La BCE face à une monnaie magique, une mesure de valeurs devenue sans valeur


Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC lesamoureuxdelafrance

L’un de mes jeunes et talentueux collègues camerounais, le recteur Paul Zamo, a récemment écrit dans un papier de recherche : « En Afrique on cherche l’argent, on ne cherche pas la valeur qui permet de l’obtenir. » Je ne sais pas si cela est vrai pour l’ensemble de l’Afrique, mais on pourrait craindre que cela ne devienne, ou redevienne, le cas dans l’Union Européenne.

De l’argent émis pour compenser un manque d’activités.

De fait, comme je l’ai déjà écrit par ailleurs, face au trou prévisionnel du PIB envisagé pour la plupart des pays de la zone euro, et en particulier des 300 ou 400 milliards qui vont manquer en France, la BCE n’a rien trouvé de mieux que de prétendre combler cet abîme en émettant des milliers de milliards, dont 300 à 400 milliards pour la seule France.

De l’argent pour les banques et les marchés financiers ?

D’autres que moi, dont l’ancien trader devenu très influent sur le net, Anice Lajnef, ont fort justement déclaré que la presque totalité de cet argent « magique » allait se retrouver dans les caisses des banques, c’est-à-dire sur leurs comptes ouverts à la Banque de France, ou dans différents actifs financiers possédés par divers spéculateurs.

De l’argent magique, ou une simple et tragique illusion ?

Mais le thème du présent article ne porte pas sur ce point, mais sur l’illusion fantasmagorique que nos « experts » monétaires prétendent imposer au « petit peuple » qui, comme chacun sait – du moins est-ce la conviction de nos « élites » - ne comprend rien aux questions monétaires, comme si le bon sens populaire était incapable de comprendre la manipulation qu’on essaye de leur vendre, ou de leur faire acheter.

Du faux argent reste partout du faux argent.

D’où notre retour aux écrits de monsieur Zamo, puisque les mêmes causes produisant les mêmes effets, quelle que soit la couleur de la population concernée, prétendre qu’une monnaie qui ne repose sur rien puisse servir sans dommages d’unité de valeur pour mesurer d’éventuelles richesses est d’une forfaiture sans nom.

Quel mépris du bon sens de nos ouvriers, commerçant, petits patrons, nos travailleurs en somme ?

Nos élites peuvent-elles croire que si elles déclarent à des gens qui ont travaillé toute leur vie pour tenter de vivre dignement de leur labeur : vous n’avez pu travailler pendant 2 à 3 mois, mais tout va bien, la banque va créer de l’argent pour compenser ce manque à gagner, et cet argent créé sans aucune contrepartie réelle, qui ne repose en fait que sur des émotions, mot devenu très à la mode, va avoir la même valeur que l’argent que vous vous êtes échinés à gagner par votre sueur, votre ingéniosité, votre dévouement.

De l’argent sans travail, cela ne peut durer.

Il y a certes des gens qui ne vivent que d’allocations et qui ne se préoccupent pas de la provenance de l’argent qui leur est alloué, pas plus d’ailleurs qu’un certain nombre de rentiers, que Maurice Allais dénonçait en parlant de revenus non gagnés, mais ce n’est pas (encore ?) les plus nombreux. La plupart de nos concitoyens en âge de travailler savent que sans travail, pas d’argent.

Des dirigeants, sans trop y croire peut-être, veulent nous rassurer devant ce « bel argent »

De l’argent créé sans contrepartie physique ne peut évidemment pas être un « titre de créance reconnu comme tel sur un groupe s’il ne correspond pas à du travail réalisé et jugé utile ».

Peut on s’attendre à ce que cet argent « magique » puisse être la mesure des mesures, et valoriser des non-valeurs puisqu’il ne correspond à rien. C’est pourtant ce que nos dirigeants, mot si mal porté, s’efforcent de « communiquer », tout en laissant entendre, quand même, que cet argent, certes magique, a été émis en contrepartie de dettes qu’il faudra bien un jour songer à rembourser.

Nous sommes face à une double peine.

D’où une double peine face à cette monnaie magique, que l’essayiste Pierre Jovanovic appelle ironiquement « monnaie de singe » : non seulement elle ne peut que valoir moins qu’une monnaie gagée sur de véritables activités, déjà effectuées et reconnues comme utiles, mais il faudra, en plus, songer à rembourser les créances toxiques servant de contrepartie à ces émissions monétaires.

Et ne parlons même pas de ce pseudo argent, ou fausse monnaie, qui va pour partie être dépensé pour accroître le déficit commercial de la France : un sou, même faux, est un sou quand il s’agit d’acheter des masques ou des tests qui nous ont fait si cruellement défaut au début de l’épidémie de Covid_19.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Déficit commercial et dettes, qui s’en soucie vraiment

Des dettes indexées sur l’inflation!

Quand la France roule ses dettes!