Une gageure, parler d’inflation sans parler de monnaie !
Chronique du jour, le 10/05/2022, par Bruno Lemaire, ancien doyen associé d’HEC
Nos économistes et nos experts seraient-ils tous idiots,
incultes, ou frappés du symptôme macronien, « parler dans le vide et dire
tout et son contraire ».
N’y aurait-il personne pour se dire qu'effectivement la monnaie
« banque centrale », émise sous forme de billets ou de simples
écritures par la Banque de France, peut avoir un peu d’influence. Mille
milliards d’euros d’augmentation du bilan de la Banque de France, pour une
production en avril 2022 inférieure à son niveau de décembre 2019, cela
n’interroge aucun chroniqueur ?
De plus en plus de monnaie créée, pour une production
stagnante, n’y aurait-il aucun rapport avec la hausse des prix qui
s’annonce ?
Alors nos experts des plateaux télé vont parler de stagflation,
en en donnant les symptômes, hausse de prix et stagnation de la production et
de la consommation, mais sans en chercher la cause : le quoiqu’il en coûte
du « Mozart de la Finance », réélu dans un fauteuil à la plus haute
charge de l’Etat
Sans même parler ici de l’augmentation de la dette, plus de
600 milliards, dont seulement 150 milliards affectés pour soutenir, bien
maladroitement, l’économie pendant la « crise du Covid », comment ne
pas voir que lorsque l’on émet de l’argent magique à profusion, avec une
production stagnante (moins 8% en 2020) cela ne peut que diminuer
automatiquement la valeur de la monnaie?
Avant la crise de l’Ukraine, j’avais écrit, en mai 2021, dans
plusieurs articles ainsi que dans mon dernier ouvrage, que l’inflation serait
d’au moins 5% par an pendant au moins une décennie. Nous sommes hélas bien
partis pour.
Les mêmes experts, ou d’autres interchangeables avec les
premiers, nous disent que c’est à cause d’une consommation en baisse, tout en
nous disant qu’il y a eu augmentation du pouvoir d’achat. De qui se
moquent-ils ? Il est vrai que nos experts de l’INSEE ne veulent pas toujours
reconnaître que le sacro-saint PIB est simplement la somme de toutes les
dépenses effectuées à l’intérieur d’un même pays, c’est-à-dire que le PIB est équivalent
à la SOMME de la consommation finale, de la formation brute de capital fixe et
de la variation algébrique des stocks, somme à laquelle il faudrait,
toujours d’après l’INSEE, AJOUTER les exportations et SOUSTRAIRE les
importations, ce qui est une grossière erreur, puisque l’on ne peut ajouter des
ressources parfois aux dépenses, parfois
aux recettes. Le tableau suivant précisera ces points :
Mais revenir ici sur les incohérences du calcul du PIB par les experts de l’INSEE n’est pas le point essentiel. Notre argument est simplement un argument de bon sens.
Lorsque la production stagne, et que l’argent magique coule
à flot, cet argent sert soit à la spéculation boursière, soit à une épargne
partiellement fictive (puisque la valeur de la monnaie est nécessairement
impactée) soit à une explosion des importations et donc de notre déficit
commercial, qui vient d’atteindre sur les 12 derniers mois le montant colossal
de 100 milliards, alors que l’Allemagne, au contraire, flirte toujours avec des
soldes positifs dépassant régulièrement 2000 milliards
Alors, bon sens ou expertise, que faut-il choisir ? Le
réel va finir par nous rattraper : production stagnante et argent fictif,
c’est à la fois hausse des prix et croissance nulle. Finalement, c’est simple,
l’économie, non ?
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