La sortie de l’euro fait peur, soyons créatifs



Par Bruno Lemaire, économiste, ancien doyen associé d’HEC, Club Idées Nation

Un fait : le FMI, et d’autres organisations internationales, affirment que l’euro est trop cher de 5 ou 6% pour la France, et pas assez cher de 15 à 16% pour l’Allemagne. Cela signifie, entre autres, que l’Allemagne est 21% plus compétitive que la France, pour des prix de vente qui seraient identiques.
Cela explique aussi pourquoi le solde commercial de l’Allemagne est un excédent de 20 à 25 milliards vis-à-vis de la France, alors que ce serait l’inverse si l’euro « français » était déprécié de 21% par rapport à l’euro « allemand » (et de 5 ou 6% par rapport au dollar américain)

Un autre fait : plusieurs études montrent que les entreprises françaises et plus généralement les français ont peur de sortir de l’euro. 70% de nos compatriotes souhaiteraient conserver l’euro.

Question : Que fait-on ? stop ou encore. On garde la monnaie unique, qui nous paraît néfaste, ou on essaye de sortir de ce dilemme ?

En dehors du statu quo, qui nous semble une mauvaise idée, il y a en fait trois pistes possibles si on laisse de côté la position volontariste de convaincre par le débat que la seule solution est de sortir de l’euro.

Piste 1 : changer la composition de la monnaie unique, sans la remettre en cause, et, pour cela, modifier le bilan de la Banque Centrale, et plus exactement le ratio des parts respectives de la France et de l’Allemagne dans les capitaux propres de la Banque Centrale Européenne (BCE), actuellement dans un ratio de 21/27.

Et alors ?
Le poids de l’économie allemande serait reconnu comme plus important que celui de l’économie française tels qu’ils avaient été calculés en 1999, et nous ferions passer le poids relatif à un ratio plus proche de la réalité économique de 2017, à savoir 19.5/31 (ce qui correspond sensiblement à une modification de 21% des poids respectifs France et Allemagne)

Cela suffirait ?
Non, il faudrait en plus que les industriels allemands acceptent de remonter tous leurs prix de 21%, ou de 16% avec une baisse des prix français de 5%, pour les mettre en adéquation avec la réalité économique sous-jacente.

Et ils accepteraient ?
Sans doute pas, mais cela peut se discuter. C’est en tout cas une façon de mettre les allemands devant leurs responsabilités. L’Allemagne s’est engraissée depuis 15 ans avec une monnaie qui la favorisait, reste à voir si elle accepte de corriger cela. Mais venons-en aux deux autres pistes

Piste 2 :
La France propose que l’euro devienne à terme une monnaie commune, aux parités ajustables, à périodicité donnée (tous les 6 mois ou tous les ans), en fonction de l’évolution économique des différentes nations qui accepteraient de rentrer dans cette configuration, qu’ils fassent partie initialement de l’eurozone actuelle ou non. C’est un peu l’écu ancien, mais avec des garde fous anti-spéculations reposant sur l’économie réelle.
Une monnaie nationale française serait recréée, avec une parité initiale de 1 franc2017 pour 1 euro, en sachant que si cela se fait, l’euro « allemand » prendrait à peu près certainement 15à 25% de valeur de plus que ce franc2017
C’est d’ailleurs à peu près ce que semble proposer Marine Le Pen dans son programme présidentiel, mais après négociation.

Piste 3 :
On ne touche rien au système monétaire actuel, l’euro reste légal en France, et dans les échanges internationaux, mais la Banque de France reprend une part de liberté et va créer une deuxième monnaie, l’eurofranc2017, qui ne pourra être utilisée qu’en France. Aucune procédure légale n’est contre cette possibilité, dès lors que la Banque de France obtient, ou retrouve, ce droit.
Cette possibilité (qui, pour le moment n’est utilisée qu’à très faibles doses, sous la forme de monnaies locales, à Toulouse ou à Nantes) est opérationnelle très rapidement, surtout si on décide de l’utiliser que sous forme électronique : pas de billets, pas de pièces, mais uniquement sous forme de cartes de crédit/débit.
Sur le plan informatique, il suffirait de modifier les programmes informatiques des banques commerciales, ce qui peut se faire en un week end.

On peut aussi penser que ce serait un moyen de pression plus qu’intéressant pour négocier dans de bonnes conditions avec l’U.E.
Tout à fait. Mais cette monnaie complémentaire française permettrait aussi de développer le produire et consommer français, dans des relations de proximité presque automatiques.
Vis-à-vis de l’euro et de sa sortie éventuelle, on peut donc être créatif, ce qui devrait rassurer, non ? Et éviter ainsi le dilemme : continuer à se faire ‘manger’ lentement mais sûrement par l’Allemagne, ou sauter dans l’inconnu.

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