Parler d’étalon or pour ne pas parler d’inflation monétaire, un exploit !

Chronique du jour, le 11/05/2022, par Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC

Sur CNews, le 10/05/2022, un expert, pas le plus médiocre d’ailleurs, a enfin abordé le problème de la dépréciation monétaire. Mais, pour cela, il est passé par le biais de la valeur de l’or et de son évolution au cours des siècles.

Cet expert avait évoqué la veille, le 09/05/2022, la question de la hausse des prix sans jamais parler des quantités incroyables de monnaie émises en quelques années, et plus particulièrement en France en 2020. Cette fois Dimitri P. en a enfin parlé, non pour souligner la hausse des prix, mais pour dire que la paye d’un gradé, un centurion romain du temps de César ou du Christ , ou encore d’un capitaine de l’armée US en 2020, n’avait pas évolué en terme d’or.

Quelle que soit la valeur de cette approximation – car il faudrait supposer que la « valeur » du travail de chacun de ces gradés n’a pas changé relativement à d’autres rémunérations – notre expert a laissé entendre que c’était parce que la masse monétaire avait beaucoup augmenté ces dernières années. Cela est évidemment exact, mais était-il besoin  de passer par l’intermédiaire d’une marchandise particulière, comme l’or, pour le dire ?

Oui, qu’on le veuille ou non, toute inflation est tout d’abord monétaire, et comme nous l’avons dit dans une chronique récente, et démontré dans notre dernier ouvrage, lorsque la quantité de monnaie en circulation augmente beaucoup plus que la production, la valeur de la monnaie ne peut qu’être dépréciée, et cela ne peut conduire qu’à une hausse de prix, plus ou moins forte suivant l’importance de cette dépréciation.

Précisons à ce sujet que sur les deux dernières années pleines, de décembre 2019 à décembre 2021, le bilan de la Banque de France a presque doublé, en augmentant de 895 milliards d’euros, tandis que les réserves bancaires, les comptes courant qu’elles possèdent à la Banque de France, ont explosé, en faisant plus que doubler. Elles sont passées de 522 milliards d’euros à 1.185 milliards. Et certains s’interrogent encore sur l’affectation de l’augmentation de 600 milliards de la dette publique. Il suffirait de regarder les chiffres officiels publiés chaque mois par la Banque de France: mais ces chifres ne semblent pas intéresser beaucoup nos experts, qu'ils soient universitaires ou "de plateau". Trop simple sans doute!

Et certains encore, peut être les mêmes, se demandent d’où viendrait la hausse des prix qui s’annonce, et que les pouvoirs s’efforçaient de minimiser avant le début du conflit ukrainien. Cette hausse de prix était déjà, prévisible, dans les bilans des banques centrales des différents pays de l’U.E., en particulier dans celui de la Banque de France. La masse monétaire a presque doublé en France en deux ans, si on ne parle que de la monnaie centrale, celle qui est directement gérée par la Banque de France, et cela n’aurait aucun impact sur les prix, alors même que la production telle qu’estimée par le PIB, aurait diminué, puisque inférieure à son niveau de la fin 2019.

Le simple bon sens devrait nous suffire pour comprendre que l’inflation des prix est partie pour durer, à moins que des découvertes extraordinaires permettent de produire deux fois plus de biens et de services pour le même effort, deux fois plus de blé à l’hectare, deux fois plus de voiture dans le même temps de travail, en n'utilisant pas plus de matières premières, ni d’énergie. Utopie que tout cela.
Il va bien falloir, d’une manière ou d’une autre, compenser ce doublement de la masse monétaire , alos que la production stagne. La valeur de notre monnaie s’est dépréciée en deux ans de 50%, c’est donc la hausse des prix à laquelle on peut s’attendre sur les prochaines années, sans doute avec un minimum de 5% annuels pendant 10 ans, sans même tenir compte des mesures absurdes décidées pour sanctionner la Russie et qui vont pénaliser bien plus encore la France.

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