La Fin du "quoi qu'il en coûte"! Qui va payer, et quand?

 

La date de la fin du « quoi qu’il en coûte » peut interroger.

L’étude, pas toujours passionnante mais toujours instructive, de l’évolution des bilans de la Banque de France  révèle des coïncidences de dates sur lesquelles certains esprits chagrins pourraient s’interroger.

Après les 800 milliards ( 797.7 exactement) de hausse de son bilan, en 2020, soit une augmentation relative de 52%, associée à une augmentation des réserves bancaires de 84% (448 milliards), l’émission d’argent magique s’est fortement ralentie en 2021. C’est ainsi que la monnaie centrale, c’est-à-dire la base monétaire, directement gérée par la Banque de France, notée M0, a moins progressé en 2021, pour atteindre « seulement » 1476.1 milliards fin 2021, contre 1250.5 milliards fin 2020 (et 775 milliards fin 2019)

Les réserves des banques, elles, ont aussi continué à augmenter, moins vite elles aussi, en augmentant de décembre 2020 à décembre 2021 de 205 milliards. Le « narratif » de la gestion du COVID ne marchait sans doute plus aussi bien, et l’augmentation des dettes publiques devait peut être commencer à préoccuper, enfin, l’exécutif, mais la masse monétaire avait quand même déjà augmenté, en deux ans,  de près de 90%.

Assez curieusement, cependant, il a fallu attendre le mois de mai 2022, c’est-à-dire le début du deuxième mandat du président Macron, pour que le bilan de la Banque de France commence à se stabiliser, au niveau record, fin avril 2022, de 2064.4 milliards d’euros : une augmentation de 80% depuis décembre 2019. Cette hausse du bilan de la Banque de France, associée à une hausse sans précédent de la masse monétaire, est la première cause, et de loin la plus important, de la hausse des prix himalayenne actuelle, que l’on s’efforce de camoufler ou de mettre sur le compte de la guerre en Ukraine.

Soyons justes, cependant. Depuis le mois de mai 2022, la Banque de France a fait de gros efforts pour présenter un bilan plus convenable, en s’efforçant de réduire le niveau qu’avait atteint le niveau de la monnaie centrale, ce que les spécialistes appellent M0.

C’est ainsi que les réserves des banques, longtemps stationnaires autour du niveau record atteint en mai 2022 de près de 1200 milliards , et qui n’avaient diminué que de 44.7 milliards (à peine 3.7%) sept mois plus tard, en mai 2023, ont fortement décroché en février 2023, pour ne plus valoir que 1100.8 milliards. Et le mois de mars fut pire encore, sur ce plan-là, puisque les réserves bancaires ne sont plus que de 1027.6 milliards, soit une chute de 6.65% en un seul mois. Certains banquiers doivent commencer à s’interroger, surtout après la faillite de 3 ou 4 importantes banques régionales aux Etats Unis.

En dépit de ces efforts réels au cours de ces derniers mois, la situation de la Banque de France relative au Système Européen De Banques Centrales (SEBC) ne s’est pourtant pas non plus franchement  améliorée. De fait, ses « soldes TARGET2 », qui représentent ce que devrait payer la Banque de France si elle souhaitait régler ses comptes vis-à-vis des autres banques de la zone euro, sont passés en trois mois, entre décembre 2022 et mars 2023, d’un solde négatif (ou « liabilities Target 2 ») de 14.5 milliards à un solde plus négatif encore de 30.8 milliards (cf. tableau ci-dessous)


Le seul point positif, sur le plan financier, de ces premiers 10 mois du nouveau mandat d’E. Macron, est peut-être dans le fait que la masse monétaire a effectivement diminué de 180 milliards, après son plus haut atteint fin mai 2022, juste après les élections présidentielles. Cela fait quand même 70% de hausse depuis décembre 2019, pour une production qui n’a pour ainsi dire pas évolué, et avec une consommation intérieure qui a conduit à un déficit commercial, lui aussi record, de 164 milliards d’euros. On aurait pu attendre mieux de la part d’un Mozart de la Finance. Peut être attendait-il son deuxième mandat pour mériter ce titre ?

Bruno Lemaire, économiste et essayiste, le 10 mai 2023

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