Le Grand déclassement de la France, mais non, voyons.
Le grand déclassement de la France, encore une fakenews ?
(B. L., 11 novembre 2022)
D’après
Eurostat, en prenant comme critère le pouvoir d’achat par habitant (et si on
oublie les deux ou trois millions de clandestins qui ne figurent pas dans le
recensement officiel) , la France serait dixième sur 27 dans l’Union
Européenne, et sous la moyenne des 17 pays de la zone euro.
Il y a
certes des pays de la zone euro qui font bien moins bien encore, ne fut-ce que
l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou la Grèce. Mais si on se limite aux pays
fondateurs du marché commun, nous sommes largement dépassés par l’Allemagne,
les Pays-Bas, le Luxembourg, et même la Belgique. Il est vrai que ce « petit
pays », a un niveau de vie supérieur de près de 20% à celui de la « grande
France », tout en ayant un solde commercial très bénéficiaire,
contrairement à la France dont le déficit commercial s’accroît d’année en
année. Quelle déchéance.
Il faut dire
aussi que les pays du nord de la zone euro n’ont pas l’immense chance d’avoir à
leur tête un prétendu « Mozart de la Finance », ni un ministre de l’économie
qui prétendait mettre à genoux l’économie russe. C’est ainsi que la France se
retrouve avec une dette de 3000 milliards, qui a augmenté de 600
milliards, une paille, en moins de 2 ans, et un déficit commercial de 150
milliards, en partie lié aux décisions désastreuses prises en matière
énergétique (fermeture ou mauvais entretien de centrales nucléaires, achat de
gaz aux USA à 4 fois le prix du gaz russe).
L’Irlande, dont
le PIB est 7 fois inférieur à celui de la France, a un bénéfice commercial de l’ordre
de 14% de son PIB. Ce pays est, de plus, relativement peu endetté, sa dette
publique ne représentant que 60% de son PIB, contre 113 à 114% de son PIB pour
la France. Sans vouloir enfoncer le clou, la banque centrale d’Irlande pourrait
racheter aisément l’ensemble des dettes « Target2 » que la Banque
de France doit aux autres banques centrales de la zone euro, dettes ou ‘liabilities’
qui représentent pour la banque de France, suivant les mois, entre 80 et 100
milliards d’euros.
Un autre pays, qui fait partie de l’Union Européenne dès ses débuts, puisqu’elle a même participé à son ébauche en tant que « Marché Commun », à savoir les Pays-Bas, s’en sort lui aussi fort bien, que ce soit au niveau financier, ses crédits Target 2 étant, en positif, l’équivalent des dettes T2, en négatif, de la France, en dépit d’un petit problème fin 2021, période pour laquelle la France était encore, elle, en positif.
Passons
maintenant au cas de l’Allemagne, que certains experts prédisaient en perdition.
Il est vrai que ses échanges commerciaux avec la Chine s’effectuent maintenant essentiellement
dans un sens, de la Chine vers l’Allemagne. Mais cela n’empêche pas sa banque
centrale d’avoir des « crédits Target 2 » de l’ordre de 1267
milliards d’euros, qui pourraient compenser, suivant les mois, entre 12
à 15 fois les « déficits Target 2 » de la France (et racheter les
déficits cumulés de l’Espagne et de l’Italie, et peut être même ceux de la
Gtèce)
On comprend pourquoi le désir d’Emmanuel Macron de croire à la fiction du couple Franco-Allemand est déraisonnable. L’Allemagne n’y a aucun intérêt, et ce d’autant plus que le rôle diplomatique de la France est lui aussi en train de s’effondrer, et que même militairement la France est en déclin, alors que l’Allemagne songe à se réarmer.
Mais de « petits
pays » s’en sortent pourtant fort bien. Nous avons déjà parlé de l’Irlande,
qui n’est pas qu’un « paradis fiscal », vu l’état très positif de sa
balance commerciale, et nous ne reviendrons pas non plus sur le cas des
Pays-Bas, l’un des six pays fondateurs du Marché commun, grand pays exportateur
puisqu’il exportait en 2021 l’équivalent de 83% de sa production, pour n’en
importer ‘que’ 75% (à comparer aux ‘misérables’ 20% de la France).
Nous aurions
pu aussi parler de la Finlande, assez atypique pour sa part, puisqu’elle n’a
pas un commerce spécialement florissant, mais qui semble particulièrement bien
gérée, avec une dette publique qui dépasse à peine 70% de son PIB, en dépit
de l’excellence reconnue de son système éducatif.
Le cas du Luxembourg
vaut lui aussi la peine d’être étudié. Ce pays, de la taille de la moitié d’un
de nos départements, a un commerce international assez faible, lourdement déficitaire.
Il est vrai que si l’on s’intéresse à sa balance des paiements, il en va tout
autrement, ce qui lui permet d’avoir des soldes Target 2 largement positifs,
de la taille de cinq fois son PIB, ce qui e fait un champion toutes
catégories, même vis-à-vis du mastodonte allemand qui, lui, ne pourrait acheter
‘que’ la moitié de son propre PIB.
Il est aussi
intéressant de savoir qu’en dépit du fait que, par habitant, le Luxembourg dépense
deux fois plus que la France en matière de santé et d’éducation, le ratio de
ses dépenses publiques, en 2021, n’atteignait que 43% de son PIB (il est vrai
plus de 3 fois et demie celui de la France, par habitant), avec un taux de chômage
deux fois inférieur.
Terminons
cependant ce billet en parlant de deux pays, grands par leur superficie et leur
histoire, mais qui font moins bien encore que la France. Il y a d’abord l’Espagne,
avec 118% de dettes publiques relativement à son PIB, ses 501 milliards de
dettes Target 2, et, maintenant, un déficit commercial de 31 milliards pour
2021.
L’Italie est
un cas encore plus étrange, en dépit du fait, ou peut être à cause du fait, qu’il
a été récemment dirigé par un autre génie de la Finance, l’ancien président de
la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi. L’Italie a une dette publique de
15% relativement à son PIB, 715 milliards de « dettes T2 », malgré un
solde commercial positif, et un réseau industriel encore relativement solide.
Il est vrai que son système bancaire semble à bout de souffle, et certains
experts semblent dire que le travail non déclaré représenterait une part
importante de la production italienne.
Pour en
revenir à l’état général de l’Union Européenne, et plus spécifiquement à l’état
de la Zone Euro, il est difficile de ne pas penser, vu les déséquilibres
actuels tels qu’on pourrait éventuellement les synthétiser par l’état de leurs
diverses banques centrales traduit partiellement par leurs soldes Target2, que
le système euro repose sur un miracle financier permanent, et que tout est prêt
pour une explosion, ou une implosion, dévastatrice. Les déséquilibres financiers
n’ont jamais été aussi importants. Il suffirait qu’une des banques centrales
les plus importantes, celle de l’Italie, de la France, voire de l’Allemagne, se
retire du ‘système’, en reprenant sa liberté, pour qu’il n’y ait plus de système
bancaire européen.
Et, comme je
l’ai dans un autre billet, Renationalisons la banque de France c’est sans doute la France qui est la mieux
placée ‘théoriquement’ pour le faire, même si, sur le plan politique, cela
semble plus que douteux, Emmanuel Macron étant sans doute prêt à sacrifier la France
pour son rêve d’Europe.
Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC, ancien responsable R&D d’IBM Conseil, essayiste et consultant Ce que tout politique doit savoir en économie
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