Déficit commercial et dettes, qui s’en soucie vraiment
L'argent magique semble encore d'actualité, que ce soit pour financer à pertes l'Ukraine ou pour tenter d'indemniser les commerçants pillés au cours des dernières émeutes. On ne semble plus en être à quelques milliards, voire dizaines de milliards près, alors que c'était l'argument invoqué pour imposer une réforme des retraites, réforme à la fois mal ficelée, incomplète, et sans doute inefficace.
Alors, oui, déficit commercial et dettes, qui s’en soucie vraiment ?
Ayant abordé
dernièrement le sujet du protectionnisme dans une conférence économique, je me
suis aperçu que la plupart des participants pensaient que l’on ne pouvait pas
faire grand-chose sur le déclin, ou déclassement économique, de la France et que
les dés étaient jetés.
J’ai alors
abordé la question du déficit commercial, et les questions qui m’ont été posées
m’ont paru reposer sur une certaine erreur de perspective, plutôt que sur un
manque de bon sens.
Demander à
un consommateur de privilégier dans ses achats les produits étrangers aux
produits importés ne peut avoir un impact que si ce consommateur perçoit l’intérêt
global de cette démarche pour la nation, son intérêt macro-économique.
Si le
consommateur a pour priorité d’utiliser au mieux ses ressources financières, il
serait presque déraisonnable pour lui de ne pas acheter au moins cher, ce qui
se concrétise souvent par un produit importé. Entre une démarche ‘citoyenne’ et
une démarche de consommateur, le choix n’est jamais simple, surtout lorsqu’il
concerne une personne aux faibles revenus.
Et trouver
naturel cet effort ‘citoyen’ relève sans doute de la même erreur que de
demander à une entreprise internationale, même d’origine française, de
privilégier la production française, si cette entreprise pense qu’il est plus
rentable pour elle, et non pour la France, de produire à l’étranger, en
délocalisant tout ou partie de sa production.
Mais qui
s’intéresse à l’intérêt macro-économique de ses propres décisions, dans un
contexte où l’individualisme est devenu roi ? Bien sûr, de façon très symbolique,
ou théorique, on peut s’intéresser à l’avenir de la planète, qui a plus de 4
milliards d’années d’existence, idéologie que certains écologistes utilisent de
façon remarquable pour manipuler les citoyens. Tout semble fait d’ailleurs pour
fixer notre attention sur des problèmes qui nous dépassent, l’influence du
cycle solaire sur l’éventuel réchauffement de la Planète, plutôt que sur des
questions sur lesquelles nous pouvons sans doute avoir plus d’influence, comme le fait de privilégier les produits locaux.
De fait, et
très naturellement, au point de vue individuel, le seul qui peut être
directement concerné par le déclassement de la France est celui qui perd son
emploi parce que son entreprise délocalise, ou parce qu’elle ferme ses portes
du fait d’une concurrence trop défavorable. Et si un commercial peut sans doute
changer relativement facilement de travail en offrant ses services à une
entreprise importatrice plutôt qu’à une entreprise qui ferme ou qui délocalise,
il est clair que ce sont les emplois industriels qui, eux, vont le plus pâtir
de cette délocalisation.
Le déficit
d’investissement de 600 milliards entre 2004 et 2022 entre les investissements français
à l’étranger et les investissements étrangers en France a coûté de l’ordre de
deux millions d’emplois à l’industrie française.
Bien entendu,
ces données macro-économiques ne sont pas directement appréhendables par le
citoyen lambda. Le consommateur, lui, qui s'efforce ‘d'optimiser’ ses dépenses de
consommation ne sait pas nécessairement qu’il contribue ainsi, ou qu’il peut
contribuer, au déficit commercial, et donc, à terme, à l’augmentation du chômage
et à l’augmentation des dettes, publiques ou privées, qui se montaient, fin mai
2023, à 8000 milliards, soit largement plus de trois fois le PIB français.
Par ailleurs
ce déficit commercial n’existe que depuis une vingtaine d’années. Avant 2005,
l’équilibre entre les importations et les exportations était réalisé, et
jusqu’en 2002, la France était même globalement bénéficiaire. Mais cela, c’était avant
« les 35 heures », l’entrée de la Chine dans l’OMC, l’instauration de
l’Euro comme monnaie commune au 1er janvier 2002. Et, on peut sans
doute le dire aussi, c’était avant que le mouvement écologiste pousse nos
divers gouvernements à développer des énergies alternatives, extrêmement
coûteuses, au détriment de notre énergie nucléaire, pour laquelle nous étions
les meilleurs au monde. L’industrie allemande a parfaitement joué le jeu, son
jeu, puisque son principal concurrent européen était ainsi peu à peu mis hors
de combat.
Ce
déclassement de la France a donc réellement commencé depuis une vingtaine
d’années, et cela laisse peut être encore quelques espoirs de pouvoir renverser
la tendance, si tant est que l’on comprenne vraiment de quoi il s’agit, et si
nous avons réellement la volonté politique de nous en sortir.
C’est à
cette compréhension que je vais maintenant m’attaquer dans la suite de ce
billet, laissant la question de la volonté politique à nos politiques et à nos
électeurs, en espérant que ces derniers, une fois mieux éclairés, feront des
choix cohérents, sur le plan économique, avec leur nouvelle appréhension du
phénomène, celui du déficit commercial et des dettes qui lui sont associées.
Nous allons
d’abord commencer par imaginer que le pays que l’on veut étudier n’a aucun
contact avec l’extérieur, en physique on parlerait d’un système isolé. Ce
pourrait être le cas de notre planète, du monde ‘Terre’, considéré comme un
tout. Ce peut aussi être un pays ou une région vivant en autarcie, sans aucun
lien avec le monde extérieur, le « système extérieur ».
Représentant
donc ce monde isolé par une boîte noire, une cage de Faraday, ou, mieux pour
notre démonstration future, une immense baignoire ne possédant ni robinets, ni
évacuation, à l’intérieur de laquelle tous les échanges économiques s’accompliraient.
Encore une fois, du point de vue de Pluton ou de Sirius, c’est ce qui se
produit sur la Terre considérée comme un tout, si nous négligeons les échanges
qui s’opèrent avec le reste de l’Univers depuis 4 milliards et demi d’années. C’est
donc une approximation que même les écologistes les plus radicaux me
pardonneront.
Dans cette
baignoire, il y a donc production, consommation, échanges financiers, monétaires,
tout ce qui permet la vie. Il peut y avoir des injustices, des crimes, des vols.
Mais tout se
produit « en local », à l’intérieur de cette baignoire, système isolé, pour
le moment du moins. Il peut y avoir des riches et des pauvres, des jeunes et des
anciens, des actifs ou des inactifs, mais tout cela se règle, plus ou moins bien, à l’intérieur du même
système, symbolisé par notre baignoire.
Mais que se
passe-t-il maintenant si ce système, si cette baignoire, n’est plus
hermétiquement clos. Disons donc que le microcosme, qui vit, produit, consomme,
et échange dans cette baignoire, reçoit aussi de l’extérieur des produits,
biens ou services (pour le moment, les personnes qui vivent dans cette
baignoire ne s’en vont pas, et il n’y a pas non plus d’arrivées extérieures),
ce que l’on va styliser par un robinet amenant ces ressources extérieures, donc
« importées ». Disons aussi que pour compenser ces nouvelles
ressources, on vide aussi la baignoire d’une partie de son contenu, en
stylisant cela par une fuite de la baignoire, qui correspondra aux produits
exportés.
Pour le moment, on a donc raisonné en « volume » : la baignoire, notre écosystème, contient les biens et services produits « en local », plus les ressources importées, moins les ressources exportées.
Le lecteur comprend aisément que s’il y a éventuel déséquilibre entre importations et exportations, et si le déséquilibre est dû à trop d’importations, cette situation ne peut durer indéfiniment sans conséquences plus ou moins fâcheuses.
Rappelons
que jusqu’en 2003, la France exportait plus qu’elle n’importait, et que cette
situation at duré pendant près de 56 ans, entre 1949 et 2005, à l’exception notable
des années Giscard et du premier mandat Mitterrand. La meilleure année sur
cette période fut 1997, l’année de la dissolution de l’Assemblée par Chirac. Ce
fut ensuite une diminution régulière de cet excédent, jusqu’en 2005, mais avec
quand même un léger excédent, de plus en plus restreint. Depuis, la situation
n’a fait que se dégrader.
De fait, si
nous considérons que tout déséquilibre doit être financé, il convient de faire
maintenant intervenir les flux financiers, c’est-à-dire la façon de payer les
biens et services importés, lorsqu’ils ne sont pas compensés par les flux
financiers associés aux biens et services exportés.
Nous allons donc maintenant raisonner en valeurs (monétaires ou financières), et non plus en volume. Si en tant que
consommateur on peut se réjouir de pouvoir bénéficier de biens importés
fabriqués à l’étranger, en tant que client payant, on conçoit qu’il va falloir
disposer d’argent pour cela.
C’est ainsi que dans notre schéma ci-dessus, les robinets symbolisant l’importation de biens et services vont se transformer en fuites financières, tandis qu’au contraire, les fuites de biens et de services correspondant aux biens importés vont se transformer en nouvelles ressources financières.
C’est ce que les experts de l’INSEE
nous cachent, volontairement ou non, en semblant confondre les données en
volume et en valeur, les ressources et les emplois financiers.
De fait, il est clair que si du point
de vue du « consommateur », pouvoir bénéficier d’importations peut
sembler intéressant, du point de vue du client, il en va tout autrement.
S’il y a déséquilibre financier entre
ressources financières liées à l’exportations et dépenses financières liées aux
importations, il faudra bien que ce déséquilibre soit financé. Ce ne
peut évidemment être que par l'intermédiaire de dettes, ou, pour le moins, de reconnaissances
de dettes.
Si le pays déficitaire était considéré
comme un tout, et si le pays bénéficiaire était considéré comme un tout, on
pourrait imaginer que cette reconnaissance de dettes soit signée au nom du pays
déficitaire, au bénéfice du pays excédentaire, mais ce n’est évidemment pas
ainsi que cela peut se passer
Au lieu d’avoir un seul robinet,
global, pour les ressources financières liées aux exportations, et une seule
fuite, globale, pour les déficits liés aux importations, ou, encore mieux sur
le plan global, une seule fuite en cas de déficit, les robinets sont multiples,
et les fuites elles aussi. Ce n’est guère qu’après coup, tous les mois ou tous
les ans, que l’on peut s’apercevoir de l’éventuel désastre.
De plus, même en tenant compte des
statistiques globales, collectées d’abord par le département des Statistiques et Études du Commerce
Extérieur (DSECE) de la direction générale des Douanes et des Droits Indirects
(DGDDI), et synthétisées par l’INSEE, cette globalisation ne permettrait pas de
différencier ce qui doit être financé par des dettes publiques de ce qui doit
être financé par des dettes privées.
Je rappelle à ce sujet les données
précédemment énoncées, la France a un montant de dettes de l’ordre de 8000
milliards d’euros, dont plus de 3200 milliards de dettes publiques.
Certes, le consommateur individuel
sait bien, lui, comment ses achats sont financés. Il sait si ses achats sont financés par ses économies ou par un emprunt,
de même que l’on peut espérer que l’ordonnateur des dépenses publiques sait si
ses achats sont, ou non, faits à crédit. Mais globalement, en supposant que le consommateur s’en soucie, il peut toujours supposer que cette dépense sur emprunt n’a pas
réellement d’impact globalement. On enseigne toujours, dans les cours
d’économie, que les investissements sont nécessairement financés par l’épargne,
et qu’il y a forcément équilibre entre dépenses et recettes, ce qui n’est vrai
qu’au niveau mondial, avec certaines précisions sur lesquelles nous
reviendrons.
Mais restons pour le moment sur le cas
de la France, déficitaire depuis 2005 avons-nous dit, vis-à-vis du reste du
monde. En déficit cumulé jusqu’en 2020, soit sur 16 ans, on atteint environ de
300 milliards. On peut y ajouter un déficit de 85 milliards en 2021 et de 164
milliards en 2022, hausse considérable expliquée cette dernière année par un
déficit énergétique colossal.
Si on s’arrête fin 2020, cela signifie
que l’étranger, l’extérieur, a prêté 300 milliards à la France, ce prêt pouvant
prendre plusieurs formes, suivant qu’il correspond à des dépenses publiques ou
privées, comme nous l’avons vu plus haut.
Mais ces prêts ne sont pas gratuits,
non seulement il faudra les rembourser, mais, vu la hausse des taux d’intérêt,
s’ils n’ont pas été négociés à un taux fixe, cela peut coûter très cher, comme
la communauté urbaine de Perpignan s’en est malheureusement aperçue en 2015, un
emprunt de 27 millions remboursé plus de 70 millions.
Revenons donc au remboursement de ces
dettes. Peut-on les « faire rouler » indéfiniment, c’est-à-dire
emprunter pour pouvoir rembourser les emprunts venus à échéance?
En 2022,
près de 70 % des échanges
commerciaux français se sont effectués avec des partenaires européens, dont plus
de 50 % avec les pays de l’euro-zone. Et si nous prenons le cas de la
seule Allemagne, nous lui avons acheté pour plus de 115 milliards d’euros de
marchandises, en exportant simplement l’équivalent de 80 milliards. Ce
différentiel explique sans doute en grande partie la complaisance de la France
vis-à-vis de l’Allemagne.
Posons-nous
donc cette question : nos « partenaires » peuvent-ils accepter indéfiniment
que nos dettes s’accumulent, que nous fassions « rouler » notre dette
pour une période illimitée ?
Rappelons
que nous ne parlons ici que des dettes liées au commerce extérieur, d’autres
dettes, celles de l’Etat ou des collectivités territoriales peuvent aussi être
liées au fait que l’Etat a besoin d’emprunter, par l’intermédiaire de l’Agence
France -Trésor, à des marchés financiers ou à des banques, ne fut-ce que pour
payer des fonctionnaires, pour financer son budget social, qui représente 11%
de toutes les dépenses sociales du monde, alors que la population française représente
moins de 1% de la population mondiale.
La réponse est clairement non : on
ne peut faire rouler ses dettes, de plus en plus importantes, indéfiniment,
sauf dans deux contextes bien particuliers.
Soit la France se déclare en défaut de
paiement, ce qui est arrivé près d’une dizaine de fois dans son histoire, soit
elle utilise des subterfuges déjà utilisés par les rois de France : “En confisquant les biens de ses
créditeurs, le Royaume annulait de facto son engagement ; en dépréciant la
valeur de sa monnaie, il augmentait ses capacités de remboursement” (cf https://www.terrabellum.fr/news/la-france-son-budget-dficitaire-et-sa-dette)
Dit
autrement, en spoliant directement une partie de ses administrés (le
projet de loin sur les terrains et leurs propriétaires n’en est pas si éloigné)
ou en comptant sur une inflation en partie déguisée, la France républicaine peut
tenter de refaire la même chose que la France monarchique, à ceci près que si
on peut relativement facilement spolier ses administrés, il en va différemment
quand ses créanciers sont étrangers : ce qui est le cas pour 60% des
dettes publiques de la France.
En fait,
le seul pays qui peut se permettre, ou qui croit pouvoir se permettre, de faire
rouler ses dettes indéfiniment s’appelle les USA. Ils ont trois privilèges.
Le
premier est lié au fait que ce sont eux qui émettent la monnaie de référence
mondiale, en 2017, 50% des échanges internationaux étaient libellés en dollars,
ou faisaient référence au dollar, 87% des opérations de change et 60% des
réserves de change des banques étaient libellées en dollars.
Le
deuxième est leur extraterritorialité : les USA peuvent se permettre de
faire des procès, et de les gagner, dès lors qu’une transaction effectuée en
dollars leur déplaît, quelle qu’en soit la raison
Le
troisième privilège est sa puissance militaire : les USA possèdent plus de
800 bases militaires dans le monde, à l’extérieur de leurs frontières.
Malgré
les rêves de grandeur du président Macron, il est évident que la France ne peut
se comporter de la même façon que le président des Etats Unis. Mais même en ce
qui concerne les Etats Unis, leurs trois privilèges commencent à s’éroder
Ainsi la
puissance économique des pays composant le G7, sous la coupe des USA, le pays le plus puissant d’entre
eux, est devenue inférieure à celle des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique
du Sud) et de leurs alliés.
Par
ailleurs, depuis le début des évènement d’Ukraine, Chine et Russie se sont
arrangés pour avoir un système de paiement indépendant du système SWIFT
occidental. C’est une des conséquences des sanctions très peu efficaces décidées
envers la Russie que nos ‘experts’ n’avaient pas envisagée. De fait, plus aucun
pays ne peut plus avoir confiance dans le dollar, dès lors que des valeurs
exprimées en dollars ne sont plus garanties comme sûres : geler des
paiements effectués en dollars peut même s'apparenter à du vol, quelles
que soient les bonnes raisons invoquées pour le faire.
Dernier
point, enfin. L’aura militaire des USA, qui n’ont jamais réellement gagné une
guerre depuis 1945, à l’exception du désordre qu’ils ont laissé en Irak,
commence à être remise en question du fait des évènements qui se passent en
Ukraine.
Cela ne signifie
pas que l’hégémonie du dollar ait entamé sa chute, ni même perdu beaucoup de sa réalité, mais cela indique que
même les dettes des USA ne pourront pas monter jusqu’au ciel.
Pour la
France, en tout cas, ce n’est pas l’euro, monnaie commune ou monnaie unique,
qui lui permettra de « rouler » ses dettes sans problèmes. Mais
supposons qu’elle décide, comme du temps de Philippe Le Bel ou plus récemment en
1797, avec la « banqueroute des deux tiers », de faire défaut sur
tout ou partie de sa dette.
Il est
difficile d’imaginer que la France soit envahie par des armées envoyées par des
créanciers mécontents, mais il est à peu près assuré que la conséquence
immédiate de ce défaut de paiement serait que plus aucun pays n’accepterait de
lui faire crédit.
En
d’autres termes, soit la France serait contrainte à vivre en autarcie, soit
plus vraisemblablement elle serait obligée d’équilibrer, enfin, ses
exportations et ses importations, en « couvrant » ainsi ses
importations par ses exportations (alors qu’en 2022 cette couverture n’était
plus que de 75% :une autre façon de dire que le robinet financier lié aux
exportations ne compensait en 2022 que les ¾ des fuites liées aux importations.
On retrouve là, même sur la question des dettes, l’impérieuse nécessité d’équilibrer
ses échanges internationaux.
Une autre
question que l’on peut se poser concerne l’existence même des dettes au niveau
mondial. De fait, si l’on considère que le monde entier, notre Terre, est un
système fermé, il ne peut y avoir de dettes liées au déséquilibre éventuel
entre importations et exportations. Nous ne commerçons ni avec Mars ni avec
Pluton.
On parle pourtant
d’un monceau de dettes, qui dépasseraient et largement la production mondiale
d’une seule année. C’est ainsi qu’Anne-Laure Kiechel, de Global
Sovereign Advisory (GSA), affirme que : « Le montant total de la dette mondiale publique et
privée est de 300 000 milliards de dollars, ce qui représente 350 %
du PIB mondial ».
Si ce
chiffre est exact, ce dont nous n’avons pas de raisons de douter, c’est à peu
près le cas pour la France (8000 milliards € pour un PIB de 2600 milliards €), cela signifie, bien sûr, qu’il y a aussi
des créanciers qui possèdent pour 300 000 milliards de dollars, ou 300
billions de dollars (en chiffres : 300*10puissance 12). On peut se
demander ce qui se passerait si, comme dans la Judée antique, il y avait un
jubilé tous les cinquante ans pour annuler toutes ces dettes.
Bien
entendu, comme les dettes publiques sont à peu près toutes à l’actif des
banques, centrales ou de second rang, et qu’elles représentent entre la moitié
et les ¾ de la monnaie centrale, cela voudrait dire que cette monnaie centrale
devrait disparaître, à moitié ou aux ¾. Les réserves des banques de second rang
auprès des banques centrales fondraient quasi instantanément. La seule chose
qui ne pourrait ainsi disparaître serait l’argent fiduciaire, c’est-à-dire les
billets, qui ne représentent en France que le 1/5 de la monnaie centrale,
contre 50% en Italie.
C’est
peut être l’une des raisons pour lesquelles les banques centrales veulent
voir disparaître cet argent liquide, en dehors du fait que les dépenses
scripturales, sont éminemment plus traçables. Mais ne rêvons pas, ce « jubilé
des dettes » est très peu probable, et s’il se produisait partiellement ce
ne serait sans doute pas les plus gros créanciers qui seraient visés, mais les
plus fragiles. Regardons ce qui s’est passé en France pendant la période révolutionnaire
1789-1797.
Ces
dettes, publiques ou privées, ne vont donc pas disparaître comme par
enchantement, ce sera sans doute l’enjeu à la fois géopolitique et économique
des prochaines années.
On peut
imaginer que la monnaie basée sur des dettes continuera à se déprécier, et que
ce sont des matériaux non reproductibles à l’infini qui seront de plus en plus
utilisés dans l’avenir pour asseoir les transactions, surtout internationales.
On peut penser au pétrole, bien sûr, et à l’or, mais aussi au lithium, à
l’uranium, à toutes les « terres rares » dont l’économie moderne est
si friande, mais que la France ne semble pas posséder. Il est vrai que les
écologistes préfèrent ne pas « saccager » notre sous-sol, en
préférant que d’autres pays s’y collent, même si notre sous-sol possédait
certains de ces minéraux.
Quoiqu’il
en soit, d’un point de vue français, la priorité est de retrouver un
équilibre de notre balance commerciale, seul moyen de continuer à vivre de
façon « souveraine ».
Bruno Lemaire, économiste et essayiste, ancien doyen associé d'HEC.
Ce que tout politique doit connaître - Bruno LEMAIRE (thebookedition.com)
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