen universel d’échange, universel : cette ‘universalité’ étant quand même relative, puisque fonctionnant à l’intérieur d’une certaine zone géographique, et vis-à-vis d’un certain nombre d’agents économiques, producteurs ou acheteurs.

Q. Maintenant que je pense avoir compris ce qu’était une monnaie, d’où vient-elle, qui la produit vraiment ?

On va commencer par le cas le plus simple, simplifié à l’extrême, celui d’une France irréelle, mais possible, qui aurait pu exister, et qui pourrait exister à nouveau, avec un institut d’émission monétaire, que nous appellerons Banque Centrale de France, BCF (pour ne pas confondre avec BdF, la Banque de France actuelle) et un institut de répartition de cette monnaie, le Trésor Populaire de France (pour ne pas le confondre avec le Trésor Public)

Donc la BCF crée la monnaie, qu’on appellera SOL, (un sol, des sols), chaque Sol valant un UC (une unité de compte) pour simplifier, et le TPF la répartit.

En prenant des exemples tirés des comptes publics réels de la vraie Banque de France, fin décembre 2018, on aurait comme montant global des moyens de paiement, 717 milliards de Sols (en assimilant un sol à un euro), certains de ces sols étant sous forme de billets ou pièces, d’autres étant simplement des écritures sur des comptes. Des chiffres plus récents montreraient que la masse des moyens de paiement, dans le monde réel, serait de 881 milliards « d’euros français », en avril 2020, après une certaine stagnation en 2019. Nous reviendrons plus tard sur cette locution « euros français »

Cette masse de « moyens de paiements » émis par la BCF, Banque Centrale de France (imaginaire, pour le moment du moins) au cours d’une certaine période – l’unité de temps étant ici l’année - correspond à un certain montant d’échanges entre une foule de boulangers, de maraîchers, de garagistes et de beaucoup d’autres « agents économiques », acheteurs, producteurs, avec ou sans emplois, du public ou du privé.

Dans la vie réelle, l’INSEE évalue fin 2018 la somme de toutes ces dépenses, c’est-à-dire de tous les échanges (en évitant de compter deux fois certains échanges, par exemple si on achète de l’acier pour l’utiliser dans la fabrication d’une voiture) à environ 2300 milliards d’euros, c’est donc ce montant que nous prendrons par la suite, en le convertissant fictivement en sols. Notons que l’ensemble de ces dépenses a été évalué à 2427 milliards fin 2019, pour une masse monétaire centrale ‘française’ de 658 milliards, comme si le ratio « production échangée » sur « masse monétaire » avait nettement augmenté, ce qui ne sera clairement pas le cas en 2020.

Q. Je ne comprends pas, ces 2300 milliards d’euros 2019, d’où sortent-ils, puisqu’il n’y a que 717 milliards disponibles comme « moyens d’échange » ?

Ce tour de magie, qui n’en est pas vraiment un, est simplement du au fait que le même sol, ou le même euro, peut en un an être utilisé plusieurs fois, passer de main en main ou plus souvent de compte en compte, nous y reviendrons. Il n’a parfois même pas besoin d’exister réellement, au sens où beaucoup d’échanges se font grâce à une monnaie qui ne transite même pas par la Banque Centrale ou par le Trésor. Là encore, nous y reviendrons.

Q. D’accord, mais quel est le rôle du Trésor Populaire de France ?

C’est le Trésor Populaire (pas si loin que cela du Trésor Public, tel qu’il fonctionnait avant 1973, et surtout avant 1992 et Maastricht) qui va demander à la BCF, Banque Centrale de France (elle aussi très proche du fonctionnement, même simplifié, de la BDF il y a quelques décennies) de créer cette monnaie, ces 717 milliards de sols, de façon périodique, par exemple à raison d’environ 60 milliards par mois (mais ce n’est pas cela le plus important)

Q. Je ne sais toujours pas pourquoi le TP va demander cela, et que va-t-il en faire ?

A quoi cela va-t-il servir demandez-vous ? Je vais me limiter ici à 3 grandes catégories de raisons. Le Trésor Populaire va payer des fonctionnaires, achètera des équipements, et enfin attribuera éventuellement des aides. Trois types de dépenses que le TP financera grâce à l’argent qu’il aura obtenu à partir de la Banque Centrale (Ce mécanisme est interdit dans la France de Maastricht, mais peu importe ici)

Q. Et cet argent, pardon ces moyens de paiement, vont pouvoir circuler de main en main, et de compte en compte ?

Tout à fait. Pas uniquement de main en main, pour cela l’argent en billets (ou en pièces), l’argent dit liquide suffirait (223 milliards en décembre 2018) s’il « tournait » suffisamment vite. Mais pour que l’argent circule de compte en compte, ce serait plus compliqué, parce que cela exigerait que chaque agent économique, ou chaque famille, ait un compte à la Banque Centrale.

La solution retenue dans la plupart des économies modernes est que chaque foyer, chaque « agent économique », ait au moins un compte bancaire dans une banque commerciale privée, une banque qui n’est donc pas la banque centrale. D’où l’intervention des banques commerciales, de banques intermédiaires, entre les agents économiques et la banque centrale, nous y reviendrons.

Q. Restons donc à cette création monétaire. Je pense avoir compris à quoi elle pourrait servir, mais quel est son mécanisme exact ?

En fait c’est un simple exercice de comptabilité, ou presque. On va pour cela s’intéresser au bilan (actif/passif) du Trésor Populaire et de la Banque Centrale

Avant cette création monétaire, supposons que les deux bilans soient à zéro (ou on peut supposer qu’on ne parle que des variations de bilan, ce qui revient au même).

Puis, au début de la période en t0, disons au premier janvier 2019, on va inscrire au passif de la Banque Centrale 717 milliards (si on raisonne de façon annuelle, ou 60 milliards, si on raisonne de façon mensuelle), en signalant que ces 717 milliards sont destinés au Trésor Populaire. On verra un peu plus tard comment on les désigne.

Q. Je suppose qu’il faut équilibrer ce bilan !

Tout à fait. A l’actif de la Banque Centrale, on mettra donc, dans le cas d’une création mensuelle : créance (ou reconnaissance de dette, ou obligation) du Trésor Populaire, 60 milliards. Bilan évidemment équilibré, et tout cela avec une simple écriture comptable. Vous voyez comme c’est simple la création monétaire !

Rappelons que, depuis Maastricht, la Banque de France ne peut prêter directement de l’agent au Trésor Public, et que les prêts doivent passer par des banques commerciales ou par des marchés financiers, mais peu importe ici. Dans le cadre de notre présentation, nous avons remplacé le vrai Trésor Public par un fictif Trésor Populaire, et la Banque de France par une Banque Centrale qui ne serait pas corsetée par les traités européens.

Q. Très bien. Revenons donc au bilan de notre Trésor Populaire ?

On va inverser actif et passif, pour ainsi dire, en changeant aussi la terminologie, comme si, en fait le Trésor Populaire était une entreprise normale.

A l’actif du Trésor Populaire, on mettra ainsi « disponible en caisse » (ou une autre terminologie, peu importe ici), pour un montant de 717 milliards (si ce bilan est annuel) et, au passif : « dettes vis-à-vis de la Banque Centrale », pour un même montant.

Q. Et ce sont ces 717 milliards qui vont tourner dans l’économie ?

C’est du moins l’idée, même si, comme nous l’avons dit, la monnaie qui tourne est plutôt émise mensuellement, plutôt qu’annuellement, en négligeant pour le moment pas mal d’autres éléments, comme l’existence de banques commerciales, dites de second rang. Mais un tel système pourrait tout à fait fonctionner, du fait de la simple opération comptable rappelée ci-dessous :

Q. J’ai quand même un gros doute. Que devient cet argent, une fois créé. Le Trésor Populaire reste-t-il dans le circuit, et dans le cas contraire comment va-t-il rembourser son emprunt auprès de la Banque Centrale ?

Si le Trésor Populaire n’était qu’un simple émetteur-distributeur, sans retour de la sphère non publique, il devrait réemprunter chaque année. Même dans le cadre d’une économie « stationnaire », c’est-à-dire sans modification des échanges d’une année sur l’autre, il faudrait dans ce cas que chaque année, la Banque Centrale crée à nouveau un même montant, pour que le Trésor Populaire puisse à nouveau introduire cet argent dans le circuit, pour payer ses fonctionnaires, ses autres achats, et pour financer ses œuvres sociales.

C’est envisageable, bien sûr, mais cela entraînerait une croissance de la masse monétaire, de cette monnaie centrale, initialement de 717 milliards, qui doublerait, puis triplerait, et qui conduirait donc à une modification des prix (en unités de compte) difficilement gérable. Ce procédé ne serait donc pas efficace, il faut, que d’une manière ou une autre, les sommes empruntées à la Banque Centrale puissent y retourner. Nous verrons dans notre deuxième partie que cela correspond au phénomène de création-destruction monétaire, le prêt en monnaie centrale créant cette monnaie, le remboursement la détruisant.

De fait, imaginons que le Trésor Populaire invente, pour contrer ces fuites monétaires, de l’argent qui quitterait ses coffres sans y revenir, quelque chose de formidable, les impôts ou autres taxes.

Q. Les impôts, vous trouvez cela génial ? Quel scoop !

Tout dépend comment cette taxation est effectuée, et dans quel but. Là encore, on va partir du plus simple. On va s’interroger sur l’objectif de ces « impôts populaires », et sur la façon de les percevoir.

Q. Oui, quel objectif, ou quel pourrait-il être, dans cette fiction ?

Faire en sorte que la masse monétaire, celle de 717 milliards, de sols ou d’euros, soit à peu près stable (ou proportionnelle à la croissance que l’on recherche, si la croissance est un autre objectif). Mais considérons pour le moment une croissance zéro (économie « stationnaire »). Si nous voulons que ces 717 milliards n’augmentent pas d’une année sur l’autre, il suffit de faire en sorte que la monnaie utilisée si généreusement, ou si efficacement, voire les deux A LA FOIS, retourne au Trésor Populaire, soit mensuellement, soit annuellement, afin qu’à la fin de la période considérée le Trésor Populaire puisse rembourser la Banque Centrale. Cette monnaie est donc créée pour servir dans l’économie, puis elle est détruite par la Banque Centrale quand elle y retourne en remboursement

Ainsi, au décalage, mensuel ou annuel près, si on considère que 717 milliards ont fait tourner 2300 milliards, il suffirait donc que la taxe « Trésor Populaire » soit sur chaque transaction, ou plus exactement sur chaque transaction nette (appelée aussi en comptabilité nationale valeur ajoutée) de 717/2300, soit environ 31%

Q. 31 % de quasi TVA, c’est énorme, non ?

Sachant que ce serait le seul prélèvement du Trésor Populaire de France (notre ersatz de Trésor Public) alors que le Trésor Public réel prélevait en 2018 plus ou moins directement 47% sur la Richesse Produite en France, plus 5 ou 6 % grâce à d’autres recettes, ou prélèvements, sur les services publics proposés, soit un total de 53% (pour en dépenser 56%), on peut trouver que 31% est plutôt raisonnable.

Par ailleurs aucune autre taxe, plus ou moins dissimulée sous d’autres noms. Cela a le mérite de la transparence et de la simplicité, non ? Toute dépense nette rapporterait 31% au Trésor Populaire et cela sans aucun déficit public. Nous ne sommes d’ailleurs pas très loin de ce que proposait le regretté Maurice Allais dans sa réforme fiscale, au gros bémol près que ce grand économiste proposait en plus une taxe sur le capital.

Mais restons sur ce seul impôt populaire, indexé sur les seules dépenses, c’est-à-dire sur le PIB. Il couvrirait, par construction, toutes les dépenses publiques.

Q. Et si nous acceptions un déficit public ?

Dans ce cas-là, par exemple avec un taux inférieur de 3% au « taux d’équilibre », soit 28%, cela conduirait à ce que la masse monétaire émise directement par la Banque Centrale augmente chaque période d’environ 3%. Le « stock » de monnaie augmenterait de ces 3%, ce qui conduirait, avec notre hypothèse de croissance zéro de la production, à une hausse de prix de 3%.

Si on compare notre hypothèse, « populaire » et fictive, à ce qui s’est passé en France, entre décembre 2014 et décembre 2018, la masse monétaire émise par la Banque de France étant passé de 231 milliards à 717 milliards, on voit que notre principe de taxe unique, et ayant un taux fixe, est de loin plus efficace. Nous verrons un peu plus loin, et approfondirons dans un autre article, que la gestion catastrophique de la crise sanitaire en France a fait exploser tous les compteurs, le PIB baissant, en valeurs nominales, de 9%, pour un niveau de 2200 milliards fin 2020, le montant de monnaie centrale étant alors de 1168 milliards, soit une augmentation de près de 300 milliards en un an : le fameux « quoiqu’il en coûte » d’Emmanuel Macron.

Mais il est temps maintenant d’étudier de plus près cette masse monétaire centrale, cet argent créé directement par la Banque Centrale, en sachant que ce mécanisme a existé dans le passé, et qu’il a seulement été dévoyé par le fait que le passage de cet argent de la Banque de France au Trésor Public ne s’effectue plus directement – l’article 104 du traité de Maastricht l’interdit – mais qu’il transite soit par les marchés financiers, soit par les banques commerciales.

En fait, cette monnaie centrale n’est pas non plus constituée uniquement de billets, elle est constituée pour grande partie par de simples écritures numériques, ces écritures ne figurant d’ailleurs plus qu’en faibles quantités sur le compte du Trésor Public, ou pour nous du Trésor Populaire, mais sur les comptes de banques commerciales, ce que nous allons maintenant étudier.

Q. Alors, les bilans de la Banque Centrale et du Trésor Populaire ne suffisent pas pour comprendre la totalité des échanges ?

Effectivement la monnaie centrale, émise par la banque centrale, qu’elle transite directement, de qui est actuellement interdit dans l’eurozone, ou indirectement par le Trésor Public, ou Populaire, n’est pas la seule utilisée. Il y a aussi des monnaies bancaires, qui circulent pour leur part, nous le verrons, à l’intérieur de véritables écosystèmes.

Pour introduire ces autres monnaies, les seules à l’exception des billets émis par la Banque Centrale que voient réellement les différents acteurs économiques, les ménages et les entreprises, nous allons compléter l’environnement monétaire en introduisant 2 banques commerciales, la Banque X et la Banque Y, en respectant toujours, bien entendu, la contrainte comptable de base, delle de bilans équilibrés.

Au passif du bilan de la Banque Centrale, au lieu de n’avoir que le compte, les « dépôts », du Trésor, noté DepTP, nous aurons maintenant, en plus, les « dépôts » de BX et de BY, notés DepBX et DepBY.

En partant des mêmes données globales, nous pourrions ainsi avoir pour un total voisin de 720 milliards  DepTP = 50 Milliards, DepBX = 320 Milliards, DepBY = 350 Milliards. En fait, avec des données réelles, les dépôts des Administrations Publiques, synthétisées ici par le Trésor Public, se montaient en avril 2018 à 48.4 milliards d’euros.

A l’actif de la Banque Centrale, il suffirait alors de mettre :

Créances/obligations du  Trésor Populaire: 50 milliards, créances BX: 320 milliards, créances BY: 350 milliards.


Q. Je comprends, mais pourquoi ces « guillemets » autour du mot « dépôts » ?

En fait ces dépôts ont été créés de toutes pièces, ex nihilo. Ni le Trésor Public ni les banques commerciales X ou Y n’ont réellement, en général, déposés de l’argent, de la monnaie, qui leur aurait déjà appartenu. La Banque Centrale leur a simplement ouvert un compte « de dépôt », tout à fait comme lorsqu’une banque commerciale, comme la BNP, ouvre une ligne de crédit à une entreprise ou à un particulier. Cette banque commerciale marquerait à son passif : « Z euros pour le compte de Gilles, de Bruno ou de Monique », et, à son actif : « reconnaissance de dette de Z euros pour Gilles, Bruno ou Monique ». Ce dépôt correspond parfois à un véritable dépôt fait par le client, mais très souvent ne correspond qu’à un emprunt fait par le client.

Quoiqu’il en soit, au niveau de la Banque Centrale, dans le processus de création monétaire que nous avons décrit, les dépôts des Banques X ou Y ont pour contreparties des créances sur ces banques, des obligations de ces banques à rembourser, accordées par la Banque Centrale.

En résumé, donc, la création monétaire consiste à prêter de l’argent, qui n’existait pas initialement, soit au Trésor Public – interdit par l’Union Européenne depuis Maastricht (sinon par des manœuvres détournées plus ou moins illicites et de faible ampleur) – soit aux Banques Commerciales.

Q. Ainsi, pour en revenir à la solution réelle de la France, quand le Trésor Public émet des Obligations, ce n’est pas la Banque de France qui peut les acheter (contre création monétaire) ?

Effectivement, il faut maintenant que le Trésor Public, par l’intermédiaire de l’agence France Trésor, s’adresse aux Banques commerciales pour être financé : ces achats d’Obligations, ou de Bons du Trésor, se font soit directement par les banques, soit plus souvent par l’intermédiaire des marchés financiers, pour qu’on lui achète ces Obligations, ces Bons du Trésor – peu importe ici la forme de ces dettes – que le Trésor Public s’engage à rembourser au bout d’un certain temps.

Q. Si je comprends bien, les banques commerciales jouent maintenant le rôle qu’avait avant le Trésor public, ou plutôt votre Trésor Populaire.

Non, pas tout à fait. En fait, elle se sont arrogées, ou on leur a donné, un privilège presque exorbitant, celui de se prendre presque pour la Banque Centrale, du moins au niveau de la monnaie électronique.

Q. Comment cela ?

Nous avons vu que la Banque Centrale était la seule à pouvoir émettre, c’est-à-dire créer, de la Monnaie Centrale, c’est-à-dire non seulement les billets mais aussi ce que les spécialistes appellent les réserves, et qui figurent au bilan de la Banque Centrale en tant que Dépôts et Réserves Obligatoires des Banques – nous y reviendrons.

Ces réserves – donc de simples écritures - ne sont pas négligeables puisqu’en mars 2018 elles se montaient à 469 milliards d’euros environ, pour seulement 216 milliards sous forme de billets et pièces. Mais ces réserves ne sont utilisables que par le système bancaire, constitué par les banques et la banque centrale. Elles ne sont pas accessibles par l’agent économique « normal ».

Q. Je ne suis pas sûr de comprendre : ces réserves monétaires, c’est de l’argent, disponible, ou non ?

Cet argent a deux fonctions, dont la principale est de permettre aux banques commerciales de réajuster leurs comptes lorsque les clients d’une banque ont globalement plus acheté aux clients de l’autre banque que ceux-ci ne leur ont acheté. Mais il faut bien comprendre que chaque banque a son propre écosystème, concernant sa propre monnaie, l’euro « BNP » pour la BNP, l’euro « Société Générale » pour l’écosystème de la Société Générale. Quand les échanges ont lieu à l’intérieur du même écosystème, l’autre banque, et la banque centrale elle-même, n’intervient pas. De même, si les échanges d’un écosystème à l’autre se compensent chaque jour, comme les comptes ne se font qu’à la fin de chaque journée, là encore l’intervention de la banque centrale n’est pas nécessaire. Keynes aurait dit « les banques marchent au même pas »

Q. Et si l’équilibre n’est pas réalisé ?

Le mécanisme de « compensation », pour le cas domestique, interne à la France, sera le même que ce qui se passera au niveau de la zone euro, la BCE jouant pour les échanges d’euros « nationaux », entre les euros « français » et les euros « allemands », le rôle que la banque de France joue pour des euros bancaires, comme nous le verrons. Mais n’anticipons pas.

S’il y a plus d’euros BNP qui vont vers des euros SG, c’est-à-dire si le montant des échanges de l’écosystème BNP vers l’écosystème SG est plus important que l’inverse, c’est-à-dire si les clients de la BNP sont plus dépensiers que les clients SG dans leurs échanges mutuels, la Banque Centrale va intervenir. En fait, ce sont les dépôts respectifs des deux banques concernées qui vont être modifiés à son passif. Tout se passe comme si, par l’intermédiaire de la Banque de France (notre Banque Populaire), les euros qui manquaient à la BNP pour équilibrer les échanges avec la SG étaient devenus des « euros SG ».

Pour « compenser » ce déséquilibre la banque plus dépensière, ici la BNP, doit utiliser le compte qu’elle a à la banque centrale pour en livrer une partie à la banque plus économe, supposée ici être la Société Générale.


Q. C’est un peu comme quand deux clients d’une même banque font une affaire entre eux, l’un des comptes diminue, l’autre augmente ?

Oui, quand ce sont deux clients de la même banque qui font affaire entre eux, ce serait invisible pour la banque, mais pas pour les clients. Dans le cas de deux banques, la différence est d’apparence plus subtile, mais elle correspond au même phénomène hiérarchique. Un client a une banque, et la banque a une banque au-dessus d’elle, une super banque, la banque centrale. Une autre différence est qu’un acteur économique non bancaire n’a pas le droit de créer son propre argent, alors que, sous des conditions très larges, les banques commerciales peuvent le faire, en fonction d’un minimum de réserves à leur passif.

Mais la différence concrète, au niveau des mouvements monétaires, est que lorsque deux banques procèdent entre elles à des paiements, ce n’est pas avec leur argent, mais avec la seule monnaie qui leur permet de le faire, la monnaie centrale. Alors que lorsque les échanges ont lieu entre deux clients de la banque X, par exemple la BNP, il n’y a pas de sortie d’argent pour la BNP, ni son bilan ni son compte d’exploitation ne sont affectés. De même, si ce sont deux clients du Crédit Agricole, le bilan du C.A. n’est pas affecté. Ce ne sont que des mouvements internes, à l’intérieur du même écosystème, le système Crédit Agricole dans le second cas, le système BNP dans le premier.

Q. Alors que quand c’est un échange entre deux banques différentes, ce ne peut être que de l’argent central, de la monnaie centrale ?

C’est tout à fait cela. En fait l’argent qu’un agent économique « normal », un client comme Monique, Bruno ou Gilles, utilise est de l’argent « privé », bancaire, spécifique, de l’argent BNP ou Crédit Mutuel, sauf bien sûr quand il utilise des billets, qui eux ne sont pas liés à telle ou telle banque. Mais c’est évidemment transparent, car en cas d’échanges entre des clients de deux banques différentes, la synthèse de l’ensemble des échanges fait intervenir du « vrai » argent, la monnaie centrale, la monnaie que la Banque Centrale est seule à pouvoir émettre. Ce n’est plus de « l’euro BNP », « euro C.A. ou « euro SG », mais de l’euro « français »

Q. Donc, cela ne sert qu’à cela, ces réserves centrales, garantir qu’une Banque ne dépense pas trop par rapport à une autre ?

Pas tout à fait. Elles servent aussi à garantir, d’une certaine façon, les prêts que les banques commerciales accordent à leurs clients. Si on regarde le passif d’une banque commerciale, la banque X, une partie de ce passif correspond aux comptes, ou dépôts, de ses clients. Il faut que les réserves que la banque X a au passif de la Banque Centrale soient à un certain niveau par rapport au total du passif.

Cela étant, on s’aperçoit que ces réserves sont souvent très faibles, et ne suffiraient sans doute pas en cas d’une crise financière de très grande ampleur, comme celle qui a vu la chute de Lehman Brothers en 2008.

Q. Si je comprends bien, il y a plusieurs sortes d’argent, la monnaie centrale, et diverses monnaies bancaires, autant qu’il y a de banques. Comment s’y reconnaître.

Prenons des chiffres réels relativement récents, ceux fournis par la Banque de France pour le mois de mars 2018. Les dépôts à vue (ou comptes courants) des clients des diverses banques commerciales se montent à 948 milliards d’euros. Si l’on y ajoute une estimation des billets en circulation, on arrive à un total de 1167 milliards, que les spécialistes dénomment M1 (les 685 ou 717 milliards de monnaie centrale dont nous parlions précédemment sont aussi appelés M0, mais peu importe).

En fait M1 est plus ou moins la seule masse monétaire vraiment utilisée par les acteurs économiques ‘normaux’, c’est-à-dire les ménages et les entreprises non financières. Elle est composée pour partie d’argent liquide, les billets, pour partie d’argent « bancaire » (mais plus ou moins garanti par la monnaie centrale qui figure comme réserves des banques commerciales au passif de la Banque Centrale, comme nous l’avons vu plus haut). Cet agrégat monétaire, en « période normale », croît plus ou moins comme le PIB, il était en 2018 de l’ordre de la moitié du PIB, 1167 milliards pour 2300 milliards, mais la crise actuelle a vu exploser cette masse M1, passée en janvier 2021 à 1386 milliards, pour un PIB 2020 réduit à 2200 milliards.

Avec le ratio précédent, celui de 2018, M1 n’aurait pas dû dépasser 1116 milliards : d’où un surplus de 270 milliards ; ce qui a permis au ministre de l’économie de déclarer que les Français étaient de mauvais citoyens, et qu’ils épargnaient trop.

Mais laissons là, pour le moment, la politique monétaire « exceptionnelle » française impliquant des « largesses » de la Banque de France avec la bienveillance de la BCE. M1 n’est pas le seul agrégat monétaire.

Q. Effectivement, quels sont-ils ?

Il existe aussi M2, qui est un sur-ensemble de M1, auquel il faut rajouter les dépôts à terme (une épargne quasiment liquide). Ce sur-ensemble valait, en mars 2018, 1942 milliards. Le dernier agrégat monétaire, M3, sur-ensemble de M2 (et donc de M3) été évalué à 2266 milliards. Il est obtenu en rajoutant à M2 d’autres titres financiers (Pensions, OPCVM et Titres de moyenne durée). On parle aussi dans ce cas de quasi-monnaie ou d’épargne moyennement liquide, au sens où ces différents composants ne peuvent pas être utilisés directement pour régler des transactions commerciales. Il faut les « convertir’ en monnaie, ce qui peut prendre quelques heures ou quelques jours, et pour les convertir il faut parfois accepter une décote sur leur valeur officielle, nominale.

Quoiqu’il en soit, pour les transactions normales, seuls les billets ajoutés aux comptes à vue - cette somme étant nommée M1 - peuvent être considérés sans restriction comme une véritable monnaie, même si les comptes à vue sont sans aucun doute moins fiables que les billets, puisque dépendant, au moins partiellement, de la bonne santé des banques chez qui vous avez vos comptes.

Q. Je croyais que les billets servaient de moins en moins, et que l’on parlait même de les faire disparaître ?

Les billets servent énormément pour de petites transactions, même s’ils ne représentent que 5 à 7% du montant total (mais si ces petites transactions sont de l’ordre de 90% du nombre des transactions quotidiennes). Ils restent donc très utiles même si, de plus en plus, grâce aux cartes de crédit dites sans contact, on pourra bientôt payer tous nos achats sans utiliser des espèces, du liquide, des pièces ou des billets.

Q. C’est plutôt une bonne chose, non ?

Oui et non. Oui parce que cela facilite la vie quotidienne, non parce que cela rend les banques encore plus puissantes, ce qui n’est pas nécessairement la meilleure des choses, puisque les banques commerciales n’ont pas pour principal objectif le bien commun, mais leur propre intérêt.

Cela étant, il y a d’autres arguments, certains pour la diminution des billets, d’autres contre.

Q. Quels seraient les arguments pour, en dehors peut être de la commodité due aux progrès de l’électronique et du numérique ?

Cela rendrait toutes les transactions théoriquement, et même pratiquement, traçables. L’enregistrement de toute transaction aurait son double numérique et, ainsi, on connaîtrait même, du moins est-ce l’argument invoqué, la provenance de toute somme d’argent utilisée dans la moindre transaction. Plus d’argent « sale » ou gris …

Q. Et les arguments contre ? Ce n’est pas si mal de lutter contre l’argent sale, non ?

Je ne suis pas sûr que les grandes organisations mafieuses se laisseraient si facilement « fliquer », sachant que certaines transactions peuvent transiter par des dizaines de comptes internationaux plus ou moins opaques. Mais admettons cela.

Ce qui est sûr en tout cas c’est qu’une des caractéristiques de l’argent va disparaître, à savoir le côté anonyme des billets. Que cet anonymat ait été une bonne ou mauvaise chose, cette disparition de cet anonymat est indéniable. Et, plus important encore, cela permettra à votre banque, si elle le souhaite, ou si elle ne peut pas faire autrement, de bloquer, partiellement ou totalement, votre compte, et vous interdire donc d’utiliser ce que vous considériez comme « votre » argent.

Q. Pourquoi votre banque vous bloquerait-elle ? Seriez-vous paranoïaque ?

Les exemples récents de Chypre en 2014 et de la Grèce en 2015 montrent que cela est tout à fait possible. Face aux injonctions d’ordre politique de la BCE, les Banques nationales, puis commerciales, de ces deux pays de la zone euro ont bloqué partiellement les comptes de certains clients, qui croyaient pouvoir disposer à volonté de leurs « comptes à vue ».

Mais en dehors même de raisons politiques, si votre banque connait des difficultés financières, il peut fort bien se produire un blocage, partiel ou total, des sommes que vous croyez avoir à votre disposition sur vos comptes. N’oublions pas que plusieurs grandes banques européennes, certaines plus que centenaires, n’ont pas été loin de devoir se déclarer en faillite, comme Commerzbank ou Unicredit, Monte Paschi, Banco Popular, et même la Deutsche Bank sauvée in extrémis par des fonds en provenance du Golfe arabo-persique.

Même si aucune grande banque française n’est, pour le moment, dans ce cas, il faut savoir que les capitaux propres des plus grosses banques françaises, par exemple comme la BNP ou le Crédit Agricole, sont très faibles par rapport aux prêts aux particuliers qu’elle a octroyés.

Ainsi, en 2017, les capitaux propres du Crédit Agricole, c’est-à-dire l’argent que ses actionnaires ont investi, étaient de 64 milliards, alors que les prêts à la clientèle « privée » se montaient à son passif à 550 milliards, pour des créances à cette même clientèle ne valant que 360 milliards. Il a donc fallu, pour équilibrer le bilan du C.A. qu’il y ait d’autres contreparties, comme peut-être des créances plus ou moins sûres portant sur d’autres types d’emprunteurs, y compris des obligations publiques d’états comme la Grèce, voire l’Italie, tout cela sur un bilan de l’ordre de 1550 milliards (supérieur au bilan de la Banque de France, qui se montait pour la même période à 1060 milliards).

C’est ce ratio de 1 à 9 entre capitaux propres et comptes à vue de particuliers qui peut poser un problème, même si ce ratio était plus bas encore il y a quelques années. Quoiqu’il en soit, ce sont d’autres ratios, moins contraignants pour les banques, qui sont utilisés, ce qui peut poser des problèmes aux déposants voulant disposer de leurs comptes à vue.

Q. Je croyais que les dépôts à vue ou les comptes courants étaient garantis jusqu’à 100 000 euros, c’est déjà pas mal !

Si une seule banque est défaillante, cela pourrait peut-être suffire. Mais si nous comparons aux capitaux propres des cinq principaux groupes bancaires les 948 milliards de dépôts recensés fin 2018, et les 1398 milliards de dépôts de janvier 2021, nous sommes loin du compte.

Q. Mais il y a aussi le fonds de garantie, non ?

Effectivement, ce fonds de garantie existe, sous le nom de Fonds de garantie des dépôts et de résolution, et est censé protéger trois types de comptes ou de placements, les dépôts, à hauteur de 100 000 euros, les titres (actions, obligations, SICAV) et les contrats d’assurance vie à hauteur de 70 000 euros. Mais là encore, le Fonds de garantie des dépôts dépasse à peine 3 milliards, tandis que pour les assurances vie, qui se montent à 1500 milliards, on voit bien qu’en cas de faillite d’une compagnie d’assurance, adossée ou non à une grande banque, les quelques milliards du fonds ne pourraient pas servir à grand-chose.

Partie 2 Le processus de création monétaire à partir d’exemples réels

Nous allons maintenant déchiffrer concrètement la création de l’euro français, c’est-à-dire de la monnaie centrale française, en suivant les modifications effectives du bilan de la Banque de France, à partir de données issues des statistiques officielles de l’Eurosystème.

Chaque tableau réel sera simplifié, afin que les jeux d’écriture soient plus simples à comprendre.

Dans un paragraphe ultérieur, nous verrons ensuite, toujours de façon simplifiée, comment les modifications d’une grande banque commerciale française, que ce soit la BNP ou le groupe BPCE, s’inscrivent dans la modification des bilans de la Banque de France.

Tableau des passifs de la Banque de France de décembre 2018 à décembre 2020


Ce que nous allons simplifier par


De même nous avons un tableau des Actifs de la Banque de France de décembre 2018 à décembre 2020


que nous allons là encore simplifier par :


Ou, en rassemblant actif et passif simplifiés dans un même triple tableau :



Ce triple tableau va nous permettre de mettre en valeur la création monétaire effectuée par la Banque de France en 2019 comme en 2018, sous l’approximation d’assimiler la base monétaire, c’est-à-dire la monnaie centrale créée par la France, sous l’égide de la BCE, à la somme billets plus dépôts bancaires.

La création de monnaie par la BDF en 2019 n’a donc été que de 21.21 milliards, en passant de 725 milliards à 746.26 milliards. En revanche, la création monétaire a explosé littéralement en 2020, puisqu’elle a été de 461.164 milliards en passant de 746.2 milliards à 1207.424 milliards, belle illustration concrète du « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, alors même que le PIB a régressé d’environ 220 milliards.

Notons cependant, en regardant les « créances Target 2 », qu’en sus de la création monétaire ‘domestique’, c’est à dire effectuée par la seule Banque de France, une « monnaie étrangère », quoique portant aussi le nom d’euro, est venue d’ailleurs, à concurrence d’environ 58 milliards, ce qui signifie que les flux financiers arrivant en France sont supérieurs à ceux qui en sortent.

Mais ces bilans simplifiés nous apprennent bien plus encore, à savoir ce qui s’est produit dans le domaine bancaire français. Certains économistes avaient déjà remarqué que les banques centrales avaient tendance à racheter des créances douteuses à leurs banques commerciales domestiques, ces créances étant trop souvent constituées d’obligations publiques en provenance d’états en difficulté.

C’était d’ailleurs le but initial du « QE européen », ou Assouplissement Quantitatif, que Draghi avait lancé entre 2015 et 2018. Après une courte pause, le rachat de ces créances douteuses a lui aussi explosé en 2020, afin de tenter de corriger la gestion calamiteuse de la crise Covid19 par la plupart des pays européens, confinement (inutile ?) oblige.

En faisant une analyse analogue pour l’Italie, en partant là encore de bilans authentiques mais simplifiés :



on constaterait que la création monétaire italienne a été elle aussi importante, en atteignant presque 205 milliards en 2020, mais inférieure de plus de moitié quand même vis-à-vis de celle de la France. Notons à ce sujet que la quasi-totalité de la monnaie ‘centrale’ italienne a quitté l’Italie, au moins virtuellement, puisque ses dettes Target2, de 516 milliards, sont à peine inférieure à sa masse monétaire, à savoir 523.5 milliards d’euros « italiens ». On peut comprendre l’idée des « mini-bots », des mini-bons du Trésor achetables par de simple particuliers, envisagés un moment par les autorités italiennes pour tenter de suppléer ce manque de liquidités de l’économie italienne, monnaie « de substitution » qui ne risquait pas de quitter l’Italie

La création monétaire, un simple jeu d’écritures ?

Nous avons ainsi commencé à percer le mystère de la création monétaire, qu’elle soit française ou italienne, mystère qui n’en est plus un lorsque on en a compris le principe de base, comme les citations de Kissinger et d’Henry Ford l’avaient laissé entendre.

Ce principe de base est lié au rôle des banques, commerciales ou centrales. Lorsque la banque centrale intervient, il y a création de monnaie centrale, quand c’est une banque commerciale, par exemple la BNP, c’est de la monnaie bancaire de l’écosystème BNP. Ce principe est actionné par une simple opération comptable et se traduit par la seule variation du bilan d’une banque, variation à la hausse ou à la baisse, pour une création ou destruction de monnaie. Un prêt est associé à une création de monnaie, un remboursement de prêt à une destruction de monnaie.

Dit autrement : le bilan d’une seule banque, celle qui est concernée par le prêt ou le remboursement, varie. Il augmente pour la création monétaire, il diminue pour une destruction, les autres bilans des autres banques ne changent pas (quantitativement).

Au risque d’insister lourdement, je tiens à préciser à nouveau que si c’est le bilan de la banque centrale qui varie, il y a création ou destruction de monnaie centrale (billets ou réserves centrales), « l’euro français » quand c’est la Banque de France. Si c’est le bilan d’une banque privée (BNP, Soc.Gen., C.A., …) il s’agit de création ou de destruction de monnaie bancaire, une monnaie de l’écosystème « BNP » ou « SG », ou …

Bien entendu ces différents écosystèmes sont interdépendants et sont plus ou moins sous l’autorité de la banque de France, dans le cas des banques françaises, et au-delà de la BCE.

Avant d’analyser brièvement le cas réel d’une banque commerciale française, nous allons utiliser deux exemples schématiques pour mieux visualiser ce « principe de base », sachant qu’une création monétaire n’est pas nécessairement liée à un prêt, mais peut être aussi une recherche de liquidités, par le remplacement d’un actif peu liquide, comme une obligation ou des actions, par de la trésorerie.

Imaginons ici qu’une banque commerciale, la banque A, éprouve le besoin de troquer des obligations contre de la trésorerie en monnaie centrale, c’est-à-dire par l’augmentation de son compte en banque centrale. Nous aurions alors le schéma ci-dessous :

Avant

Après



La banque commerciale A a simplement troqué ses obligations chypriotes pour obtenir de la monnaie « centrale ». La Banque Centrale a pris en garantie les obligations détenues par la Banque commerciale A.

Le procédé d’une création monétaire dans le seul « écosystème » de la Banque A correspondant à une demande de « liquidités » faite par une entreprise ou un particulier serait tout à fait analogue. Ainsi une demande de liquidités par l’entreprise Bastien donnerait lieu à un escompte de 1 million.

Avant

Après



Dans le cas du prêt à un particulier pour financer l’achat d’une maison valant 500000 euros, le procédé, cette fois, correspondrait à une reconnaissance de dette de 500000 euros gagé sur une hypothèque de la maison (avec éventuellement une deuxième garantie, une caution, demandée en plus), mais il y aurait de même création monétaire, ici de 500000 euros, dans l’écosystème de la banque créditrice, avec destruction à la fin du remboursement.

Notons cependant que la destruction de monnaie, bancaire et surtout centrale, est de plus en plus rare, vu que les dettes publiques, et privées, continuent à augmenter, ce qui prouve qu’il y a toujours plus d’emprunts nouveaux que de crédits venant à échéance : les remboursements de Gilles étant compensés, et au-delà, par d’autres emprunts d’autres acteurs économiques. Non seulement les dettes peuvent « rouler », mais elles continuent à augmenter, point que nous verrons dans un autre article, consacré aux dettes, à l’épargne, à l’investissement et à la valeur de la monnaie.

Un exemple réel, le cas du groupe BPCE

Revenons maintenant à l’analyse de la création monétaire en France, et à ce que l’on peut en conclure sur le système bancaire français, même si nous ne disposons encore que de données partielles de 2020 pour pouvoir l’analyser plus finement, en dehors des données, non encore auditées, du Groupe BPCE.

D’un point de vue global, nous pouvons cependant déjà noter que les dépôts des banques, c’est-à-dire les comptes que les banques françaises ont au passif de la Banque de France, ont explosé, en passant en deux ans de 494 milliards à 938 milliards, alors que les créances qu’elles ont offertes pour cela à la Banque de France, en contrepartie, sont restés stables. L’explication la plus logique est double :

Non seulement le système bancaire français a pu se débarrasser d’un grand nombre de créances douteuses, de « PNP » (Prêts Non Performants) qu’elles possédaient, ou n’en a pas racheté à d’autres banques, ou sur le marché secondaire, mais on peut aussi supposer que la Banque de France a racheté des dettes souveraines, c’est-à-dire des dettes d’état publiques, en particulier françaises, raison principale pour laquelle le chef de l’Etat et son ministre de l’économie ont paru être d’une telle générosité. On bloque le pays, mais il ne faut pas s’inquiéter, l’argent (magique ?) est là. En d’autres temps certains auraient laissé entendre que la Banque de France, sous l’égide de la BCE, se transformait de plus en plus en « bad bank ».

Si nous prenons le seul exemple du groupe BPCE, à partir de l’étude de ses trois derniers bilans, sa trésorerie est passée de 76.5 milliards en 2018 à 80.2 milliards en 2019 tout en doublant presque en 2020 pour atteindre 153.4 milliards, augmentation de 91% tout à fait cohérente avec l’augmentation du total des dépôts de l’ensemble des banques françaises au passif de la Banque de France. En ce qui concerne ses prêts à la clientèle, ils ont augmenté en deux ans de 87 milliards, soit une augmentation de 7.7%, ce qui n’est pas négligeable mais ce qui montre que ce n’est pas la Banque de France qui a pu bloquer ses prêts à la clientèle.

Nous reviendrons ultérieurement sur ce point, dans le paragraphe concernant les règles, contraignantes ou simplement suggérées, émanant de l’autorité de contrôle prudentiel du système bancaire, l’APCR, sous l’égide de la Banque Centrale sur les banques commerciales qui dépendent d’elles : « l’ACPR exerce ses pouvoirs d’autorisation et de surveillance prudentielle sans préjudice des compétences confiées à la Banque centrale européenne (BCE) par le règlement européen du Conseil n° 1024/2013, dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU) (cf. communiqué de la Banque de France)»

En ce qui concerne enfin les prêts consentis par le groupe BPCE à d’autres banques commerciales, nous constatons que leur montant n’a quasiment pas évolué, qui montre là aussi que le marché interbancaire est plus que timide.

En utilisant le dernier bilan agrégé disponible, fin 2019, pour les principaux groupes bancaires français, on peut aussi remarquer que si le poste « trésorerie et comptes à vue auprès de banques centrales » a augmenté de 13.3% entre 2018 et 2019, les prêts aux grandes entreprises et aux particuliers n’ont, eux, augmenté que de 6.3%, ce qui peut indiquer que ce n’est pas le manque d’argent, ou des questions de solvabilité, qui limiteraient les emprunts que les banques commerciales accordent à l’économie réelle, celle des entreprises et des ménages.

D’ailleurs, à l’appui de cette thèse : « ce n’est pas le manque d’argent qui bloque les prêts » on peut se reporter à un communiqué récent de la Banque de France qui établit que : « Ainsi, même si les résultats publiés par BNPP, SG, GCA et GBPCE au premier trimestre 2020 portent les premières marques de la crise, avec en particulier un coût du risque en forte hausse, elles continuent d’afficher des ratios de solvabilité et de liquidité très supérieurs aux exigences réglementaires. »

De fait, les règles prudentielles n’ont jamais vraiment limité, au moins depuis 5 ou 6 ans, les prêts consentis aux entreprises et aux particuliers. Mais toute offre de crédit a besoin d’une demande jugée solvable, ce qui n’est manifestement pas le cas ces dernières années, au moins pour une demande qui viendrait de l’économie réelle, entreprises ou ménages, en vue d’investissement ou de consommation, soit par manque de demande, soit par manque de solvabilité.

Fondements de la politique monétaire de la BCE.

On peut alors s’interroger sur les raisons de cette abondance de monnaie centrale autorisée, et même encouragée, par la BCE, et effective dans la zone euro, notamment en France, et dans une moindre mesure en Italie.

En sus des raisons officielles, relancer une inflation qui est très loin d’un objectif affiché de 2%, on peut supposer que le véritable objectif, largement atteint, était surtout de racheter des créances douteuses, qui auraient pu mettre en cause la solvabilité de certaines banques, objectif réussi en France, beaucoup moins en Italie, ainsi peut être de relancer le marché boursier, pris comme indicateur de la santé économique d’un pays, mais qui profite essentiellement aux plus gros actionnaires des entreprises du Cac40.

Notons à ce propos que l’ambition affichée de la BCE, par l’intermédiaire des banques centrales nationale de l’Eurozone, à savoir la régulation de l’inflation par une politique monétaire plus ou moins accommodante, est d’une inefficacité totale, pour au moins trois raisons, dont deux sont purement techniques.

La première est que la théorie monétariste, à savoir le fait que le doublement de l’Offre de Monnaie impliquerait le doublement du niveau des prix est d’une rare stupidité, car cette nouvelle monnaie n’est jamais répartie uniformément, homothétiquement. Certains acteurs économiques vont être gorgés d’argent, qu’ils vont pouvoir investir dans des actions ou dans l’immobilier. D’autres acteurs, aux revenus beaucoup plus rigides, verront leur pouvoir d’achat, relatif et même absolu, diminuer.

La deuxième raison, liée à la première, est que la monnaie n’a jamais été un voile cachant une économie réelle, qui pourrait fonctionner sans monnaie. L’offre de monnaie n’est d’ailleurs jamais totalement exogène, elle dépend partiellement de la demande, réelle ou anticipée, c’est-à-dire de ce que l’on imagine, à tort ou à raison, des besoins de financement des acteurs économiques.

La troisième raison, éminemment financière, voire politique, est que tout doit être fait pour venir au secours des banques, surtout importantes, dont la survie pourrait être menacée. L’offre de monnaie surabondante, c’est en grande partie cela, sauver les banques.

De fait, la seule réelle contrainte à l’émission de monnaie est de se comporter de façon mimétique, en regardant ce que font les autres grandes banques centrales des principales zones économiques. Il s’agit en effet, en tout cas pour la BCE, de faire en sorte que la valeur internationale de l’euro ne varie pas trop vis-à-vis de celle du dollar, et si possible du yen japonais et même du yuan chinois. Sauver l’euro, c’est le mantra annoncé par Draghi, que s’efforce de maintenir la nouvelle direction de la BCE. 

Quelques contraintes pesant sur la création monétaire bancaire.

Il y a certes quelques règles prudentielles, souvent cosmétiques, et ne visant en fait que des banques pas trop importantes, qui ont été mises en place pour que la méfiance ne s’empare pas des acteurs économiques non financiers vis-à-vis de leurs banques.

Il s’agir de montrer, et surtout de faire croire, que les banques commerciales ne peuvent pas faire n’importe quoi, quitte d’ailleurs à les recapitaliser en cas de besoin en profitant pour partie de la manne offerte si généreusement par la BCE ou toute autre banque centrale devenue partiellement une « bad bank », en contrepartie d’actifs à la valeur nominale souvent douteuse.

La faillite éventuelle d’une banque, et donc la disparition de son écosystème, risquerait en effet de déstabiliser dans sa chute, par contagion, l’ensemble du système financier tout entier. La faillite de Lehman Brothers aura servi de leçon, il aura fallu plusieurs années pour s’en remettre, et encore, partiellement, ce qui explique la frilosité des marchés interbancaires depuis lors.

Parmi ces règles, censées encadrer le fonctionnement des banques, et contrôler implicitement, dans la mesure du possible, les écosystèmes des banques commerciales, en évitant que les banques concernées ne se retrouvent en manque de liquidités, voire de solvabilité, en cas d’octroi de trop de crédits, notons en deux principales.

La première mesure impose aux banques d’avoir un ratio de solvabilité minimale, ratio assez particulier pour les banques. Au lieu de prendre le même ratio que pour les entreprises non financières, à savoir le quotient des capitaux propres par le total du bilan, le ratio de solvabilité bancaire va prendre en compte une estimation des différents risques des actifs figurant au bilan de la banque.

Ce ratio spécial est appelé « Common Equity Tier » (ou CET1), dont le minimum a longtemps été de 8% pour l’Eurozone, et est passé à 10.5% après 2010. Il valait 13.6% en 2018 et 14.4% en 2019 pour l’ensemble des grands groupes bancaires français.

La deuxième mesure concerne les réserves « liquides » c’est-à-dire le niveau des dépôts de chaque banque auprès de sa banque centrale.

Le tableau ci-dessus montre clairement que les exigences requises pour le bon fonctionnement du système bancaire sont plus que dépassées par la France, qui fait encore mieux, ou pire, que l’Eurozone pour laisser en fait toute latitude aux banques commerciales de gérer leur propre écosystème. Il est vrai que l’on peut penser que ce laxisme ou cette générosité sont aussi liés au fait que les banques sont très méfiantes vis-à-vis les unes des autres, et qu’elles préfèrent avoir recours à leurs comptes à la banque centrale, même si cela les pénalise un peu financièrement, puisqu’elles ont à payer 0.5% d’intérêt pour cela, plutôt que de prendre des risques d’impayés en traitant avec une banque concurrente. De fait cette méfiance, qui avait débuté en 2009, et s’était ravivée après 2015, en dépit des mesures Draghi, semble s’être encore accrue depuis 2019 et a atteint des sommets en 2020.

De fait, tout se passe comme si le système bancaire s’était fractionné, comme si les différents écosystèmes bancaires étaient déconnectés, comme si tous les déséquilibres entre banques commerciales devaient être immédiatement réglés par l’intermédiaire de leurs comptes en banque centrale, c’est-à-dire figurant pour les banques françaises au passif de la Banque de France.

L’argent magique ‘offert’ en 2020 à la France pour cause de Covid19.

La plupart des experts, en tout cas ceux qui passent midi et soir sur les grandes chaînes de télévision « mainstream » encensent Emmanuel Macron et son ministre de l’économie pour la gestion économique de la crise. Nous ne reviendrons pas ici sur les décisions de confinement, que certains grands professeurs de médecine, comme Ionnidis ou Toussaint, jugent inutile sur le plan sanitaire, et à la conséquence désastreuse sur la vie économique, et nous ne parlerons ici que de la façon monétaire « d’accompagner » la crise économique.

Il faut vraiment n’avoir aucune idée de ce que représente la monnaie et de son rôle dans l’économie réelle pour croire qu’injecter 400 ou 450 milliards de nouvelle monnaie compenseront les 9 ou 10% de production perdue en 2020. La valeur d’une telle monnaie, point que nous approfondirons dans un chapitre ultérieur, ne peut que diminuer, et ceux qui s’en apercevront très tôt sont ceux dont le pouvoir d’achat est plus ou moins fixe, comme les retraités.

La véritable monnaie devrait être une créance sur l’existant, pas sur le futur.

Que la création monétaire, comme le rappelle, entre autres, Jacques Sapir repose sur une créance devrait être une évidence. Mais ce qui est moins trivial, et d’autant plus important, est que cette créance doit correspondre à du travail déjà effectué, et non en devenir. Dit autrement, toute dette devrait être gagée sur de l’épargne, du travail « stocké », et non sur du travail en anticipation.

Lorsque la BCE émet des centaines de milliards en les gageant sur des dettes publiques, on est bien loin de ce processus. Lorsque les banques commerciales prêtent de l’argent, qu’elles n’ont pas, en fonction de reconnaissances de dettes liées à une croissance future, elles participent elles aussi à cette création d’une fausse monnaie qui ne représente évidemment pas, contrairement peut être à la monnaie émise par les banques centrales, le bien public mais des intérêts privés. Ce « quoi qu’il en coûte » ne va pas coûter autant à ceux qui ont eu accès directement à cette manne qu’à ceux qui en ont profité pour financer la Bourse, et aux actionnaires qui ont vu la valeur relative de leur portefeuille d’actions littéralement exploser ; sans même parler des actionnaires des grands laboratoires pharmaceutiques, dont le lobbying effréné a rapporté au centuple les sommes investies.

La seule bonne nouvelle est celle-ci : lorsque la BCE veut s’affranchir du traité de Maastricht, elle le peut, c’est une simple question de volonté politique. Certes, elle ne rachète pas directement au Trésor Public les bons du Trésor que la France cherche à placer, mais c’est tout comme. Elle a envoyé le signal aux marchés financiers et aux banques qu’elle rachèterait sur le marché secondaire presque tout ce qui traînera, c’est à dire presque toutes les obligations dont les banques voudraient se débarrasser.

La BCE, les banques centrales et les marchés financiers sont quasiment dans la même position que des producteurs ou des dealers de drogue, la drogue étant ici la monnaie qui a rendu accrocs la plupart des pays de l’U.E., qui réclament toujours plus d’argent, voilà la véritable traduction de « quoi qu’il en coûte », comme si les dettes accumulées n’étaient que mirage. Emettre de l’argent magique pour compenser un manque de production, il fallait y penser, Emmanuel Macron, même s’il n’est pas le seul dirigeant dans ce cas, l’a fait.

Venir au secours des plus démunis n’est pas forcément une mauvaise idée, mais au lieu d’aider ceux qui avaient envie de continuer à travailler de le faire, la décision de les confiner pour les transformer en assistés redevables de la générosité publique « c’est l’Etat qui paye », si elle peut être efficace politiquement, au moins à court terme, n’est sans doute pas la meilleure façon de redonner le goût du travail aux Français, et encore moins de réindustrialiser la France, qui en a pourtant tant besoin.

Par ailleurs, faire passer toute mesure d’envergure sous les fourches caudines de Bruxelles et de Francfort, siège de la BCE, est un signal de plus indiquant que sans souveraineté monétaire, sans indépendance réelle des grandes décisions budgétaires de la France vis-à-vis de l’Union Européenne, la France ne peut qu’être à la remorque de pays plus puissants qu’elle, en Europe et dans le monde, à savoir l’Allemagne et les Etats Unis.

La sujétion actuelle de la France aux institutions de l’U.E. montre que les tenants d’une souveraineté française, les « souverainistes » ou les « patriotes », ont quelques arguments à faire valoir pour soutenir l’idée d’une souveraineté monétaire, qu’ils jugent indispensable pour pouvoir mettre réellement les émissions monétaires, et la gestion de la monnaie, au service du bien-être de la population, et non au service de quelques-uns. Le traité de Maastricht a vacillé sous l’effet de la crise actuelle, il est peut-être temps de s’en débarrasser, au moins partiellement.

C’est sur ce dernier point, celui d’un argent faussement magique et accordé grâce à la « générosité » de la BCE, que nous conclurons cette deuxième partie ainsi que cet article, qui nous aura permis d’étudier bon nombre de facettes de la monnaie, dont : à quoi elle sert, pourquoi elle existe, et comment et par qui elle est émise, et sous quelles restrictions techniques régulant plus ou moins les divers écosystèmes bancaires.

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  1. Plusieurs de mes derniers billets ont été remaniés, et sont maintenant disponibles dans mon dernier livre, paru le 4 juin 2021 https://www.thebookedition.com/fr/ce-que-tout-politique-doit-connaitre-p-383443.html

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