Les enjeux de la creation monetaire

Les enjeux de la création monétaire. (Reprise d'un texte de septembre 2009) Il est de bon ton de nos jours de vilipender la monnaie et ses gestionnaires, et les raisons, souvent excellentes, de le faire, ne manquent pas. Avant de prendre position sur ce point, il convient cependant de rappeler le rôle de cet argent-monnaie, en essayant de nous abstraire de toute idéologie ou de tout anathème initial. Toute économie développée a besoin d'un moyen d'échange universel, l'une des premières propriétés de l'argent-monnaie. Pour le démontrer, précisons tout d'abord que nous appellerons ici une économie développée toute économie qui possède deux propriétés. Elle doit avoir dépassé le stade de simple subsistance (ce qui signifie que tout ce qui est produit ne sert pas uniquement à la simple survie de la population concernée: il peut donc se constituer des stocks, de produits finis ou de produits intermédiaires, que ces produits soient des biens de consommation ou des équipements). Elle doit aussi correspondre à un travail spécialisé, au sens où la majorité de la population, sinon sa totalité, dépend aussi du travail d'autres personnes pour se procurer les biens nécessaires à sa consommation personnelle ou à ses propres travaux. En résumé, la production d'une économie développée ne disparaît pas du jour au lendemain, ou d'une minute à l'autre, il y a une certaine durée, un certain laps de temps, nécessaire pour produire tel ou tel bien, tel ou tel service, et ces différents processus de production ont chacun une durée différente, et font appel à diverses spécialités. La monnaie-argent doit donc servir de moyen d'échange universel – du moins à l'intérieur d'un périmètre ou d'une communauté économique donnés – et ce à la fois pour des échanges quasi-immédiats (je vends une côtelette, je récupère de l'argent, et je vais m'acheter du pain) et pour des échanges différés (je perçois un salaire pendant quelques mois, et je vais ensuite m'acheter une voiture). Une deuxième propriété de l'argent-monnaie intervient ainsi, celui de réserve de valeur. Cela étant rappelé, on conçoit aisément que parmi tous les métiers qui peuvent exister, et plus particulièrement parmi tous les commerces que l'on peut imaginer, celui du commerce de l'argent a un rôle particulier, privilégié même. Au niveau des temps modernes, on convient habituellement de situer au début du XVIIème siècle, du moins en Occident, la naissance des premiers commerces spécialisés dans cette manipulation de l'argent monnaie. On parle ainsi de la Banque d'Amsterdam, puis de la Banque d'Angleterre, mais ce n'est pas le plus important. La question majeure consiste en la question suivante: comment fixer la valeur de cet étalon ou moyen d'échange universel, si nécessaire à toute économie développée? Après des siècles de discussion, et des débats houleux entre spécialistes, la question, de nos jours,est plus ou moins enterrée, car elle n'a pas de réponse, ou du moins la seule réponse sensée est la suivante: la monnaie-argent n'a pas de valeur intrinsèque, sa valeur est relative, et parfois fluctuante. En fait, on arrive à une véritable tautologie, ou lapalissade: la valeur de l'argent est ce que le système économique dans laquelle elle évolue lui reconnaît comme valeur. La valeur d'un euro est … un euro. Une fois que l'on a dit cela, on n'est pas beaucoup plus avancé, certes, sinon que l'on a compris que la valeur d'un euro était relative à l'ensemble de l'économie. Actuellement, un euro permet d'acheter dans mon village un peu plus qu'une baguette « normale », et un peu moins qu'une baguette de campagne, ou encore presque deux timbres « normaux » Bien entendu, cette « vérité » n'est pas toujours bien reçue, et l'on a essayé pendant des années, voire des siècles, de lier la valeur d'une monnaie à quelque chose de stable, d'où les fantasmes de l'étalon-or. Un écu, ou un franc, ou un dollar, avaient une certaine valeur, fixe (ou que l'on cherchait à rendre stable) par rapport à une certaine quantité d'or. Bien entendu, c'était reculer pour mieux sauter, puisqu'on pouvait se demander ce qui fixait la valeur de l'or, et quel était le lien entre l'or et l'évolution de la production et de la prospérité de telle ou telle économie développée ou en développement. Il n'empêche. Pour des raisons historiques, la plupart des stocks d'or se sont retrouvés, au cours du XVIII et du XIX ème siècle, dans les coffres des banques. Ces « dépôts » étaient privés, stockés par les commerçants-banquiers dans leurs coffres, ces banquiers délivrant en échange de ces dépôts des certificats de dépôts, ou certificats d'or, qui évitaient à leurs propriétaires de se balader avec des pièces d'or dans leurs poches ou dans leurs valises. Ils utilisaient ces certificats comme « preuve » de leur pouvoir d'achat, et ces certificats pouvaient ainsi circuler de mains en mains, ce fut les premiers billets de banque, billets 'privés' qui ne bénéficiaient que de la garantie plus ou moins grande de la banque (de dépôt) qui les avait émis. On connaît la suite. Les commerçants-banquiers se sont vite aperçus (cela a pris aux plus raisonnables quelques décennies, à d'autres quelques années) qu'ils pouvaient émettre plus de certificats qu'ils n'avaient d'or en réserve. Après tout, il y avait peu de chance que tous les déposants viennent retirer leur argent en même temps. Et puis, pensaient les plus cyniques, après tout, ils faisaient œuvre de bienfaisance. Ils prétaient de l'argent (gagés sur du vide, ou du moins sur une quantité amoindrie d'or) à des entrepreneurs qui, grâce à ce prêt, allaient pouvoir enrichir l'ensemble de la communauté en fabriquant de nouveaux produits. Quel mal y avait-il à cela? C'est ici qu'intervient le dernier phénomène lié à l'argent-monnaie, celui du prêt, non nécessairement couvert par une épargne préalable. Au lieu du simple commerce de l'argent (pas toujours 'honnête', puisque délivrer un certificat contre de l'or que l'on n'a plus n'est pas spécialement 'correct') nos commerçants-banquiers se sont mis à spéculer sur l'avenir, en avançant de l'argent-monnaie (dont ils étaient rarement propriétaires eux-même, quand ils ne le fabriquaient pas eux-même) à certaines personnes, en fonction de critères qui leur sont propres.Bien entendu, le prêt n'a rien de répréhensible en soi, mais ce sont les critères qui permettent ou motivent ces prêts qui peuvent l'être bien davantage. Qui peut assurer que les prêts accordés par nos banquiers (privés, ou publics, ce n'est pas encore vraiment la question) le sont pour la meilleure cause, celui du bien-être de la collectivité dans son ensemble? Ne serait-ce pas ici le problème fondamental de nos économies contemporaines: faire en sorte que les prêts accordés à l'économie, que ce soit aux entrepreneurs ou aux consommateurs, soient les plus efficaces possibles, au niveau de la richesse collective, de la protection de l'environnement, de la cohésion sociale, etc. La crise financière actuelle a nettement montré que les critères d'émission monétaire et de prêts aux collectivités et aux particuliers doivent être revus de fond en comble. Au lieu de cela, que voit-on dans les différents plans concoctés par les différents gouvernements du G7, du G8 ou du G20? Il s'agit le plus souvent de redonner des possibilités de prêt – sans le moindre contrôle supplémentaire – aux banques commerciales, le plus souvent privées – qui ont conduit l'économie mondiale au désastre, économie qui est passée, en un an, d'un taux de croissance moyen de 4% à un taux négatif. Les seules banques dont l'objectif – au moins officiel – est de venir en aide à la collectivité sont, au contraire, privées de tout moyen d'action – du moins en Europe. Elles n'ont aucun droit de créer de la monnaie (fiduciaire) sans autorisation expresse, alors que les banques privées, elles, peuvent continuer à émettre de la monnaie privée (scripturale). Bien entendu, les banques centrales peuvent faire des erreurs, et elles en ont fait sûrement. Mais pourquoi ne pas faire en sorte que ce soit les élus de la nation, et les collectivités territoriales et locales, le plus au fait des besoins de la collectivité, qui décident de l'orientation des crédits à l'économie, plutôt que de laisser ce privilège exorbitant pour tout ou partie aux banques privées qui ont permis le scandale des subprimes et de l'affaire Madoff, quand elles ne les ont pas suscités. (Les paragraphes suivants ne faisaient pas partie de la première rédaction, celle de 2009) La loi de janvier 1973, la tristement célèbre loi Pompidou-Giscard, reprise dans l'article 104 de du traité dees articles 104 de Maastricht et 123 du traité de Lisbonne, a montré, hélas, que les enjeux de la création monétaire étaient d'une importance cruciale, par ses effets sur la sphère économique toute entière. En dehors du fait que fin 2006, la dette publique française, qui était d'environ 1150 milliards d'euros, aurait été proche de zéro s'il n'y avait pas eu d'intérêts à payer aux banques commerciales dites "de second rang" - on sait que, fin 2011, cette dette publique se monte à 1700 milliards d'euros, pour des intérêts de l'ordre de 1400 milliards - c'est sur le rôle même des marchés financiers, des banques commerciales et de la banque centrale qu'il faut s'interroger. Sommes nous prêts à redonner à l'Etat la souveraineté monétaire, au sens où seule la banque centrale, qu'elle soit nationale ou européenne, pourrait émettre de la monnaie, les banques de second rang se transformant en simples gestionnaires d'une monnaie crée "centralement": c'est le projet Fisher-Allais. Ou bien, allons nous continuer à laisser aux banques et aux marchés financiers le véritable pouvoir économique, issu directement d'un pouvoir insigne, celui de battre monnaie sans contrôle autre que celui de maximiser des profits privés, sans tenir compte du bien commun, en donnant ainsi raison , 2 siècles plus tard, à Napoléon Bonaparte: "Quand l’argent d’un gouvernement dépend des banques, ce sont elles et non les chefs du gouvernement qui contrôlent la situation". Cela semble bien être, hélas, le chemin que veut emprunter notre futur Président de la République: c'était contre cette démission de l'Etat et de la nation que voulait lutter Marine Le Pen, dans son programme économique, ainsi d'ailleurs que le candidat du Front de Gauche.

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