Rééquilibrer notre commerce extérieur


par Bruno Lemaire (extrait actualisé de « Une Monnaie Pour La France »)

Pour une TVA à géométrie variable !


On parle de plus en plus, la crise actuelle aidant, de mesures protectionnistes, de localisme, de coup de pouce au pouvoir d’achat, mais cela paraît plus facile à dire. Dans un autre papier j’ai parlé de monnaie complémentaire, spécifique, qui ne pourrait acheter que des produits locaux. Mais il y a peut être plus simple encore.
Q. A savoir ?
On peut jouer sur la TVA, et traiter différemment les produits fabriqués localement et les produits importés
Q. Que voulez- vous dire ?
Comme vous le savez, les entreprises récupèrent, sous certaines conditions, la TVA qu’elles payent sur les marchandises ou services – les consommations intermédiaires - qu’elles utilisent pour leur propre production.
Q. Oui, et alors ?
Pourquoi ne pas proposer que sur une TVA de 20, les producteurs locaux continuent à la récupérer en totalité, alors que les importateurs, eux, ne pourraient en récupérer qu’une partie.
Q. Pourriez-vous me donner un exemple ?
C’est facile. Prenons une TVA à 20 %, pour simplifier les calculs. Supposons qu’un lot de textile produit en France soit vendu hors taxe à 100, ce qui ferait 120 en TTC. L’entreprise française récupère 20.
Q. Ok, et alors ?
Maintenant, supposons qu’un importateur d’un tissu analogue, mais fabriqué en Chine, amène sur le marché son produit qui aurait un prix de vente HT de 85, et donc un prix de vente de 102 (85 plus 17). Cet importateur va pousser les producteurs français à essayer de s’aligner, et donc à vendre TTC à 102. Et rien ne dit que l’entreprise française concernée pourra continuer à produire, si sa marge est ainsi diminuée de 18. Il est même fort probable que sa marge soit déjà négative.
Q. Oui, ce n’est pas nouveau, hélas… Où voulez-vous en venir ?
J’en viens à la récupération de la TVA. Pour égaliser les chances du producteur français et de l’importateur, on pourrait déjà décider que l’importateur, au lieu de récupérer 20 % de son prix HT (c’est-à-dire 17) n’en récupère que 2, ce qui correspondrait, pour lui à un coût de 100 – comme celui du producteur local.
Q. Et si ce coût, ou ce prix, de 100 était déjà rentable pour l’importateur ?
Cela peut arriver, mais n’oublions pas que si les coûts salariaux représentent une bonne part du prix de revient, il faut aussi prendre en compte les coûts de transport. Quoi qu’il en soit, on peut aller plus loin encore.
Q. Comment ? Vous n’allez quand même pas jusqu’à suggérer une « récupération négative » ?
Pourquoi pas ? Bravo en tout cas pour cette expression. On a parlé de « croissance négative », « d’impôts négatifs », pourquoi pas une « récupération négative » de la TVA, si on est obligé d’en arriver là. Cette non récupération, voire cette récupération négative, aurait d’ailleurs un autre avantage que celui de rendre plus compétitifs les produits « made in France ».
Q. Ah oui, et quel serait cet avantage ?
Celui de regarnir les caisses de l’état de plusieurs milliards, voire d’une ou deux dizaines de milliards d’euros, vu l’importance actuelle des importations françaises venant des pays asiatiques.
Q. Et en dehors des innovations que vous suggérez à propos de l’une récupération ‘différentielle’ suivant la nature des entreprises, exportatrices ou importatrices ?
D’autres innovations sont possibles, comme un marché, gré à gré ou ouvert, sur ce que l’on pourrait appeler des « droits à importer », un peu sur le modèle des « droits à polluer » ou de « droits carbone », mais nous sommes bien loin ici des pensées de M. Allais, et sans doute encore plus loin de ce que les traités européens, en l’état de leur rédaction, nous permettrait de faire.

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