La peur de sortie de l’Euro est-elle légitime?
La peur de sortie de l’Euro est-elle
légitime ?
Q. La plupart des
Européens semblent penser que la sortie de l’Euro serait néfaste. Ont-ils
raison ? Sinon, pourquoi le pensent-ils et peut-on les faire changer
d’avis ?
Les enquêtes d’opinion montrent effectivement, en
particulier dans les 4 plus importants pays industriels de la zone Euro, qu’il
n’y a guère que 25 à 30% de personnes qui souhaitent abandonner l’Euro en tant
que monnaie unique, même si je voudrais ajouter deux bémols à cette
constatation.
Q. Lesquels ?
Tout d’abord, lorsque l’on demande à un Français, un
Italien, un Allemand ou à un Espagnol, ce qu’ils en pensent, ils jugent à une
très forte majorité que si la sortie de l’Euro ne serait pas une bonne chose
pour eux, il faudrait pourtant « débarrasser » l’Euro-zone d’un
passager gênant, à savoir la Grèce. Par ailleurs, si vous demandez à quelqu’un
de vous expliquer la différence entre une monnaie unique – l’Euro actuel – et
une monnaie commune – telle que pouvait l’être l’ECU il y a 15 ans, il y a de
fortes chances qu’il ne puisse le faire.
Q. Pourriez-vous
préciser cette différence ?
En soi, toute monnaie qui est utilisée dans une zone
géographique donnée et qui est validée comme moyen de paiement exclusif, est une monnaie ‘unique’. Le
dollar, aux USA, est une monnaie unique, le franc suisse, en Suisse, est une monnaie unique. L’euro est,
pour le moment, une monnaie unique dans la zone euro.
Q. Pourquoi parle-t-on
alors d’une monnaie qui ne serait pas unique ?
C’est sans doute pour noyer le poisson. Une monnaie
nationale, comme le franc2012, ou comme le franc Pinay, celui d’avant 1999,
était, elle aussi, une monnaie unique (à ceci près que certains commerçants
acceptaient éventuellement d’être payés en une autre monnaie, le dollar ou,
dans les zones frontalières, en pesetas, en lires, en marks, en francs suisses
ou belges). Dans le cas de l’Euro, on insiste sur son côté « unique »
pour cacher peut être qu’il est une création
artificielle, que ses ‘prescripteurs’ ont voulu imposer à des pays qui
n’étaient prêts, ni économiquement, ni socialement, ni politiquement, à la
recevoir.
C’est un peu comme si les USA avaient voulu imposer le
dollar – c’est d’ailleurs ce qu’ils ont tenté de faire – à l’ensemble du
continent nord-américain, voire à l’ensemble des deux Amériques, et, au delà, à
l’ensemble du monde.
Q. Et quant est-il
d’une monnaie commune ?
Il y a plusieurs définitions ou conceptions possibles d’une
« monnaie commune ». Mais ce qui est important à savoir, c’est que la
première propriété d’une monnaie commune, c’est que … ce n’est pas une monnaie, au sens où elle ne peut être utilisée
directement pour des paiements. Une « monnaie commune »- qui n’est
donc pas une monnaie- est une unité de
compte, qui va permettre de comparer entre elles diverses monnaies
nationales. C’était le cas anciennement pour l’ECU (European Currency Unit),
qui permettait de comparer entre elles les valeurs du franc1998, de la
peseta1998, du mark1998, etc.
Q. Si je comprends
bien, une monnaie commune européenne permettrait de relier entre elles
différentes monnaies nationales européennes, afin de permettre plus facilement
des échanges internationaux dans la zone concernée.
C’est tout à fait cela. L’étendue de cette zone, et donc de
la validité géographique de cette nouvelle zone monétaire, dépendrait
évidemment du nombre et de la superficie des pays qui voudraient, ou devraient,
sortir de la zone euro actuelle, zone artificielle pour laquelle on a voulu forcer le passage d’une « unité de
compte » - l’Ecu ancien – à une monnaie (unique) l’euro2002.
C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré explicitement un chantre du
mondialisme, c'est-à-dire du « nouvel ordre européen », puis mondial,
à savoir Jacques Attali, qui avouait sans fausse honte, en janvier 2011, que
les instigateurs du traité de Maastricht et de l’établissement de l’Euro
avaient tout fait pour que « sortir
de l’Euro ne soit pas possible [… ] puisque l’on a soigneusement oublié
d’écrire […dans le traité européen] l’article qui permet de sortir [de l’Euro] »
tout en précisant (ingénument ou sans aucune vergogne) « ce n’est peut être pas très démocratique … ».
Q. Mais même si cela
est, est-il encore possible de sortir, sans trop de dégâts, de cette zone euro,
surtout si vous dites que ses inspirateurs semblent avoir voulu rendre cela
impossible ?
C’est impossible si l'on ne remet pas en cause ces traités,
certes, mais une nation souveraine peut toujours rompre, en cas de force
majeure, un traité. L’histoire est remplie de tels cas. Les traités de Maastricht
ou de Lisbonne ne sont ni plus, ni moins, sacrés que d’autres. Ce que le peuple
a fait – même si, dans le cas du traité de Lisbonne on peut discuter de cette
volonté populaire – le peuple peut aussi le défaire. Faut-il encore qu’il soit
consulté. Un traité est un acte fondamentalement politique et lorsqu’il
concerne les conditions de vie, économiques, sociales, morales de toute une
nation, il est inimaginable que cette nation ne soit pas clairement consultée.
Q. Pour vous, ce
devrait donc être le cas pour l’Euro ?
Tout à fait, d’autant plus que derrière cette souveraineté
monétaire, ou son abandon, il y a de façon plus globale toute la question de la
souveraineté d’une nation toute entière. Les Français veulent-ils, ou non, du
fédéralisme qui s’imposera si la France n’a plus son mot à dire en matière de
politique monétaire, budgétaire, fiscale, sociale? Que l’on soit, ou non, pour
le fédéralisme, on ne peut l’imposer en catimini.
Q. Revenons, si vous
le voulez bien, à cette méfiance des Français envers une sortie de
l’Euro ? Pouvez-vous la justifier ?
L’Euro n’était pas nécessairement une mauvaise idée en soi,
si ce n’est que les hypothèses techniques sur lesquelles elle pouvait être
bâtie n’étaient pas les bonnes. Il n’existe pas dans l’histoire de cas d’unions
monétaires qui aient pu s’imposer durablement à des pays différant à la fois
sur les plans économique, social, culturel et linguistique.
C’est un peu comme si l’on voulait imposer les mêmes normes
à une copropriété de 11 ou 12 maisons (17 maintenant) différant tant par la
qualité de leur construction, leur exposition, leur superficie, leurs mœurs, la
taille de leur jardin, la composition de leur famille et de leurs locataires,
tout en décidant qu’à la fin des fins, le prix au m2 devrait être le même.
C’est exactement ce qui se passe pour l’Euro, l’Euro
allemand n’a pas la même valeur que l’Euro grec ou espagnol, au sens où,
derrière le même signe monétaire, il n’y a pas la même puissance industrielle
et commerciale.
Q. L’Allemagne a
pourtant bien réussi sa réunification, avec la même monnaie, le mark ?
Oui, mais dans un contexte fort différent : la même
langue et l’acceptation par l’Allemagne de l’Ouest d’aider l’Allemagne de l’Est
à rattraper son retard, évalué à plus de 40%. Et c’est ce que l’Allemagne
d’Angela Merkel refuse de faire pour les pays en difficulté de la zone Euro.
L’Allemagne ne veut pas – le pourrait-elle d’ailleurs – payer pour la Grèce, le
Portugal, l’Italie, et peut être un jour pour la France. C’est un peu comme si
l’on demandait, dans une même copropriété, à ce que le propriétaire le plus
riche – que cette richesse soit méritée ou non – et le plus soigneux paie
toutes les dépenses des autres, afin que l’ensemble des maisons, quelque soit
le comportement de leurs propriétaires et de leurs locataires, soit dans le
même état.
Q. Même si le
propriétaire « le plus riche » imposait ses propres règles de bonne
conduite ?
Ce serait effectivement l’une des deux solutions possible
pour « sauver l’Euro ». Soit l’Allemagne peut imposer sa vision d’une
bonne gouvernance économique, sociale et politique, soit c’est le gérant
européen de la copropriété, disons la commission européenne de Bruxelles, qui
peut l’imposer, c’est bien cela le super-fédéralisme rêvé par Attali et
beaucoup d’autres européistes ou mondialistes.
Q. Je suppose que vous
ne voulez pas de cette solution. Ce ne serait peut être pas une si mauvaise
chose ?
Je crois que personne, et même pas l’Allemagne, ne veut de
la première solution, l’hégémonie allemande. Quand à la deuxième solution, je
la rejette sur le plan politique et je la condamne sur le plan économique.
Q. Pouvez-vous nous
expliquer cela ?
Sur le plan politique, la moindre des choses serait, je l’ai
déjà dit, qu’on demande aux populations concernées leur avis, ce que l’on
s’obstine à ne pas faire depuis le traité de Maastricht, dont la plupart des
conséquences ont été soigneusement cachées aux Européens.
Q. Et sur le plan
économique ?
Toute l’histoire de la zone euro montre que cette
« co-propriété » ne fonctionne pas. La zone euro est la zone qui a
connu la plus faible croissance au cours des 10 dernières années, c’est celle
dans laquelle le chômage s’est le plus accru, et c’est enfin la zone qui semble
la plus promise à une cure d’austérité la plus longue et la plus profonde qui
va nous rappeler, hélas, la grande crise de 1929 et toutes ses conséquences.
Q. Mais si ce que vous
dites est vrai, pourquoi nos compatriotes n’en prennent-ils pas
conscience ? C’est d’ailleurs aussi le cas dans les autres pays.
Seraient-ils stupides ?
Stupides, sûrement pas. Mal informés, voire manipulés, sans
aucun doute.
Q. Manipulés, par
qui ?
Par ceux qui ont tout intérêt à ce que le système continue.
Là encore, il faut chercher à qui le crime – si on peut l’appeler ainsi –
profite. Marx, dans son analyse des débuts du capitalisme, avait mis en exergue
les conflits d’intérêt – qu’il appelait lutte des classes – entre capitalistes
et prolétaires, entre les détenteurs des moyens de production et les
‘travailleurs’.
La situation, si elle a grandement évolué, s’est transformée
en une autre lutte, beaucoup plus insidieuse et pernicieuse, celle de la caste
financière contre la sphère productive, l’économie financière contre l’économie
réelle. Le véritable conflit n’oppose pas, ou plus, les entrepreneurs aux
salariés, mais les financiers aux « productifs », que ces
« productifs » soient patrons de PME ou simples salariés. La vraie
cassure est là, dans cette financiarisation rampante de l’économie, favorisée
par cette confusion, parfois cette concussion, entre le monde banco-financier
et nos élites, issues souvent des mêmes grandes écoles ou universités.
Q. Je ne nie pas cette
financiarisation de l’économie, mais en quoi la sortie de l’Euro
apporterait-elle une solution à ce véritable problème, celui d’un
enrichissement des financiers au détriment de l’économie réelle et des
véritables producteurs ?
Au-delà de la sortie de l’Euro, il faudrait que tout Etat
souverain reprenne en main ses propres capacités de création monétaire. Ce ne
devrait plus être aux banques, dites de second rang, de décider de remettre, ou
non, dans le circuit économique des quantités plus ou moins importantes de
monnaie par de simple jeux d’écriture.
Q. En d’autres termes,
vous voulez aussi remettre en cause la loi de 1973, dite loi
Pompidou-Giscard ?
Je pense qu’il faut aller bien au-delà et accompagner la
sortie de l’euro d’une profonde réforme monétaire, consistant à interdire aux
banques autres que la banque centrale d’émettre la moindre monnaie. C’est cette
cohérence supplémentaire qui a peut être manqué aux tenants de la sortie de
l’Euro, et qui fait que la question des dettes publiques continue d’être agitée
comme un épouvantail devant tous ceux qui pourraient éventuellement la
promouvoir ou même la désirer.
Q. Que voulez-vous dire
par là?
Dans le contexte actuel, celui d’une union monétaire
renforcée, chacun sait, ou devrait savoir, que seule une toute petite partie
des dettes publiques pourra être remboursée. Mais nos « élites »,
notre hyper-classe, continuent à agiter cette menace de défaut comme épée de
Damoclès pour inciter les « indignés » et les exclus à rentrer dans
le rang, et à accepter les politiques d’austérité qu'ils sont en train de se
mettre en place un peu partout en zone Euro.
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Q. Et quant est-il d’une monnaie commune ?
RépondreSupprimer-->
Q. Et qu'en est-il d’une monnaie commune ?
En zone euro, la dette publique de plusieurs Etats atteint des sommes inimaginables.
RépondreSupprimerEn zone euro, la dette publique de plusieurs Etats est devenue hors de contrôle.
Plus personne ne contrôle quoi que ce soit.
1- Médaille d'or : dette publique de la Grèce : 300,807 milliards d'euros, soit 150,3 % du PIB.
2- Médaille d'argent : dette publique de l'Italie : 1982,239 milliards d'euros, soit 126,1 % du PIB.
3- Médaille de bronze : dette publique du Portugal : 198,136 milliards d'euros, soit 117,5 % du PIB.
4- Dette publique de l'Irlande : 179,718 milliards d'euros, soit 111,5 % du PIB.
5- Dette publique de la Belgique : 382,922 milliards d'euros, soit 102,5 % du PIB.
6- Dette publique de la France : 1832,599 milliards d'euros, soit 91 % du PIB.
7- Dette publique de Chypre : 14,939 milliards d'euros, soit 83,3 % du PIB.
8- Dette publique de l'Allemagne : 2169,354 milliards d'euros, soit 82,8 % du PIB.
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-24102012-AP/FR/2-24102012-AP-FR.PDF