PIB_Pour_Les_Nuls
Le P.I.B. pour les nuls … Ne dites pas à ma mère que je suis
économiste, elle me croit sérieux.
Bruno Lemaire, Club
Idées Nation.
Q. Cette croissance
surprise, vous y croyez ?
Je crois aux chiffres, mais je me méfie de leur
interprétation.
Q. Ce qui veut dire ?
Le PIB est assez simple à définir, un peu moins à
comprendre. Je vais quand même essayer.
Le PIB est censé mesurer la différence entre la production, et ce qui est utilisé, ou « consommé
productivement » dans la dite production.
Q. Un ou deux exemples
peut-être ?
Un premier exemple, celui d’un commerçant : il achète
un tissu 100 euros, et le revend 120
euros. Sa « valeur ajoutée », qui va faire partie de ce fameux « PIB »,
sera donc de 20 euros.
Q ; Et s’il n’arrive
pas à revendre ce tissu ?
Hum, ne compliquez pas. Disons que dans ce cas, son stock
sera valorisé à quelque chose entre 100 et 120 euros, suivant son optimisme et
les conditions du marché.
Q. si je comprends
bien, le PIB est mesuré de façon élastique, comme les stères des marchands de
bois ?
On pourrait presque dire cela. En principe, cependant, les erreurs
se compensent statistiquement, et dans une situation normale, sans mévente ou
survente particulière, l’INSEE, qui est chargée pour la France de mesurer tout
cela, ne fait pas trop d’erreurs, disons à 0,4 ou 0,5% près.
Q. Si je comprends bien,
la marge d’erreur ne permettrait pas
d'évaluer réellement l’évolution du PIB.
Pas exactement : sur une assez longue période, disons
15 à 20 mois, l’évolution moyenne du PIB
signifie réellement quelque chose, mais, bien entendu les mesures sont
toujours « ex post », après un
délai de quelques mois. Si on regarde l’évolution du PIB depuis 2007, la
tendance est assez facile à évaluer, le PIB, hélas, est resté stationnaire, en
dépit de fortes fluctuations pouvant aller jusqu’à 3%.
Mais le chiffre d’un
mois particulier est beaucoup plus sujet à caution, et demande, de toute façon,
un peu de temps pour être validé. Le PIB de janvier 2013 pourra être évalué à
peu près correctement 6 ou 7 mois après, disons en août 2013, mais même dans
ce cas la question des stocks « normaux » ou des stocks « invendus »
peut poser problème.
Q. Si ces « invendus »
finissent par être vendus, cela modifiera donc le PIB ?
Oui et non. Si ces stocks avaient été évalués à leur prix
futur de vente, il n’y aura pas de modification. Mais s’ils ont été surévalués
(et s’ils donnent lieu à des soldes) ou si, à l’inverse, ils ont été
sous-évalués, il faudra corriger le PIB à la baisse ou à la hausse.
Q. Vous nous aviez annoncé
un autre exemple, qui ne soit pas celui d’un commerce.
Q. Si je comprends
bien, ce n’est qu’après la vente
effective, et non au moment de la production, ou de la mise sur le marché,
que l’on connaîtra vraiment la valeur exacte du PIB.
Effectivement, on peut dire cela. Heureusement, il y a une
certaine « inertie » dans les comportements d’achat des ménages et
des entreprises. Si le climat des affaires ne change pas, les statistiques
permettant de calculer le PIB sont relativement valables, et il n’y a pas de
raison de d’en méfier particulièrement.
Q. si je résume votre
position, dans un contexte « normal », c’est-à-dire relativement
stable, les données permettant d’évaluer le PIB sont valables. Mais que se passe-t-il
si le contexte est fluctuant ?
C’est dans ce cas-là qu’il faut se méfier, et faire appel à
d’autres indicateurs, certains quantitatifs, d’autres qualitatifs.
Parmi les indicateurs quantitatifs, il y a l’évolution de la
population active, l’évolution du pouvoir d’achat – que l’on peut approcher
partiellement par la consommation des ménages, en tenant compte d’une
éventuelle hausse de prix ou de conditions extra-économiques comme le climat ou
la situation internationale – l’évolution du nombre de créations d’entreprises
ou de faillites, etc.
Q. Et parmi les
indicateurs qualitatifs ?
Il peut y avoir des enquêtes d’opinion, sur l’indice de
satisfaction des consommateurs, sur leur éventuel optimisme, sur celui des
industriels, etc. Mais toutes ces enquêtes ne sont pas indépendantes les unes
des autres, cette opinion fluctuante et volatile fait d’ailleurs partie de ce que
Keynes qualifiait d’esprits animaux. La confiance, qui ne se décrète pas,
hélas, peut avoir des répercussions sur l’état général de l’économie, et inversement.
Q. De bonnes
statistiques, qu’elles soient ou non quelque peu ‘manipulées’ pourraient donc avoir un impact
favorable sur l’optimisme des ménages, et, inversement, ce surplus d’optimisme
pourrait avoir un effet sur l’état de l’économie ?
Effectivement, mais faudrait-il encore que les statistiques
annoncées soient à peu près crédibles. Sinon le remède peut être pire que le
mal.
Par ailleurs, que les chiffres du PIB soient à un moment
donné plus ou moins « optimistes », voire « bidonnés », ou
non, je voudrais revenir sur un point
essentiel, à savoir que la croissance du PIB n’est pas toujours une bonne chose ?
Q. Comment cela ?
Seriez-vous un adepte de la décroissance chère à certains écologistes ?
Pas vraiment. Mais en résumant une définition possible du
PIB, qui fait du PIB la somme de l‘Investissement
Brut (appelé aussi Formation Brute de Capital Fixe) plus de la variation des Stocks, plus de la Consommation finale, à laquelle il faut
ajouter les Exportations, et
retrancher les Importations, je vais maintenant vous poser, et poser au lecteur,
trois questions , en partant d’un niveau donné du PIB, par exemple 2 000
milliards d’euros.
a) Supposons
que, par rapport à ce niveau, sans que rien d'autre ne bouge, les importations
diminuent, par exemple de 30 milliards: qu'arrive t-il à notre PIB?
b) Autre scénario, à
partir des même hypothèses de départ, nous prêtons 40 milliards aux grecs pour
qu'ils achètent français: qu'arrive t-il à notre PIB?
c) Troisième scénario:
cette fois-ci, nos industriels produisent davantage, pour 40 milliards de prix "publics" (espérés) - en consommant pour cela 15 milliards de ressources supplémentaires, mais sans vendre plus, ce
qui correspond à une augmentation du PIB. Est-ce une bonne chose ?
Q. Et quelles sont vos
réponses ?
Posez-les à notre ministre de l’économie, ce peut être amusant, et
instructif, de voir ses réactions …
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