Pour un protectionnisme moderne

Bonjour Professeur.

Bonjour

Q : Face aux délocalisations, à la désindustrialisation de la France, au déficit croissant de sa balance commerciale, on parle beaucoup de nos jours de protectionnisme. Est-ce vraiment raisonnable ?

Ce que l’on peut d’ores et déjà dire, c’est qu’il serait déraisonnable de ne pas se pencher sur la question du déficit de la balance commerciale de la France.

Q : Et des délocalisations ?

Les deux questions sont liées.

Q : Que voulez vous dire ?

Samir Amin, économiste ‘tiers-mondiste’ avait repris, il y a une trentaine d’années, les thèses de Marx – et d’une certaine façon, de Ricardo – pour parler d’échange inégal. A l’époque c’était pour soutenir la thèse d’un pillage des nations du Sud, dont l’Egypte, par les nations du Nord.

Q : Oui, et alors ?

Que ses arguments aient été en partie idéologiques n’enlève rien à l’affaire. Que ce soit par l’intermédiaire indirect de ses entreprises, ou par tout autre moyen, dans le concert des nations, les nations ou les entreprises qui se sentent plus fortes que les autres ont tendance à en abuser, et à faire en sorte que les échanges soient ‘inégaux’. Il est sans doute irréaliste de supprimer complètement ces échanges inégaux, mais il est indispensable de mettre en place des régulations pour diminuer fortement ce type d’échanges.

Q : Qu’appelez vous « échange inégal »

Le premier exemple, macroéconomique, correspond justement au déficit de la balance commerciale de la France. La France exporte moins de biens et services qu’elle n’en importe. Voilà un premier exemple.

Q : On peut dire que c’est parce que les français ne travaillent pas bien, et/ou que l’extérieur travaille mieux ?

C’est une explication, ce n’est pas la seule. Les conditions de travail ne sont peut être pas les mêmes.

Q : Que voulez-vous dire ?

Si vous payez un ouvrier français dix fois moins qu’un ouvrier chinois, à compétences égales, il est sûr que le produit chinois reviendra moins cher qu’un produit français. Par ailleurs, le scandale récent de l’héparine – médicament anti-coagulant dont le principe actif provient presque uniquement de l’élevage porcin chinois – montre que les conditions de qualité et de sécurité n’y sont sûrement pas au même niveau.

Q : Sans doute, mais que pouvons-nous y faire ?


Nous y reviendrons. Je voudrais maintenant prendre un deuxième exemple d’échange inégal.

Q : Oui ?

Un autre échange inégal, qui croît en importance, est celui entre la sphère financière et la sphère ‘réelle’, entre les bonus des grands patrons et les salaires des ouvriers à la chaîne.

Q : seriez vous pour que la rémunération de chacun soit identique ?

Evidemment non. Mais certains bonus sont scandaleux, en particulier ceux des dirigeants des grandes banques. Et il est scandaleux aussi que certaines grandes entreprises distribuent des dividendes énormes tout en bloquant les salaires de leurs collaborateurs.

Q : N’est-il pas normal que les patrons qui réussissent en soient récompensés?

Oui, dans certaines mesures, et si, lorsqu’ils échouent, ils en payent aussi les conséquences. Mais leurs collaborateurs, ingénieurs, cadres, et simples employés devraient aussi être récompensés, lorsque leur entreprise est compétitive. De plus, dans cette notion de ‘réussite’, un critère collectif, comme celui de faire travailler ‘localement’ – principe de subsidiarité ou préférence communautaire – plutôt qu’en délocalisant à outrance, pourrait être pris en compte.

Q : Vous n’avez pas peur qu’on vous accuse de populisme ?

Je ne dis, pour le moment, que des évidences, ou du simple bon sens, alors, les étiquettes qu’on pourrait me coller… Mais, rassurez vous, j’ai un autre exemple d’échange inégal qui va être moins ‘consensuel’.

Q : C’est-à-dire ?

On dit parfois que les dirigeants du CAC 40 ne sont pas spécialement opposés aux flux migratoires, parce qu’ils y trouvent leur compte.

Q : Que voulez vous dire ?

Les immigrés, surtout en situation illégale - sont des recrues de choix pour faire certaines tâches que les ‘nationaux’ n’ont pas envie de faire, soit parce que c’est trop pénible, soit parce que c’est mal payé, soit pour ces deux raisons simultanées.

Q : Peut-être, mais que voulez-vous y faire ? Interdire l’immigration illégale ?

Il y a bien plus simple, si on le veut vraiment. Il suffirait de punir très sévèrement – de la prison ferme par exemple (des amendes seraient sans grand effet) – tout patron qui aurait recours à des travailleurs ‘au noir’, et les sanctions pourraient être doublées dans le cas où ces travailleurs ‘surexploités’ seraient des travailleurs clandestins.

Q : Admettons que cette mesure soit efficace. Où est l’échange inégal dont vous parlez ?

Ce type de situation sous-tend deux types d’échanges inégaux. Il y a un échange inégal – dans lequel le patron exploite la faiblesse de l’immigré ou du travailleur précaire – pour le faire travailler dans des conditions anormales. Mais il y a aussi un échange inégal entre certains salariés – qui profitent d’une rente de situation – et d’autres salariés ‘surexploités’.

Q : Vous pouvez donner un exemple ?

Deux exemples : celui des grutiers du port de Marseille, ou celui des travailleurs du Livre, extrêmement bien payés par rapport à d’autres travailleurs, ayant les mêmes compétences, mais ne bénéficiant pas de tel ou tel avantage acquis, pour des raisons plus ou moins obscures. Face à la puissance des réseaux de nos ‘élites’ – qui peut conduire à des excès de toute sorte - certains réseaux ‘ouvriers’ ne manquent pas non plus de répondant. Ce n’est pas la lutte des classes, c’est plutôt la lutte des castes, qui tente de broyer tout ce qui s’oppose à elles.

Q : Vous n’allez pas vous faire que des amis. Mais, concrètement, si personne ne veut de certains de ces emplois, que faudrait-il faire ? Le travail au noir est peut être la moins mauvaise des solutions ?

Non, je ne crois pas. Si un travail ne trouve pas de volontaire, il n’y a que deux solutions.

Q : lesquelles ?

Augmenter la rémunération correspondante ou en diminuer la pénibilité, par exemple en utilisant plus d’équipements.

Q : Ou en délocalisant ?

A court terme, cela peut passer, dans certains cas, pour une solution. Mais ce ne peut être valable à plus long terme. Ce serait reculer pour mieux sauter.

Q : Après moi le déluge …

Tout à fait. Mais revenons, si vous le voulez bien, au déséquilibre entre deux nations, et plus particulièrement entre la France et l’extérieur. Là encore, même si certains déséquilibres sont naturels sur de courtes périodes, à plus long terme ce n’est pas tenable.

Q : Pourquoi pas ; si la France reçoit plus qu’elle ne donne, on pourrait peut être dire que cela lui est plutôt bénéfique ?

Vous auriez raison, si vous n’oubliez pas deux ‘petits’ détails.

Q : A savoir ?

Tout d’abord, ce que la France reçoit n’est pas gratuit : elle doit financer la différence entre le prix de ce qu’elle donne – c’est-à-dire qu’elle exporte – et ce qu’elle reçoit – c’est-à-dire importe.

Q : Et le deuxième point ?

Ce déficit commercial, en sus de devoir être financé, va conduire les entreprises à se spécialiser, en faisant contre mauvaise fortune bon cœur, sous la pression de l’étranger. Cela a été le cas de la sidérurgie, du textile, et c’est aussi une des causes aussi des délocalisations, et de la dés-industrialisation de l’économie française.

Q : C’est une autre façon de dire que les entreprises françaises veulent rester compétitives, et qu’elles doivent s’adapter ? Seriez-vous contre la compétition et la compétitivité des entreprises?

Si cela était le cas, je n’aurais pas enseigné pendant près de 40 ans à HEC. Mais la compétition n’a un sens que dans un contexte où les compétiteurs peuvent lutter à peu près à armes égales, ce qui n’est pas le cas. Maurice Allais – et bien d’autres – l’ont dit avant moi, et c’est aussi ce que nous dit le simple bon sens, si on le laisse s’exprimer sans l’enfermer dans la pensée unique d’une mondialisation sans vergogne et sans limites.

Q : Je ne vous savais pas alter-mondialiste. Mais si nous revenions à la question du financement du déficit commercial…


Les alter-mondialistes ne disent pas que des bêtises, en particulier quand ils ne se laissent pas dominer par leur idéologie. Je me contente pour ma part d’énoncer des faits, ceux que tout un chacun peut constater. La compétition actuelle est inégale, et il faut soit changer les règles pour rendre cette compétition plus égale – ce que je propose - soit refuser la compétition. La première méthode correspond à ce que l’on pourrait appeler un protectionnisme ‘raisonné’, la seconde approche – que je récuse – serait celle d’un protectionnisme archaïque, déraisonnable.
Mais venons-en au financement du déficit commercial.

Q : Oui, que proposez vous ?

Là encore, je vais peut être vous surprendre, mais c’est du simple bon sens. A force d’accumuler des dettes, pour financer ce déficit, vous allez aboutir à une situation inextricable. C’est un simple problème de comptabilité.

Q : Cela commence mal. Je déteste la comptabilité.


Alors, disons que c’est un problème de plomberie. Imaginons que la puissance industrielle de la France (en économie, on représente parfois cette puissance par le PIB) soit représentée par le contenu d’une baignoire, dont vous voulez conserver le niveau à la même hauteur. Il se trouve cependant qu’il y a une fuite, et que cette fuite corresponde à l’argent que la France – censée incarner les entreprises françaises - doit emprunter pour payer son déficit (60 milliards d’euros en 2010, pour un PIB de 1950 milliards). En combien de temps la baignoire France sera complètement vidée ?

Q : En 30 ou 35 ans. Cela nous laisse un peu de temps…

Oui et non, car non seulement ces fuites sont en train d’augmenter, mais la dette publique (la dette des finances publiques) de la France représente déjà 85% de son PIB. De plus, les débiteurs de la France ne vont peut être pas attendre 35 ans pour se faire payer, d’autant plus qu’avec les intérêts – et même si nous ‘oublions’ la dette publique - ce n’est pas en 35 ans que la baignoire sera vide, mais en 15 ou 20 ans, moins d’une génération donc.

Q : Mais que peut-on faire ?

Il n’y a que deux méthodes, dont une est plus ‘morale’, ou ‘éthique’ que l'autre.

Q : Quelles sont-elles ?

La méthode très peu éthique serait de récuser les dettes, et de refuser de payer.

Q : Cela n’inciterait pas d’éventuels futurs créanciers à se précipiter pour financer d’éventuels nouveaux déficits ...

Certes. C’est bien pour cela qu’à terme, une seule méthode s’impose : il faut colmater les fuites, c’est-à-dire réduire, puis annuler complètement, le déficit commercial. Ou, en terme ‘marin’, ou ‘fluvial’, il s’agit de réguler les flux de biens et services, de jouer sur ce que l’on pourrait appeler des écluses.

Q : Pouvez vous préciser?

Là encore, je vais peut être vous étonner, mais cette méthode correspond forcément, sous une forme à une autre, à du protectionnisme ‘raisonnable’ et ‘raisonné’, qui fait partie d’un mécanisme de régulation plus global. Il est en effet essentiel de construire, ou reconstruire, des règles permettant à une saine compétitivité de fonctionner, mais cette compétitivité ne doit pas s’appuyer sur des distorsions liées à des conditions sociales iniques, ou à des défauts de qualité flagrants – comme pour les médicaments, dont 2 à 3% sont toxiques, lorsqu’ils proviennent des pays à ‘bas coût’ comme le Brésil ou la Chine.

Q : 2 à 3%, ce ne semble pas énorme ? Il ne faut peut être pas abuser du principe de précaution ?

Pour certains médicaments, comme le paracétamol, 2% d’erreur, ce n’est pas bien grave. Pour des traitements de longue durée, pour lesquels le dosage doit être respecté à la lettre, ce peut être catastrophique, en particulier pour les problèmes rénaux, pulmonaires ou cardiaques.

Q : Admettons. Mais en quoi le protectionnisme que vous proposez serait-il raisonné, et non archaïque, même s'il apparaît nécessaire ?

Parce que le protectionnisme ‘raisonné’ que je propose n’est pas un protectionnisme aveugle de court terme, pour lequel on tenterait de freiner les importations et de favoriser les exportations – même si le rééquilibrage commercial peut et doit en être un des résultats - Il s’agit plus globalement d’inciter l’ensemble des entreprises françaises – et, au-delà, européennes - à jouer le jeu, celui d’une compétition aussi loyale que possible, à l’intérieur de règles à la fois précises et acceptables par tous.

Q : Quel jeu ?

Le jeu d’une certaine indépendance, à la fois financière et économique. On parle d’indépendance énergétique – même si les mesures annoncées par l’Allemagne sur le nucléaire et le renforcement des centrales thermiques ne vont pas dans ce sens – mais une indépendance économique est encore plus importante (et contient d’ailleurs cette indépendance énergétique).

Q : Comment voulez vous retrouver cette indépendance, alors que la France, par certains côtés, est redevenue une friche industrielle ?

Vous avez raison d’y faire référence. Comme vous le savez, en 25 ans, la France a perdu près de 2,5 millions de salariés dans l’industrie, puisque la part des travailleurs du secteur secondaire (le secteur 2 de Marx) dans l’économie française est passée de 24% à 16%.

Q : ce qui correspond à un rythme annuel d’environ 100 000 pertes d’emploi dans l’industrie ?

Oui, et le seul fait de stopper ce mouvement correspondrait déjà à 100 000 emplois sauvés annuellement. L’objectif de ré industrialisation de la France est donc vital.

Q : Et vous prétendez que c’est possible ?


C’est à la fois possible et nécessaire. Et c’est sûrement l’un des enjeux du prochain quinquennat de rendre ce qui est nécessaire, possible, à savoir la ré-industrialisation de la France, qui permettra aussi le rééquilibrage des échanges commerciaux de la France avec l’extérieur, à travers un protectionnisme moderne, qu’on l’appelle raisonné ou apaisé.

Q : Pouvez vous préciser ?

L’état a évidemment son rôle à jouer, mais les entreprises aussi : l’interaction des mesures étatiques et des décisions prises au sein des entreprises est essentielle. Je pense qu’il faut redonner à l’état un rôle régulateur qu’il a perdu depuis 30 à 40 ans, depuis les années 70 en fait.

Q : C’est une des thèses de Maurice Allais, je crois ?

Oui. Il écrivait d’ailleurs, en 2005 :
« la politique de libre-échange mondialiste poursuivie par l’Organisation de Bruxelles a entraîné à partir de 1974 la destruction des emplois, la destruction de l’industrie, la destruction de l’agriculture, et la destruction de la croissance […]
Les adversaires obstinés de tout protectionnisme, quel qu’il soit, commettent une seconde erreur : ne pas voir qu’une économie de marchés ne peut fonctionner correctement que dans un cadre institutionnel et politique qui en assure la stabilité et la régulation. […]
Une libéralisation totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est possible, et elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés et de développement économique et social comparable.
Il est nécessaire de réviser sans délai les Traités fondateurs de l’Union Européenne, tout particulièrement quant à l’instauration indispensable d’une préférence communautaire. »

(cf. aussi M Allais et le protectionnisme raisonné)
Ce rôle de régulateur, qui était, dit-on, celui dévolu à l’état au cours des premières années du conseil national de la résistance, en 1945-46 va bien au-delà de la seule question monétaire, aussi importante soit-elle.

Il doit donner un environnement aussi stable que possible au monde économique, afin que les décisions prises par le milieu économique soient réellement efficaces, cette efficacité n’étant pas mesurée à la seule aune du profit à court terme ou des dividendes des actionnaires des plus grosses entreprises.

Q : Vœu pieux ?

C’est un vœu pieux tant que l’environnement change constamment, ou si les décisions nous sont imposées par l’OMC, le FMI ou Bruxelles. Mais cela ne l’est pas si l’on intègre aux règles du jeu économique d’autres règles et d’autres critères, prenant en compte en particulier le contexte social et les contrôles de qualité.

Q : Vous affirmez qu’une certaine forme de protectionnisme est à la fois nécessaire et raisonnable. Je ne demande qu’à être convaincu, mais pourquoi certains de vos confrères prétendent que c’est stupide et contraire à ce qu’enseigne la science économique.

Vous connaissez la plaisanterie traditionnelle : réunissez 3 économistes, et vous aurez cinq avis différents…

Q: Pourtant, l’un de vos collègues, Pastré je crois, affirme : La question [sur le protectionnisme] à poser est double: 1) les exportations représentant 25% du PIB, qu’adviendra-t-il des PME exportatrices qui se verront refuser l’accès aux marchés des pays que nous aurons « punis » en élevant nos droits de douane? 2) quel impact sur le pouvoir d’achat des français les plus modestes auront ces augmentations des droits de douane?

Si je tiens à être charitable je dirais que son idéologie le pousse à contester tout ce que peuvent déclarer ceux qui ne sont pas de son bord politique. Je crois qu’un vrai scientifique – ou prétendu tel – devrait conserver son sang froid, et ne pas se contenter d’affirmer.

Q : N’est pas Maurice Allais qui veut, certes…


En fait, la question des droits de douane n’est qu’une façon de s’attaquer à la question du déficit commercial. Dans certains cas, il vaut mieux procéder autrement. On peut jouer sur le remboursement plus ou moins important de la TVA, on peut aussi mettre des quotas pour réguler ce qu’on pourrait appeler des ‘écluses’ commerciales. Ce n’est pas forcément simple, mais dès lors que l’on a pris conscience que ce déficit abyssal du commerce international français ne peut et ne doit perdurer …

Q : Et que répondez vous donc à la question des mesures de rétorsion ?

C’est un simple problème de bon sens. D’une certaine façon, puisque les exportations sont moins importantes que les importations – c’est d’ailleurs l’un des problèmes majeurs de la France – ces mesures éventuelles de rétorsion ne peuvent être véritablement dangereuses.

Q : C’est à-dire ?

Raisonnons par l’absurde. Si on n’exporte et si on n’importe plus du tout (autarcie totale) cela impactera plus les importateurs ‘français’ (et donc les exportateurs étrangers) que les exportateurs français.

Q : Certes, mais certaines importations sont nécessaires, comme celles des produits pétroliers ?

Oui, mais c’est une question simple à régler, vu qu’il y a peu de fournisseurs et peu d’importateurs. C’est plus un problème de troc entre nations que de problèmes de droits de douane.

Q : Mais nos entreprises exportatrices, que deviendront-elles ?

En dehors du fait que je ne crois pas trop aux mesures de rétorsion, le fait que les importations diminuent peut permettre aux entreprises exportatrices d’augmenter leur chiffre d’affaire intérieur, et donc de se ‘relocaliser’ au niveau commercial, ce qui ne peut que contribuer à la ré-industrialisation de la France.

Q : Et en ce qui concerne l’augmentation du coût des produits d’importation ?

Il est évident que si ces produits importés n’avaient pas de substitut ‘local’ possible, mon collègue aurait raison, c’est évident.

Q : Mais …

Mais je prétends que si de nombreux produits importés ne sont achetés que parce qu’ils sont un peu moins chers, il existe de nombreux produits qui les remplaceraient avantageusement, pour un prix guère plus élevé.

Par ailleurs, comme je l’ai expliqué par ailleurs, le mécanisme de la « récupération négative de la TVA » ne modifierait aucunement le prix TTC du produit, mais diminuerait la marge de l’importateur, qui pourrait avoir intérêt à acheter ‘local’, plutôt qu’à acheter ‘asiatique’.

Et enfin, le pouvoir d’achat ne dépend pas seulement du prix des produits mis sur le marché, mais aussi des ressources des acheteurs potentiels.

Q : Que voulez vous dire ?

Si les prix augmentent de 3%, et si les revenus augmentent de 4%, le pouvoir d’achat aura augmenté de 1%. De fait, même s’il y avait effectivement une légère augmentation des prix de certains produits, cela peut être couvert par l’augmentation des revenus des salariés qui, au lieu d’être au chômage, pourraient bénéficier de possibilités d’emplois plus nombreuses, du fait de la re-localisation de certains produits – textile, jouets, voire médicaments, dont le coût de fabrication réel ne représente guère que 3% du coût total. Dans ce dernier cas, celui des produits pharmaceutiques, même si le principe actif – fabriqué localement - avait un coût multiplié par 10, voire 15, cela n’aurait qu’un très faible impact sur le coût total.

Q : En fait, c’est un peu comme pour l’effet Nike ?

Effectivement. Le coût de fabrication d’une chaussure de sport ‘mode’ est de 10% de son prix de marché. (c’est un peu plus que les 3% des principes actifs médicamenteux). On pourrait donc fort bien rapatrier la fabrication de ces chaussures en Europe, et même en France.

Monsieur le Professeur, je vous remercie.

Si vous le permettez, et afin de rendre hommage au premier économiste libéral qui a justifié ce protectionnisme raisonné dont nous venons de parler, je vais terminer par une proposition d’ordre général censée remplacer l’article 110 du Traité de Rome, telle qu’elle a été envisagée par Maurice Allais:
« Pour préserver le développement harmonieux du commerce mondial une protection communautaire raisonnable doit être assurée à l’encontre des importations des pays tiers dont les niveaux des salaires au cours des changes s’établissent à des niveaux incompatibles avec une suppression de toute protection douanière. »

Commentaires

  1. @Bruno Lemaire
    1. Echange inégal
    Stigliz a dit "Dans un échange volontaire entre deux individus, il n’y a que des gagnants. En effet, si l’une des parties était perdante, elle refuserait d’échanger. L’échange volontaire se caractérise donc fondamentalement par le fait que tous le monde y gagne". Le vendeur et l'acheteur s'enrichissent chacun. Les conditions de la concurrence assurent un partage négocié de la valeur ajoutée. Il s'ensuit, amha, qu'il ne peut pas exister d'échange inégal.

    2. Bonus des dirigeants
    L'argent d'une société appartient entièrement aux actionnaires. Ils sont donc les seuls décideurs de ce qu'ils font avec leur argent. le montant des salaires du directeur est donc une affaire privée. Un tiers est mal fondé à juger de la légitimité d'un tel contrat privé entre le directeur et les actionnaires.

    3. Récompenser le personnel
    Chaque directeur a reçu le mandat de tous les actionnaires pour gérer leur argent, pour gérer leur investissement. Le directeur a le choix des moyens pour choisir l'état d'esprit de l'entreprise. Une récompense au personnel est un des moyens disponibles. Certainement pas un droit, ni une obligation qui serait systématique.

    4. Travail au noir
    Chaque matin, des groupes d'ouvriers se postent devant les Castorama de France. Un vrai marché avec un vrai prix existe pour le travail au noir. Et un artisan en embauchera -au noir- un ou deux pour quelques semaines, le temps d'un chantier. Chacun y trouve son avantage. Il n'existe donc nulle "exploitation". Malheureusement ces ouvriers ne sont pas assurés en cas d'accident.

    5. monopoles des syndicats
    Un monopole, accepté et protégé par l’État, use et abuse de sa position en sur-facturant et en surpayant ses salariés au détriment des clients. Le responsable de ces abus n'est pas les employés. Le responsable est l’État qui autorise un tel monopole de tel syndicat.

    6. délocalisation
    Délocaliser, c'est trouver un moyen de produire moins cher. Si une invention technologique le permet d'accroitre la productivité, chacun applaudira. En ce sens, la délocalisation et une invention ont la même conséquence pour l'entreprise et pour ses clients. Blâmer l'une, c'est blâmer l'autre.

    7. "compétition loyale entre entreprises"
    La règle de loyauté existe depuis des millénaires entre les commerçants. C'est l'absence d'agression, c'est l'absence de spoliation, c'est le respect des contrats. Toute autre règle qui violerait cette règle "naturelle" serait une violation du Droit.

    8. ré-industrialisation de la France
    Soit une activité est rentable, soit elle ne l'est pas. Si elle n'est pas rentable, elle ne peut attirer que les chasseurs de subventions. Les autres investisseurs investissent et embauchent dans des secteurs rentables. Les subventions versées par l’État sont, nécessairement, des gaspillages.

    9. régulation par le marché ou par l’État
    La régulation par le marché, c'est la "main invisible" de Adam Smith. Lorsque le droit de propriété est garanti et que la liberté d'entreprendre existe dans un secteur, le marché assure alors une régulation par le jeu de l’intérêt individuel et du besoin solvable de chacun. Une régulation par l’État est nécessairement triplement aveugle. Elle prétend savoir mieux que les investisseurs comment créer de la richesse. Elle prétend savoir qui subventionner, et dans quel secteur.

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