Les épargnants, petits et grands, craignent la sortie de l’euro. Ont-ils raison ?
Bruno Lemaire, économiste, ancien doyen associé d'HEC
Q. J’ai quelques économies en euros, que vont-elles devenir avec un franc
nouveau ?
On devrait plutôt parler d’un
euro français séparé de l’euro allemand, mais par simplicité on parlera ici du
franc nouveau, ou du franc Marine.
Cela étant précisé, l’impact de l’euro
français ou du franc Marine va dépendre de ce dont on parle, en particulier du niveau
de ces économies, ainsi que du mode de vie des personnes concernées.
Q. Comment cela ?
Si vous avez entre 1000 et 50 000
euros d’économie, voire un peu plus, et si toutes vos dépenses se font en France,
vos économies ne seront absolument pas affectées. Ce qui coûtait avant 1 euro
vaudra un euro français, ou franc Marine, vos vacances en Dordogne ou en Corse
ne seront pas affectées, vous paierez en
euro-franc ce que vous auriez payé en euro ancien.
Q. Et si je veux aller à l’étranger ?
Le pouvoir d’achat de vos
économies diminuera de 20% si vous
allez en Allemagne, de 5 ou 6% si vous allez aux USA, mais augmentera sans nul doute si vous choisissez l’Italie et encore
plus l’Espagne, qui seront à peu près sûrement obligés de déprécier leur
monnaie, non seulement par rapport à l’euro actuel, mais aussi vis-à-vis de cet
euro-franc, de ce franc Marine.
Notons que, vis-à-vis des USA, cela s’est déjà passé ainsi, quand l’euro vis-à-vis
du dollar est passé de 1.55 à 1.06, pour se stabiliser provisoirement autour de
1.10
Q. Et personne n’a rien dit ?
Bien au contraire, certains se
sont réjouis de la baisse relative de l’euro vis-à-vis du dollar.
Q. Ok pour les « petits épargnants ». Mais qu’en serait-il
pour ceux qui auraient davantage d’économies, disons au-dessus de 100 000
euros ?
Il faut déjà qu’ils sachent que
grâce à, ou à cause de, deux mesures récentes, le MRU de l’union bancaire et la
loi Sapin2, leurs économies sont déjà très menacées.
Q. C’est-à-dire ?
En cas de défaillance de votre
banque, le MRU (Mécanisme de Résolution Unique) vous transforme,
vous simple client, en
associé « malgré
vous », puisque, après les actionnaires classiques, vous pourrez
être sollicité pour renflouer à perte la banque concernée. C’est ce que l’on
appelle le « bail-in ».
Dans ce cas l’épargnant, évidemment non
responsable, sera déclaré coupable ! C’est ainsi qu’un italien s’est
pendu de désespoir en novembre 2015 après qu’on lui ait pris ses 110 000 euros
d’économie, pour sauver diverses banques dont Banca Marche et Cassa di
Risparmio diFerrara.
Avoir mis ses économies dans
divers paniers ne les a donc pas sauvées, hélas.
Q. Et la loi Sapin2 ?
Un peu plus subtile, mais aussi
néfaste pour les épargnants. Elle peut empêcher les tenants d’un patrimoine en
assurance-vie de récupérer leurs fonds s’ils souhaitaient en disposer par
anticipation.
Q. Pourquoi cela ?
Ces fonds sont souvent placés sur
10 ans à un taux voisin de 2%, ce qui n’est pas si mal, sauf si les taux
remontaient, ce qui est plausible, sinon probable. Dans ce cas, les rendements actuels
des assurance vie ne seraient plus suffisants, et beaucoup d’épargnants
voudraient sortir en même temps de ces contrats, ce qui ruinerait ici les
assureurs (et pas les banquiers). Les « assurances-vie runs »
remplaceraient les tristement fameux « bank
runs » des années 1929.
Q. Si je comprends bien, notre épargne va déjà très mal !
Oui, et cela ne s’arrangerait pas
si la politique actuelle continuait, qu’elle soit incarnée par F. Fillon ou par
E. Macron. En fait, plus généralement, l’épargne
d’une nation est gagée par la santé, bonne ou mauvaise, de son économie. Si
la France va mieux, ce qui sera le cas avec Marine Le Pen et ses projets de
réindustrialisation et de « produire et consommer français », son épargne
ira elle aussi mieux.
Par ailleurs avec Marine Le Pen,
la priorité ne sera pas donnée aux banquiers, comme avec Macron, ou aux assureurs
comme avec Fillon, mais au peuple. Il est hors
de question de privatiser les profits et de socialiser les pertes, comme ce
fut pourtant le cas depuis des années, que ce soit sous N. Sarkozy ou sous F.
Hollande. C’est aux vrais responsables
de payer, pas à ceux qui ont cru que leur épargne était conservée en de
bonnes mains.
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