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L’argent-dette des banques... Peut-on changer le rôle de nos banques

Q. Quel est vraiment le rôle actuel des banques dans la création de monnaie ?

Supposons que vous vouliez emprunter dix mille euros à votre banque. Celle-ci va vous avancer cet argent, vous « prêter » cet argent, en écrivant ce montant de 10 000€ sur votre compte courant, votre DAV (dépôt à vue), en contrepartie de la reconnaissance de dettes que vous lui signerez. En fait elle vous prête de l’argent maintenant, contre votre promesse de remboursement « plus tard ».

Q. Mais d’où sort cet argent ?


Votre banque, comme toute autre banque commerciale, dite à tort de dépôts, crée cet argent, à partir de rien, car elle anticipe que vous pourrez la rembourser, avec des intérêts bien sûr…

On peut dire, d’une certaine façon, que cette pratique correspond à une avance de trésorerie, que tout entrepreneur, commerçant ou artisan connaît bien. La banque ‘escompte’ – dans tous les sens du terme – que vous lui rembourserez ce prêt.

Q. Mais y a-t-il une limite à cette création monétaire ? Et quels sont les risques éventuels pris par la banque ?

Une banque doit avoir au moins, en monnaie centrale garantie par la banque centrale (Banque de France ou BCE), 2% de réserves ‘gelées’ à la banque centrale. Par ailleurs, elle est censée avoir en fonds ou capitaux propres, un certain pourcentage de son passif.

Deux risques peuvent se produire : tout d’abord un risque de liquidité, ou plutôt d’illiquidité, si chacun veut convertir en billets, en « argent liquide », le montant total de ses dépôts à vue.

Ce risque est lié au fait que l’on vous prête immédiatement de l’argent, que vous ne rembourserez que plus tard, voire beaucoup plus tard. Tant que vous vous contentez de faire des chèques (monnaie scripturale), qui circulent donc de compte en compte, d’une banque à une autre, il n’y a évidemment aucun problème, sauf entre les banques elles-mêmes, si certaines banques prêtent relativement plus que d’autres.

Mais si vous utilisez ‘trop’ de billets relativement à cette monnaie scripturale, votre banque va devoir se réapprovisionner auprès de la banque centrale, seule capable d’émettre des billets et de les mettre en circulation. Pour cela, elle va s’endetter elle aussi auprès de la banque centrale, en déposant en garantie soit ses propres obligations, ses propres « reconnaissances » de dettes, soit des garanties venant de ses propres clients.

Q. Et si la banque centrale refuse cette création monétaire ?

Votre banque va essayer de trouver ces liquidités auprès d‘une banque concurrente – marché interbancaire – ou sur le marché monétaire. Mais ce risque d’illiquidité est beaucoup moins grave, même s’il peut être ennuyeux, que le risque d’insolvabilité, qui, comme pour une entreprise normale, correspond au fait que trop de clients de la banque se trouvent dans l’impossibilité de rembourser leurs prêts.

Si une banque a prêté 100 milliards d’euros – dont éventuellement en achetant pour 10 milliards d’euros de dettes publiques (donc en ayant prêté 10 milliards à un état) – avec seulement 6 milliards de fonds propres, et si le 1/5 de ces prêts, soit 20 milliards, se retrouvent avec une valeur diminuée de moitié, la banque va devoir encaisser sur son bilan cette différence de valorisation de 10 milliards, et passer d’une situation nette de 6 milliards de fonds propres à une situation d’une perte nette de 4 milliards, donc en situation de faillite.

Q. Mais y a-t-il une solution, pour éviter ce scénario catastrophe ?

Oui, et de nombreux économistes, parmi les plus prestigieux, dont plusieurs prix Nobel, ont soutenu que la seule solution serait de revenir à une seule banque émettrice, cette banque ayant seule le privilège – à encadrer soigneusement – de créer de la monnaie. Cette seule banque émettrice serait la banque centrale de la zone monétaire considérée, la BCE si la zone s’étend à l’Europe des 27, ou des 17, la Banque de France si, pour diverses raisons, la zone monétaire considérée se réduit à la France. Les banques commerciales actuelles n’auraient plus comme fonction que celle de gérer au mieux l’argent déjà existant, que cet argent soit utilisé comme moyen de paiement ou placée en épargne.

Q. Et ce n’est pas déjà le cas ?

Hélas non. Près de 90% de l’argent actuellement en circulation est de l’argent qui a été émis – contre reconnaissances de dettes prenant diverses formes – par les banques commerciales. Avec cette banque unique d’émission, 100% de la monnaie devenant centrale, au lieu de moins de 10% actuels , le risque d’illiquidité n’existerait évidemment plus. Le risque d’insolvabilité, lui, serait diminué très fortement, et, de plus, n’aurait pas comme conséquence potentielle d’entraîner le système bancaire tout entier dans sa chute.

Q. Mais si c’est tellement efficace, pourquoi cela n’a-t-il jamais été expérimenté ?

Il est clair que ce sera moins rentable, mais beaucoup plus sûr, pour les banques commerciales, qui perdront ainsi de nombreuses possibilités de spéculer.

Par ailleurs, jusqu’à maintenant, de nombreuses banques se croyaient « trop grosses pour tomber » (too big to fall). Ainsi l’actif de la BNP est du même ordre de grandeur que le PIB de la France, les 2 plus grandes banques suisses ont un bilan global supérieur à 7 fois le PIB suisse. Mais l’exemple de Lehman Brothers et de Dexia va sûrement les inciter à réfléchir. Et la situation économique actuelle, avec des obligations souveraines (les dettes publiques) qui ont perdu entre le 1/3 et les 2/3 de leurs valeurs, va évidemment dans le sens d’une reprise en mains totale du système bancaire et financier.

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